Un chapeau de paille d'Italie d'Eugène Labiche
Notice
Extraits des répétitions et interview de Georges Lavaudant autour de la mise en scène du Chapeau de paille d'Italie au Théâtre de la ville en 1993.
Éclairage
Le Chapeau de paille d'Italie a été créé le 14 août 1851 au Palais-Royal (auquel Labiche restera longtemps fidèle) et remporte un vif succès, en témoignent les plus de 300 représentations de la pièce. L'anecdote rapporte même qu'un spectateur apoplectique mourut de rire le soir de la première [1]. Le texte a fait l'objet de nombreuses mises en scène dans le théâtre public et privé – signalons simplement le spectacle historique de Gaston Baty, pour l'entrée du tout premier vaudeville au répertoire de la Comédie-Française, en 1938, avec Pierre Bertin, Gisèle Casadesus, Jean Debucourt et Jean Meyer – ; la pièce a par ailleurs été adaptée plusieurs fois au cinéma, par René Clair en 1927 avec Albert Préjean (film muet) et par Maurice Cammage en 1940, avec Fernandel dans le rôle principal.
Labiche offre avec Le Chapeau de paille une grande comédie en cinq actes à l'action rocambolesque. La pièce retrace les mésaventures de Fadinard, qui se rend bonnement à son mariage. Mais, sur le chemin, son cheval mange « le chapeau de paille » d'une jeune inconnue, Anaïs, une femme mariée qui batifolait avec son amant, et qui ne peut par conséquent rentrer à son domicile sans chapeau à moins de se compromettre. Fadinard se met donc en quête d'un nouveau chapeau, alors que les gens de la noce, famille et amis, s'impatientent. Finalement, tous se retrouvent pris dans d'invraisemblables imbroglios alors que l'oncle de Fadinard tente de remettre à la jeune promise, depuis le début, un chapeau de paille d'Italie en guise de cadeau de mariage.
Dès l'ouverture de la pièce, Labiche propose une exposition très détaillée, des développements explicatifs avec quantité d'information pour le spectateur, qui doit cerner d'emblée les composantes psychologiques des personnages, leurs attributs et leurs fonctions. Dans Le Chapeau de paille, ce sont les domestiques, Virginie et Félix, qui sont pour le spectateur les passeurs de ces informations. Cette mise en condition doit susciter et soutenir l'intérêt du spectateur et participe de l'art des préparations. Nous en savons toujours plus que les personnages et ce décalage a pour effet de provoquer le rire quand ces mêmes personnages ne savent pas démêler les quiproquos, éviter les rencontres importunes, parer à un coup du sort. Contrairement au spectateur, l'élément déclencheur et perturbateur de l'intrigue, ainsi que la possibilité de la solution, qui est sous leurs yeux depuis le début, font défaut au personnage. Pour le public, tout le jeu consiste donc à estimer la valeur des informations qui lui sont délivrées et à jauger en quoi un objet, le fameux chapeau par exemple, peut provoquer la catastrophe ou participer au dénouement, comment un petit rien peut dérégler la vie bien organisée d'une communauté de personnages et l'entraîner dans une course effrénée et circulaire (avec retour au point de départ). Le Chapeau de paille d'Italie apparaît dès lors comme un cauchemar éveillé à travers un Paris devenu étrange et inquiétant.
[1] Notice d'Un chapeau de paille d'Italie in Théâtre de Labiche, tome 1, Bordas, « classiques Garnier », 1991, p. 309.