Le TEP de Guy Rétoré

2006
03m 42s
Réf. 00391

Notice

Résumé :

Après une présentation par Guy Rétoré du TEP (Théâtre de l'Est Parisien), plusieurs spectateurs, principalement ouvriers, sont interviewés. Ils racontent comment ils en sont venus à prendre des abonnements collectifs au théâtre, notamment grâce au car mis en place par le théâtre depuis Montreuil. On voit également quelques extraits de On ne sait jamais tout de Pirandello.

Date de diffusion :
2006
Artistes et personnalités :

Éclairage

En 1950, Guy Rétoré (1924-), alors comédien professionnel, entend parler des expériences de décentralisation théâtrale menées en province, notamment de Maurice Sarrazin et du Grenier de Toulouse, d'Hubert Gignoux et du Centre Dramatique de l'Ouest à Rennes ou encore d'André Clavé à Colmar avec le Centre Dramatique National d'Alsace. Profondément mal à l'aise dans le milieu théâtral professionnel parisien, il décide à son tour de faire l'expérience d'un théâtre de troupe, populaire, mais en restant à Paris, et plus exactement à Ménilmontant. En 1950, il fonde la Guilde dans l'est parisien, quartier déserté de toute culture. À cette époque, les XXe et XIXe arrondissements sont des quartiers populaires, principalement habités par des ouvriers, artisans et employés. En 1957, la Guilde participe au concours des Jeunes Compagnies, organisé par Jeanne Laurent, sous-directrice à la direction des spectacles, où il gagne le premier prix d'un million d'anciens francs. Cela leur permet de s'installer dans la salle du Patronnage Saint-Pierre, que Guy Rétoré renomme Théâtre de Ménilmontant. La Guilde s'y produit deux ans, jusqu'en 1961. Il faut ensuite attendre 1963 pour que le TEP voie le jour dans l'ancienne salle de cinéma « le Zénith » de la rue Malte-Brun dans le XXe arrondissement. Le TEP obtient le statut de Maison de la Culture, la première dans Paris, et poursuit son travail d'ouverture du théâtre à toutes les catégories sociales, comme l'explique bien Guy Rétoré : « Inlassablement, il a fallu multiplier les débats après les spectacles, les visites dans les entreprises et les bureaux, prendre la parole dans les cantines, distribuer des tracts aux sorties d'ateliers, rencontrer les enseignants et les associations. » [1]

Le TEP est transformé en 1972 en Théâtre National par Jacques Duhamel. Par la suite, il laissera la place au Théâtre de la Colline dont les travaux, commandés par Jack Lang en 1983, seront achevés en 1988. C'est alors Jorge Lavelli qui prend la direction du Théâtre National de la Colline, tandis que Guy Rétoré conserve l'appellation « TEP » pour l'ancienne salle de répétition avenue Gambetta, aujourd'hui dirigée par Catherine Anne.

[1] Guy Rétoré, « La création du TEP » in La Décentralisation théâtrale, 2., Les Années Malraux, 1959-1968, Actes-Sud Papiers, coll. « Théâtre, éducation », cahiers n°6, Arles, 1993, p. 154.

Sidonie Han

Transcription

Intervenant 1
Aujourd’hui notre établissement a le plaisir d’accueillir le théâtre de l’Est parisien et son directeur Monsieur Guy Rétoré.
Guy Rétoré
Je ne suis pas un homme de tribune, je ne veux pas vous faire un discours. Je veux simplement vous informer que, il y a 5 ans, la culture était encore un privilège social. Elle est maintenant à la disposition de tous les travailleurs. Le TEP, Théâtre de l’Est Parisien Maison de la Culture est construit pour vous dans votre quartier et à votre disposition. Je vous attends donc au bar pour en bavarder avec vous.
Intervenant 2
Il y a 3 ans que nous avons donné notre adhésion collective au TEP. Nous n’avions jusqu’à lors organisé aucune sortie disons collective en groupe. Depuis cette année, à l’occasion de la réouverture de la première pièce qui a été donnée sur Le Revizor de Gogol, nous avons eu un départ disons assez timide, mais enfin une vingtaine de personnes. Nous pensons quand même que c’est positif.
Intervenant 3
Ce que j’attends du théâtre, c’est de m’ouvrir l’esprit puis d’apprendre autre chose, de me sortir un petit peu de ce cadre habituel dans lequel la vie nous enferme quotidiennement. Quand on rentre du boulot, vous savez ben, la culture, il faut faire un effort pour y arriver.
Guy Rétoré
En 1954 avec des camarades, nous avons abandonné l’aventure théâtrale que nous avions à Paris et nous avons décidé de faire là, à Ménilmontant, une compagnie dramatique et nous l’avons appelée la Guilde. Et nous avons commencé par donner un certain nombre de spectacles de théâtre puisque c’est une compagnie dramatique uniquement auxquels nous avons ajouté peu à peu des spectacles soit de variété, soit même des projections cinéma d’art et d’essai, que nous avons ajouté à toutes nos activités théâtrales. C'est-à-dire qu’en quelque sorte dès 1956, nous avons en fait préfiguré ce qui est le TEP maintenant. C’est-à-dire, préfiguré une maison de culture dans l’Est parisien. Et c’est en 1963 seulement que nous avons ouvert cette salle que nous avons appelé le TEP, Théâtre de l’Est Parisien Maison de la Culture.
Journaliste
Aller au théâtre à Paris quand on habite Montreuil n’est pas chose facile. C’est ce qui a mené le Théâtre de l’Est Parisien à mettre des cars à la disposition des spectateurs habitant la banlieue. Ce soir le TEP présente On ne sait jamais tout , de Pirandello.
Comédien
Le spectacle est commencé.
Comédienne
Il est commencé ?
Comédien
Oui, Madame.
Comédienne
Alors je veux le voir.
(Bruit)
Journaliste
Vous venez de voir la première partie d’On ne sait jamais tout de Pirandello, qu’en pensez-vous ?
Intervenant 4
Euh… enfin, moi j’arrive à peu près difficilement à suivre, et j’en ai eu des échos enfin pendant l’entracte de mes copains quoi, enfin. Je ne suis pas tout seul hein, on a du mal un peu à… enfin à suivre c’est un peu contradictoire quoi. Il faut déjà, enfin je pense qu’il faut déjà avoir acquis certains trucs pour pouvoir comprendre quoi, voir ce qui est vrai et ce qui n’est pas vrai finalement.
Journaliste
Qu’est ce que vous faites comme métier ?
Intervenant 4
Je répare les machines à écrire.
Journaliste
Il y a un an vous avez décidé d’amener des nouveaux adhérents au TEP, je crois. Expliquez-moi, comment vous y êtes pris, comment vous avez fait ?
Intervenant 4
J’habite des bâtiments où finalement il y a assez de jeunes. Et on avait du mal à se rencontrer parce que, enfin, ils ont du travail et puis moi, j’ai du travail aussi. On n’avait plus de point de rencontre. Et il m’a semblé que finalement que le TEP enfin, avec le transport en car, ça nous redonnerait un point de rencontre. Et c’est sûr que quand ils se retrouvent maintenant, ils ont d’abord de quoi discuter de quelque chose qu’ils ont fait ensemble, qu’ils ont vu ensemble, c’est une pièce de théâtre et à partir de ça, ça me semble quand même important.