Raymond Bussières à propos du Groupe Octobre

04 juillet 1976
04m 50s
Réf. 00600

Notice

Résumé :

Dans un entretien de 1976, Raymond Bussières évoque son engagement politique, sa participation au Groupe Octobre et lit le début d'un texte écrit par Jacques Prévert lors d'une grève à l'usine Citroën, en 1933.

Date de diffusion :
04 juillet 1976
Source :
TF1 (Collection: Sillages )
Compagnie :
Thèmes :

Éclairage

Dans un contexte de crise économique et de contradictions idéologiques, le Groupe Octobre, ainsi nommé en référence à la Révolution russe, est une troupe d'agit-prop (agitation-propagande) qui se revendique des points de vue de Piscator et intervient dans les rues, les bars, les manifestations et les usines en grève de la région parisienne à partir de 1932. Il fait partie de la FTOF (Fédération du Théâtre Ouvrier de France) proche du parti communiste et de la CGTU. Parmi ses membres, les frères Prévert, Maurice Baquet, Roger Blin, Jean Dasté, Mouloudji, Alain Cuny, Claude Autant-Lara, Jean Vilar, Jean-Louis Barrault... Presque tous les textes utilisés sont écrits par Jacques Prévert. Ce sont des scènes semi-improvisées, des poèmes, des chansons, des chœurs parlés inspirés de l'actualité, qui traquent avec humour les travers du monde bourgeois et dénoncent l'injustice sociale. Le groupe se dissout en 1936 à cause de difficultés financières et de divergences politiques, peu après la création du Tableau des Merveilles, adapté du Retable des Merveilles de Cervantès, au Théâtre de la Mutualité. La pièce sera reprise en 1996 et 2000 par la compagnie Jolie Môme, spécialisée dans le théâtre engagé et les chansons des rues.

Raymond Bussières est un des fondateurs du Groupe Octobre. Comédien, scénariste, producteur, militant actif du syndicat des comédiens, il est surtout connu pour ses rôles dans L'Assassin habite au 21, Quai des orfèvres, Casque d'or, Belles de nuit, Porte des lilas...

Voir aussi

Un document avec Francis Lemarque parlant du Groupe Octobre sur Ina.fr

Un document avec Mouloudji et Jacques Prévert à propos du Groupe Octobre sur Ina.fr

Documentation

- Jacques Prévert - Octobre (1932-1936), Paris, Gallimard, 2007

Sylvie Clidière

Transcription

Raymond Bussières
Nous étions passionnés de vivre. Et c’est pourquoi on s’occupait aussi bien de politique de … que d’art et de tout. Ainsi tenez, on a fondé avec quelques camarades, un groupe de théâtre. Plus exactement, les gens l’ont appelé un groupe de théâtre, alors que pour nous, c’était un groupe tout… un groupe d’agitation de propagande, d’agitprop. C’est Piscator qui avait lancé ça en Allemagne, c'est-à-dire qu’au lieu de faire une distribution de tracts dans la rue, nous faisions une distribution de tracts oraux. Y avait un évènement quelconque qui se passait, on faisait un texte et on allait le dire dans la rue parmi les gens etc. Et ce groupe ne s’est jamais occupé vraiment d’art. Il s’occupait de la révolution. On voulait faire la révolution pour après demain. Et nous avons eu la chance de rencontrer un monsieur un jour, sur les conseils de Vaillant-Couturier, qui m’a dit, va voir un certain monsieur il a l’air… il a l’air intéressant. Ça a l’air d’un vrai personnage, il s’appelle Jacques Prévert. Et nous avons rencontré Jacques Prévert, et de ce jour, Jacques, a écrit à la commande. Tenez, un exemple précis. Un jour j’apprends qu’il y avait une grève qui venait de se déclencher chez Citroën. J’avais cet avantage, comme j’étais à l’hôtel de ville, moi j’avais le téléphone gratuit. J’alerte les copains et j’alerte surtout Prévert. Il devait être deux heures de l’après-midi, et je dis à Jacques, y a une grève chez Citroën, il faut nous faire un texte sur Citroën. Et le soir on travaillait tous, sauf les chômeurs, naturellement, on se retrouve à 6 heures à la maison des syndicats, là ou y a maintenant le bel immeuble du parti communiste, qui à cette époque là, était simplement des baraquements, et on se retrouve là, avec un texte de Jacques. On apprend ce texte de Jacques et à 8 heures, on le donnait devant les ouvriers de chez Citroën en grève.
Journaliste
Vous-vous en souvenez de ce texte ?
Raymond Bussières
Je me souviens c’est terrible. C’est un texte qu’on a perdu. Qui a été perdu, et paraît-il qu’on vient de le retrouver d’ailleurs. Il appartenait à un gars, qui revenait un jour et qui a donné ce texte à Prévert. Donc, je vais vous le citer de mémoire, surtout le début. Mais il était suffisamment beau pour que je m’en souvienne. On avait une petite copine blonde, charmante, qui arrivait, qui d'un... C’était l’époque pour vous dire, c’était l’époque où Citroën, faisait de la réclame sur la tour Eiffel, C I T R O E N, Citroën. C I T R O E N, c’est une belle réclame sur la tour Eiffel quand même. Et y avait cette petite copine d’ailleurs qui rentrait et qui disait d’un petit air modeste et un peu gêné, qui disait, à la porte des maisons closes c’est une petite lueur qui luit, quelque chose de discret, une petite lumière, un quinquet. Et je rentrais en disant, oui mais sur Paris endormi, une grande lumière monte sur la tour, c’est la lumière du bordel capitaliste avec le nom du tôlier qui brille dans la nuit. C’est un joli texte non ? Et puis qui disait bien ce qu’il voulait dire.
Journaliste
Voilà, y a tout de même une chose qui nous frappe aujourd’hui quand on parle avec des gens comme vous, c’est que… y avait à cette époque là, une qualité d’enthousiasme, de jeunesse, de gaieté, d’invention.
Raymond Bussières
C’était facile figurez-vous. en 1927, je vous ai… j’ai commencé en 1927. La révolution Russe avait 10 ans, y a pas eu la Hongrie, y avait pas eu la Tchécoslovaquie, y avait pas eu de pacte Germano-Soviétique. Toutes les choses étaient d’une clarté, et d’une simplicité. Ceux qui ne pensaient pas comme nous étaient des ordures. Mais vraiment nous le pensions sincèrement. Et je crois que nous avions raison de le penser, vous comprenez. Tout était simple, tout était clair. J’avais raison de m’exciter sur un disque d’Armstrong quand même ! J’avais ma… j’avais raison de m’exciter sur la peinture de monsieur Picasso ou sur le surréalisme qui m’apprenait qui était Freud. Entre autres. Vous comprenez ? Tout ça était d’une clarté, d’une limpidité qu’encore une fois, je disais aux gens, démontrez-nous que nous avons tort. Démontrez, que la raison pour laquelle nous pensons ça, c’est une mauvaise raison. Et personne n’a pu me dire que c’était une mauvaise raison.