Les folies théâtrales de Jan Fabre au festival Sigma

15 novembre 1984
02m 18s
Réf. 00730

Notice

Résumé :

Dans les années 1970 et 1980, le festival Sigma, créé par Roger Lafosse, vient secouer la torpeur culturelle bordelaise. Un jeune artiste flamand, Jean Fabre, y défraie la chronique en 1984 avec un spectacle de 4 heures et demie, Le Pouvoir des folies théâtrales.

Date de diffusion :
15 novembre 1984
Source :

Éclairage

La réputation légendaire du festival mondial de théâtre Nancy (1963-1983) doit autant aux artistes majeurs de la seconde moitié du XXe siècle qui y ont été « découverts » (Jerzy Grotowski, Bob Wilson, Tadeusz Kantor, Kazuo Ohno, Shuji Terrayama, Pina Bausch...) qu'à la personnalité de son instigateur, Jack Lang. Resté moins connu, le festival Sigma, créé en 1965 à Bordeaux, et dont l'aventure s'est poursuivie jusqu'en 1996, n'en a pas moins participé à l'effervescence artistiques de ces années-là. Décédé en juin 2011, Roger Lafosse en avait été l'initiateur-agitateur, dans une ville que ne caractérisait guère l'audace culturelle. Tour à tour champion de voile, coureur automobile, agent commercial, saxophoniste de jazz (dans les années 50, il joue avec Boris Vian et Charlie Parker dans les clubs de Saint-Germain-des-Prés), Roger Lafosse parvient, de retour à Bordeaux, à s'attirer la sympathie et la protection de Jacques Chaban-Delmas, alors maire de la ville, qui couvrira toutes les turpitudes de Sigma. « On parle beaucoup aujourd'hui de réveiller Bordeaux : pendant trente ans, Roger Lafosse l'a fait », déclarait au lendemain de son décès, dans Sud-Ouest, Gérard Lion, administrateur de l'Opéra de Bordeaux, qui fit ses premières armes auprès de Roger Lafosse.

Jean-François Hautin, producteur d'un film documentaire sur l'histoire du festival Sigma [1], parle de son côté du « formidable élan de révolte culturelle » qu'aura incarné Sigma. « Alors qu'aujourd'hui l'objet culturel occupe l'espace des festivals, il est temps d'évoquer cet événement où primait l'acte créatif et novateur. Sigma a été le générateur visionnaire d'une forme de la pensée. » Au chapitre de ces « actes créatifs et novateurs », on pourrait compter, parmi les hauts-faits de Sigma, le Living Theatre de New York, le premier concert en France de Pink Floyd en 1969, les inventions musicales de Pierre Schaeffer, les numéros débraillés du Grand Magic Circus de Jérôme Savary à ses débuts, Bartabas et le Cirque Aligre - ancêtre de Zingaro -, les Catalans de la Fura dels Baus, etc. En 1984, c'est un jeune agitateur scénique venu de Belgique qui déboule à Sigma avec un spectacle de quatre heures et demie, Le Pouvoir des folies théâtrales, dédié à la mémoire de Michel Foucault, et qui a été créé quelques semaines plus tôt à la Biennale de Venise.

Né en 1958 à Anvers, Jan Fabre a commencé à défrayer la chronique au milieu des années 1970 avec ses Money performances, au cours desquelles il brûlait des liasses de billets pour créer des dessins avec les cendres obtenues. Sa première création scénique, en 1980, Théâtre écrit avec un C est un Chat, provoqua un petit scandale à Milwaukee, aux Etats-Unis, où les représentations furent interrompues par la police. Deux ans plus tard, en 1982, C'est du théâtre comme il était à espérer et à prévoir ébranle les fondations du théâtre de l'époque. Contre un théâtre brechtien qui distancie le réel, Jan Fabre convoque l'extrême physicalité des présences scéniques, sans céder à un quelconque naturalisme corporel.

L'un de ses dessins préparatoires au Pouvoir des folies théâtrales figure un satyre hirsute, poilu et cornu, qui tient dans sa main gauche un sceptre couronné. Dans le théâtre de Jan Fabre, le diablotin est roi. Venu d'un monde obscur où s'enchevêtrent légendes et cauchemars, croyances et hantises, il défie l'ordre, renverse la loi, sème la pagaille. La « folie théâtrale » de ce maître de cérémonie conduit à l'abandon des oripeaux fatigués de la représentation, à la mort consentie des conventions, à la transgression des limites. Quand il se saisit du sceptre des rois, le diablotin fait certes le bouffon, mais il met à nu la vérité de tout pouvoir, et de tout théâtre.

[1] – Les années Sigma, la provocation amoureuse (52'), réalisé par Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, production La SMAC, en coproduction avec France 3 Aquitaine, 2008.

Jean-Marc Adolphe

Transcription

Comédien
[Chant]
Intervenante
Les rois nus représentent, font partie d’un conte d’Andersen qui est en fait le fil rouge de tout le spectacle. C’est un roi qui prétendait avoir les plus beaux vêtements, on lui avait fait les plus beaux vêtements mais ici, ils peuvent donc être interprétés comme la mise à nu du comédien. Le comédien qui se représente réellement lui-même sans costume donc.
(Musique)
Journaliste
C’est une question qu’il faudrait à Jan Fabre lui-même mais est-ce qu’on peut attendre un jour la prochaine pièce peut-être qui soit hors du théâtre, enfin qui ne serait plus une pièce sur le théâtre.
Intervenante
Je crois que Jan Fabre a fait jusqu’à présent une trilogie du théâtre et qu’il veut maintenant arrêter avec le théâtre et produire un Opéra.
(Musique)