Camille Boitel, L'Immédiat

27 janvier 2010
06m 06s
Réf. 00799

Notice

Résumé :

Dans L'Immédiat, Camille Boitel met en jeu une humanité aux prises avec un monde saturé d'objets, rebelles et imprévisibles, répondant de manière aléatoire à la gravité terrestre.

Date de diffusion :
27 janvier 2010
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

Acrobate, danseur, comédien, musicien : en véritable artiste de cirque, Camille Boitel est tout cela à la fois. C'est peut-être de famille, puisqu'on a pu admirer les performances de contorsionniste de sa sœur Raphaëlle dans le spectacle de James Thiérée, avec lequel il jouera lui-même. Formé très jeune à l'école de cirque d'Annie Fratellini, Camille Boitel fait ses premières armes d'équilibriste et entend bien apporter sa propre pierre à l'art du cirque. Ainsi il créé un personnage décalé à "l'humour désastreux et désastré" (dixit la plaquette de présentation de sa compagnie). Figure centrale du spectacle éponyme, cet « homme de Hus », spectacle créé par Camille Boitel en 2005, se situe aux antipodes du cirque traditionnel : il utilise les effets pour raconter une histoire et non pas l'inverse. Ce spectacle lui permettra d'obtenir un prix Jeunes Talents cirque en 2002. Hors des circuits traditionnels, Camille Boitel travaille sur la durée. Fondateur de la compagnie Lamereboitel, il a mis plus de 10 ans avant de donner le jour à une œuvre personnelle, particulière, pleine d'énergie et d'humour subtil, L'Immédiat. Ce spectacle évoque des sujets d'actualité comme la société de consommation, la place de l'individu dans un tout social et le rapport au temps. Ce sont majoritairement des objets trouvés dans la rue, un incroyable bric-à-brac, qui constitue le décor. C'est réglé au millimètre près, mais les objets se rebellant parfois, cela reste un exercice périlleux et les six acteurs peuvent s'y blesser ... ainsi en est-il de la condition humaine : le monde s'écroule, et on essaye de s'en sortir quand même... Camille Boitel provoque ainsi un rapport plus politique au théâtre. Son goût pour le catastrophisme et la cacophonie visuelle ne font que confirmer cette impression et l'œuvre reste une fiction savamment orchestrée. L'humour y naît de la non réaction de ces personnages, de leur acceptation d'une sorte de fatalité et de leur impuissance, jusqu'à devenir des sortes d'objets eux-mêmes.

C'est l'humour et le rythme qui dominent dans la représentation de notre quotidien, dans la manière dont l'homme se pense droit alors qu'il est oblique... ou l'inverse.

Chez Camille Boitel c'est donc bien une gestualité très particulière dans un rapport imprévisible et improbable à l'objet qui s'énonce aux frontières du cirque, du théâtre d'objet et du théâtre de gestes.

Claire Heggen et Yves Marc

Transcription

(Bruit)
Philippe Lefait
Voilà, ça c’est le début et ça va aller crescendo pendant les dix premières minutes où cette scène, qui est un gigantesque bordel, qu’on peut trouver dans une cave qui ferait 700 mètres carrés ou en tout cas sur les 200 mètres carré du plateau ; où il y a toute sorte de choses, des bricoles, du rien, du bazar. Et vous réussissez à animer et les gens qui sont sur scène et ces résidus de la société de consommation, en faire un spectacle gigantesque. Alors,
Camille Boitel
Et cette gigantesque minuscule, c’est ça qui est assez amusant, c’est vrai ! Oui, je comprends, oui.
Philippe Lefait
Dans la mesure où ça ne s’arrête pas. Gigantesque où on a l’impression qu’on est sur une décharge publique où se passerait en permanence quelque chose. Alors, les deux questions qui viennent immédiatement quand on sort de là c’est, quel travail et comment ce travail ? C’est-à-dire que, oui, on a l’impression que c’est facile de poser un vetêment mais c’est moins facile de poser un vêtement qui tombe, c’est moins facile de reposer un vêtement qui tombe et qui va retomber et qui va retomber. Donc, comment est-ce que cette mise en scène-là est possible ?
Camille Boitel
C’est vraiment une non-mise en scène, c’est-à-dire, c’est vraiment, on a écrit quelque chose qui n’était fait que pour être sur scène, qui est vraiment l’inverse de, je pense, des projets où la mise en scène arrive après. Là, il y a une sorte d’écriture scénique complètement faite pour l’immédiat pour le coup, pour le public, pour ce qui est en train de se passer. Mais c’est vrai que voilà, il y a…
Philippe Lefait
Mais quel travail ?
Camille Boitel
Oui, c’est sûr, oui, il y a un truc comme ça, c’est amusant ; maintenant, on le joue devant le public mais avant, on l’a fait sans le public. Et là, c’était vraiment une chose d’une absurdité incroyable parce qu’on était en train effectivement de ramasser des fragments qu’on réagençait en permanence jusqu’à commencer à les connaître ; des fragments dont personne ne voulait d’ailleurs, des morceaux, des trucs, enfin. Surtout, on arrivait dans les théâtres où ils nous voyaient arriver, ils avaient une sorte de désespoir de nous voir là-dedans, ils se disaient, mais comment on va s’en débarrasser ? Parce qu’on arrivait souvent dans des théâtres qui étaient, qui venaient de ré-ouvrir. On n’a pas eu de chance, ils venaient de ré-ouvrir et nous, on arrivait, on allait collecter dans la rue des morceaux, des choses qu’on ramassait…
Philippe Lefait
A la décharge, quoi !
Camille Boitel
Et on ramenait, voilà, on allait chez les gens aussi, on demandait aux gens. Enfin, voilà, on errait autour du, dans le quartier du théâtre et on ramenait, on ramenait pendant quatre jours et ils voyaient leur espace qu’ils venaient juste de vider, qui se re-remplissait d’une sorte d’amoncellement. Et du coup, on a commencé comme ça, par voilà, par collecter. On a fait ça souvent et dans plusieurs endroits avant même de construire le spectacle. En fait, on a joué déjà avec ce qu’on trouvait sur place et en abandonnant tout ensuite.
Philippe Lefait
Qu’est-ce qui vous inspire, c’est le non-sens, c’est Buster Keaton ? Parce qu’on a l’impression d’être, effectivement, dans un film muet où rien ne se passe comme l’acteur ou le comédien principal veut que ça se passe.
Camille Boitel
Oui, ça c’est sûr, c’est que des gens à qui des choses arrivent. Ils ont jamais, c’est jamais des forts, ils ont jamais la force de, ils ont jamais le temps du choix, de toute manière ils ne choisissent rien. C’est juste, ils sont en permanence, voilà, victimes d’un environnement et ça, pendant tout le spectacle, on sent que voilà. Il n’y a jamais quelqu’un qui va à un moment se lever et prendre les choses. Enfin, s’il essaie, il y a tout de suite, il y a quelque chose qui le…
Philippe Lefait
Ils sont dans le, ils se coulent dans cette espèce d’effondrement général du monde qui les entoure. Deuxième extrait de ce spectacle.
(Bruit)