Compagnie Ches Panses vertes, Dieu est absent des champs de bataille

17 novembre 1990
02m 17s
Réf. 00837

Notice

Résumé :

1990 : Pour montrer la tolérance au sein de situations paroxystiques, Sylvie Baillon de la compagnie Ches Panses Vertes d'Amiens, met en scène Dieu est absent des champs de bataille, d'après le récit de Blaise Cendrars, La Main coupée, et des poèmes de Guillaume Apollinaire. Deux jardiniers de la mémoire (les comédiens Georges Baillon et Eric Goulouzelle) retracent la première année vécue par les soldats de la guerre de 14-18 avec des figurines de grillage.

Date de diffusion :
17 novembre 1990
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Fiche PAM :

Éclairage

Sylvie Baillon (née en 1960) n'a pris la direction de la compagnie fondée par ses parents que depuis un an lorsqu'elle met en scène Dieu est absent des champs de bataille, en 1990.

Le spectacle aborde la guerre comme une métaphore paroxystique de la vie : on naît soldat, on vit en soldat, on meurt... On sait que la mort est présente, qu'elle peut arriver d'un moment à l'autre, mais quand ? Comment peut-on vivre avec l'idée d'une fin ? Guidée par cette métaphore et ces questions essentielles, la mise en scène s'inspire d'un rite mortuaire d'une île d'Asie consistant à construire une statuette symbolisant le défunt, et à la ressortir une fois par an pour évoquer le disparu. Ce sont des figurines construites avec du grillage qui évoquent ces corps abîmés par la guerre et représentent les volontaires, tels Blaise Cendras et ses compagnons, qu'un sens moral a poussé à mourir dans les tranchées de cette guerre de boue. Dans la plus grande absurdité qui puisse exister, ils ont, coûte que coûte, cherché un sens à leurs actes et à leur vie. Pour rester debout.

Le décor général est un jardin carré parce que cette figure géométrique est le symbole de l'arrêt ou de l'instant prélevé dans le passé. Cet espace de jeu - comme espace de combat - est rempli de sable à lapin, matière vivante, organique, meuble, où chaque pas laisse des traces, où la mémoire imprime ses empreintes. Au fond de ce jardin est posée une poterie, matrice d'où vont sortir les figurines évocatrices des soldats. Plus avant, un arbre en métal, vertical, met en communication le niveau souterrain par ses racines, le monde de la surface par son tronc, et les hauteurs par sa cime. Puisque Dieu est absent des champs de bataille, cet arbre tombe. Ailleurs sur la scène, une caisse à munitions sera le tombeau d'un cadavre allemand, le cercueil de Garnero, le petit théâtre magique où sont racontées d'heureuses retrouvailles.

Pour Sylvie Baillon, il y a urgence à dire cela à notre époque, comme il y aura toujours la perception d'une urgence dans les sujets qu'elle choisira par la suite, destinés au jeune public (Madame t'es vieille ! de Jean-Pierre Orban en 1996 ; Alors, ils arrêtèrent la mer de Valérie Deronzier en 2011), ou aux adultes (Drames brefs 2 de Philippe Minyana en 2002 ; Nina c'est autre chose de Michel Vinaver en 2004), entre autres spectacles.

Le cœur du travail de la compagnie est l'écriture : textuelle et visuelle. Elle travaille avec des auteurs vivants en montant des textes déjà édités mais aussi, très souvent, en commandant de nouveaux textes. Ainsi, après avoir créé en 2003 Un Don Quichotte, d'après Cervantès, Sylvie Baillon a eu envie de demander à des auteurs ce qu'ils feraient aujourd'hui de l'héritage de ce personnage, avec pour seule contrainte une forme courte. Gilles Aufray, François Chaffin, Nathalie Fillion, Jean Cagnard, Alain Gautré, Raymond Godefroy ont apporté, en 2006, les six points de vue, les six langues contrastées des Retours de Don Quichotte. En 2010, Et cependant est une commande d'écriture à Alain Cofino Gomez sur “le vieillir”. Huit dialogues philosophiques portés par les marionnettes à divers âges de la vie charpentent ce spectacle-poème dans lequel Sylvie Baillon a réuni sur le plateau les éléments maîtres de son écriture scénique : marionnette, vidéo, chant, danse buto et violoncelle.

Menant à côté de ses créations un considérable travail de production d'événements, de programmation, de formation et de soutien aux jeunes artistes, la compagnie est devenue Le Tas de Sable - Ches Panses Vertes, pôle des Arts de la marionnette en région Picardie, et conventionnée « lieu compagnonnage marionnette » par le Ministère de la culture.

Evelyne Lecucq

Transcription

Présentateur
Théâtre avec la troupe picarde Chés Panses Vertes qui met une nouvelle création à l’affiche, Dieu est absent des champs de bataille , d’après La Main coupée de Blaise Cendrars. Une pièce qui fait référence à la grande guerre. Véronique [Pavon], Jean-Pierre [Rey]
Comédien
On restait quatre jours en ligne et on redescendait pour quatre jours à l’arrière et l'on remontait à l’avant pour quatre jours et ainsi de suite, jusqu’à la fin.
Journaliste
Un jardin où rien n’est conforme à la réalité, décor d’un drame, celui de la Première Guerre mondiale, terrible, absurde, meurtrière. Sur scène, deux comédiens et une marionnette figurant le poète engagé volontaire. Parce que se battre, c’était avant tout pour Blaise Cendrars et ses compagnons, aller jusqu’au bout de leurs idées, quitte à se traîner dans la boue.
Comédien
… et un système de contrôle à poinçon pour rappeler à ces pauvres bougres leur boulot à l’usine.
Sylvie Baillon
La problématique qui m’a intéressée, c’est l’engagement, c’est-à-dire que Blaise Cendrars et ses compagnons étaient des engagés volontaires sur cette guerre et se sont donc battus pour des valeurs, pour des choses auxquelles ils croyaient. Et c’est ça qui m’intéressait principalement. Ce sont des valeurs humanistes avant tout et de tolérance. Et je crois qu’il y a un beau message.
Journaliste
Vous pensez pouvoir maintenant intéresser encore des gens en leur parlant, en leur racontant la guerre 14-18 ?
Sylvie Baillon
Oui, d’abord parce que la guerre 14-18 fait partie de notre mémoire, fait partie de la mémoire de notre pays. Et puis, la guerre est une sorte de situation paroxystique de la vie. Et il y a une fin, on ne sait pas quand est-ce qu’elle va arriver, et c’est pour ça qu'elle nous intéresse.
Comédien
Ah, il y avait de quoi vous foutre le cafard. On logeait dans des granges déglinguées, on couchait sur la paille pourrie dans laquelle les hommes enfouissaient, non pas leurs pauvres guiboles esquintées mais ces saucissons de Chicago qui schlinguaient.
Journaliste
Dieu est absent des champs de bataille , une véritable leçon de vie et de courage par la compagnie de Chés Panses Vertes.
Comédien
Se régalaient comme des bonnes merdes. Même les plus fumiers que les rats !