Maguy Marin et Samuel Beckett

20 juin 1993
01m 58s
Réf. 00883

Notice

Résumé :

Douze ans après la création de son spectacle-fétiche May B., la chorégraphe Maguy Marin se souvient des raisons qui l'ont poussé à mettre en scène cette pièce inspirée par l'écrivain Samuel Beckett. Des images des danseurs en train de se maquiller ponctuent les confidences de la chorégraphe.

Date de diffusion :
20 juin 1993
Source :

Éclairage

C'est lorsqu'elle était jeune danseuse étudiant à l'école Mudra, dirigée par Maurice Béjart, à Bruxelles, que Maguy Marin (née en 1951) découvrit l'oeuvre de l'écrivain Samuel Beckett. Dans ce court reportage réalisé en 1993, elle évoque le "bouleversement" que lui procura la lecture de Fin de partie, son intérêt pour les indications de Beckett qui précise toujours les gestes et les actions de ses personnages. En 1981, sa passion de lectrice allait lui donner l'énergie de passer à l'acte en créant May B.. Après un rendez-vous avec Paul Puaux, du Festival d'Avignon, en décembre 1980, elle conçoit en une heure les grands motifs de son futur spectacle, guirlande de loqueteux sans âge aspirée par le néant de la vie. Aucun texte précis, mais des borborygmes, des hoquets, des souffles.

Elle décide de rencontrer Samuel Beckett, alors âgé de 75 ans, pour évoquer son projet. L'écoute de l'écrivain, sa générosité, l'émeuvent. Non seulement Beckett la soulage de l'obligation d'utiliser des textes mais il lui glisse un conseil : prendre toutes les libertés avec son œuvre. May B., qui évoque une pièce que Beckett écrivit adolescent sous le titre May Be, est aussi le prénom de la mère de l'écrivain et la première lettre de son nom.

D'origine espagnole, Maguy Marin (née en 1951) a fait ses apprentissages à l'école Mudra de Maurice Béjart, à Bruxelles. Interprète au Ballet du XXe siècle dirigé par Béjart, elle fonde une première compagnie avec Daniel Ambash et décroche un prix au Concours de Bagnolet en 1978 avec Nieblas de Nino sur des mélodies populaires espagnoles. Installée à la Maison des arts de Créteil, entre 1980 et 1990, sa compagnie devient Centre chorégraphique national en 1985. Avec le musicien et compositeur Denis Mariotte depuis 1987, Maguy Marin creuse une langue très personnelle, fouillant le geste et les sons du corps, la danse et le texte, la musique live, en se cherchant des alliés du côté de la littérature.

Installée depuis 1998 à Rillieux-la-Pape, en banlieue lyonnaise, elle est redevenue compagnie indépendante depuis 2011, date à laquelle elle décide de quitter la direction du Centre chorégraphique. Depuis 1976, Maguy Marin a réalisé plus d'une quarantaine de spectacles. Collaborant parfois avec des troupes autres que la sienne comme l'Opéra de Paris ou le Het Nationaal Ballet Amsterdam, elle a mis en scène une version de Cendrillon (1985), succès international, et de Coppélia (1993) pour le Ballet de l'Opéra de Lyon.

Rosita Boisseau

Transcription

Maguy Marin
En fait, j’ai découvert Beckett quand j’étais élève à Mudra et que j’avais lu la première pièce je crois. C’était, je crois que j’avais lu Fin de Partie qui m’avait beaucoup bouleversée vraiment. Mais bouleversée au sens bouleversée, c’est-à-dire, j’étais sens dessus-dessous, je ne savais plus, ça m’a vraiment frappé. Et puis, donc j’ai, à partir de là j’ai essayé de connaître son œuvre, son travail, et je me suis aperçue en fait que il a un rapport au mouvement qui est extraordinaire je trouve. Parce que dans ses pièces en fait, il donne beaucoup de notes dans lesquelles le geste ne suit pas la danse, où le déplacement est complètement intégré à la pièce, à la mise en scène et au rythme des mots. Et en plus, plus il avançait dans son travail et dans le temps et plus il faisait intervenir ces paramètres et moins il utilisait des mots. Donc je pense qu’il avait un rapport à la danse qui était très spécifique et qui m’a beaucoup touchée. Le fait aussi que ses personnages sont toujours un peu handicapés et ils ne peuvent pas s’asseoir ou ne peuvent pas de lever ; enfin il y a toujours un rapport au corps qui est très important, qui est très impressionnant. Et par rapport à tout ce que je pense de la danse et de ce que j’ai pu en vivre, il y avait quelque chose qui correspondait très fort à mon désir. Justement, par rapport à cette facilité qu’ont les danseurs de bouger et ces personnages handicapés, il y a quelque chose qui, une injustice incroyable qui fait que ça m’intéresse de travailler là-dessus.