Les Trois Boléros d'Odile Duboc

15 juillet 1997
02m 12s
Réf. 00891

Notice

Résumé :

L'évènement du festival Danse à Aix, à Aix-en-Provence, s'intitule Trois Boléros chorégraphié par Odile Duboc, sur la musique de Maurice Ravel.

Date de diffusion :
15 juillet 1997
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )

Éclairage

Boléro de Maurice Ravel est l'une des partitions les plus jouées et vendues au monde. Cette musique s'est aussi fait connaître par les nombreux ballets qui se sont lovés dans ses boucles répétitives. En 1928, la chorégraphe Bronislava Nijinska, soeur de Vaslav Nijinski, met en scène la danseuse Ida Rubinstein dans un décor et des costumes sous influence espagnole. Elle plante le scénario dans une auberge andalouse où une femme se livre à une danse de séduction sur une table. Cette table sera le socle de la version de Maurice Béjart en 1961. D'abord dansé par Duska Sifnios entourée de quarante garcons, Boléro se métamorphose au fil du temps. C'est un homme qui remplace la danseuse mais le corps de ballet masculin ne change pas. Enorme succès de cette pièce, la plus plébiscitée, la plus increvable, imaginée sur le Boléro. Filmé par Claude Lelouch dans Les Uns et les Autres en 1982, Jorge Donn y explose dans un lyrisme frénétique. Depuis les plus grands interprètes se risquent au centre du plateau rouge. En 2008, le danseur étoile Nicolas Le Riche a fait lever comme un seul homme les 2700 spectateurs de l'Opéra Bastille. La danse roborative de Béjart, la musique orgasmique de Ravel, provoquent un effet cathartique majeur. Depuis, d'autres propositions chorégraphiques ont vu le jour. Celles d'Emio Greco en 1998, de Raimund Hoghe en 2007, ont tatoué l'histoire de la danse. C'est en 1996 qu'Odile Duboc (1941-2010) décide de s'attaquer à cette partition-forteresse. Elle ose une série de trois boléros declinés sur trois directions d'orchestre différentes. Succès public. Oeuvre-phare de la chorégraphe, Trois Boléros enchaîne donc trois traductions chorégraphiques et spatiales de la partition de Ravel. Un groupe de dix danseurs, en justaucorps blancs, se glissent dans les mailles ; un couple les remplace, étroitement sculpté l'un avec l'autre pour une étreinte longue; vingt-et-un danseurs enfin s'engouffrent dans la pulsation de plus en plus pressante de Ravel. Ce pari, à première vue casse-gueule, réussit son coup. Depuis la mort d'Odile Duboc, et selon son désir, seul le second volet, interprété par Emmanuelle Huynh et Boris Charmatz, est régulièrement repris.

Odile Duboc crée sa compagnie joliment baptisée Contre-jour en 1980 avec la créatrice de lumières Françoise Michel. Travaillant en étroite complicité, elles conçoivent ensembles les pièces : chacune signant ensuite, qui la chorégraphie, qui les lumières. A la tête du Centre chorégraphique national de Belfort-Franche Comté de 1990 à 2008, Odile Duboc, longtemps basée à Aix-en-Provence, très active dans l'élaboration du festival Danse à Aix à la fin des années 70, s'est accrochée très jeune à la barre. Dès 4 ans, elle connait son vocabulaire classique. En 1970, elle ouvre une école, toujours à Aix-en-Provence, les Ateliers de la danse. Elle y gagne sa vie en donnant des cours de classique, de modern jazz. Elle croise des danseurs comme Madeleine Chiche et Bernard Misrachi, passés par l'enseignement de Jacques Lecoq, puis se fait connaître par ses danses dans les rues. En relation profonde avec l'eau, l'air, la terre, le feu, Odile Duboc élabore un mouvement enraciné rêvant d'envol, de légèreté - le ciel et ses oiseaux ont toujours fasciné Duboc -. De Insurrection (1989), le spectacle qui la fait "exploser" à Rien ne laisse présager de l'état de l'eau (2005 ), bain de sensations acidulées en passant par Comédie (1998), rêverie sur la comédie musicale américaine, elle a développé son sens de l'abstraction douce et tranquille. Elle déclarait en 2008 : "Je n'ai pas vraiment participé à ce qu'on appelle le "boum" de la danse contemporaine française au début des années 80. J'étais un peu à côté, dans la marge. En tous cas, je me sentais comme ça. Je suis arrivée à Paris, pleine d'ambition et d'attente, en 1980, mais j'ai vite été confrontée à la difficulté de me faire reconnaître et soutenir. On me cataloguait dans la pédagogie et la danse de rue...Je pense que je n'étais pas assez dans la modernité ludique de l'époque..."[1]. En 2008, Odile Duboc quittait le Centre chorégraphique national de Belfort où lui a succédé Joanne Leighton. Pour faire ses adieux à son public, elle avait imaginé une performance intitulée La pierre et les songes avec trois cents amateurs agés de 14 à 70 ans et une vingtaine de danseurs. En septembre 2009, la production avait eu lieu dans la citadelle Vauban, à Besançon. Entre chair et pierre.

[1]Le Monde, 08/05/2010

Rosita Boisseau

Transcription

Présentateur
Pour ses 20 ans, le Festival de danse d’Aix-en-Provence s’offre un triple Boléro . Trois variations réalisées par la compagnie d’Odile Duboc avec trois chefs d’orchestre différents et non des moindres. Caroline Laudrin et Kristian Autain.
(Musique)
Journaliste
Le pari est osé, mais Odile Duboc aime les défis.
(Musique)
Journaliste
Elle fait comme si personne n’avait jamais dansé sur le Boléro de Ravel.
(Musique)
Journaliste
Elle pousse même la difficulté jusqu’à créer trois variations sur la partition la plus célèbre du siècle.
(Musique)
Journaliste
Face au public, elle raconte son ballet mais aussi sa lutte avec cette musique infernale.
Odile Duboc
Je peux dire que les danseurs sont debout tout le temps. Et sur la fin du Boléro , j’ai eu besoin que les corps descendent. Parce que c’était ma seule façon à moi de résister face au crescendo.
(Musique)
Journaliste
Qu’ils soient 2, 10 ou 20 danseurs, le style est chaque fois dépouillé. Les corps se balancent dans des gestes lents au bord du déséquilibre. La deuxième version, celle d’un couple, est de loin la plus sensuelle. Un corps à corps de 2 statues grecques que rien ne parvient jamais à séparer.
(Musique)
Odile Duboc
Sur le plan chorégraphique, moi, ça m’a demandé à travailler, à trouver des solutions, justement, face au fait de faire 3 versions. Mais c’est sur le plan musical que ça apporte quelque chose. C’est-à-dire que ça nous fait découvrir une musique autrement que comme on la connaissait.
(Musique)
Journaliste
Ravel serait bien surpris de constater combien ce Boléro qu’il n’aimait pas beaucoup inspire les chorégraphes. Odile Duboc, elle, l’a tout simplement rafraîchi et lui a redonné une énième jeunesse.
(Musique)