Les Indes Galantes de Rameau mises en scène par Maurice Lehmann à l'Opéra de Paris

19 novembre 1972
03m 24s
Réf. 01013

Notice

Résumé :

A l'occasion d'une interview, Maurice Lehmann tente d'analyser le succès durable qu'a connu sa production des Indes Galantes de Jean-Philippe Rameau créée en 1962 à l'Opéra de Paris. Il explique ce succès par le fait qu'il s'agissait d'un grand divertissement adressé à un public populaire. Ses propos sont illustrés de croquis de décors et de costumes.

Date de diffusion :
19 novembre 1972

Éclairage

De toutes les œuvres théatro-musicales que Jean-Philippe Rameau a composées après son premier opéra, Hippolyte et Aricie (1733), Les Indes Galantes est un des titres les plus fameux. Cela est dû à la qualité de la partition, d'une grande inventitivité et d'un raffinement harmonique et orchestral tout à fait exceptionnel, fruit des recherches que Rameau a menées pendant le cinquante premières années de sa vie.

Mais Les Indes Galantes est aussi devenu un titre fameux au XXe siècle grâce à une production qui a fait époque : celle que le metteur en scène et directeur de théâtre Maurice Lehmann présenta à l'Opéra de Paris en juin 1952, et qui fut donnée au gré de 286 représentations en treize ans. S'inspirant des opérettes et comédies musicales qu'il avait programmées avec un immense succès au Théâtre du Châtelet, du temps où il en était administrateur, Maurice Lehmann décida d'appliquer le même faste des décors et des costumes à l'ouvrage de Rameau, dans le but avoué d'attirer un public populaire dans le temples de l'art lyrique français. Cette tentative fut couronnée de succès.

Il faut dire que l'ouvrage de Rameau s'y prêtait bien. Cet opéra-ballet sur un livret de Louis Fuzelier se compose en réalité de quatre petits opéras indépendants, lesquels brodent sur une même thématique présentée dans le prologue : les Européens étant trop occupés par la guerre, Amour montre qu'il règne dans toutes les autres régions du monde, soit en Turquie, au Pérou, en Perse et en Amérique du Nord. Ce sujet étant surtout le prétexte à d'abondants tableaux et musiques de danse, Maurice Lehmann et son équipe n'ont pas lésiné sur les moyens. Sept peintres-scénographes ont été mis à contribution, parmi lesquels George Wakhevitch, Jacques Dupont et Chapelain-Midi; trois chorégraphes ont été sollicités (dont Serge Lifar); la distribution est nombreuse et les costumes pléthoriques. Quant au public, il fait un triomphe à ce spectacle qui connaîtra une incroyable longévité jusqu'en janvier 1965, date de sa dernière reprise.

Alain Perroux

Transcription

(Musique)
Journaliste
Comment se fait il que Les Indes Galantes ont eu le succès qu’elles ont eu il y a 10 ans quand vous les avez recréées à l’opéra?
Maurice Lehmann
Et bien, il faut bien le dire, parce qu’elles représentaient un divertissement, un grand divertissement, un divertissement de qualité, et de quelle qualité, qui a attiré à l’opéra un public qui n’avait pas l’habitude d’y venir. A l’opéra, vous avez un public de mélomanes qui fait 5 salles ou 6 salles. Or, on a joué, mettez 10 salles si vous voulez, or, on a joué 370 fois Les Indes Galantes . Je m’adressais donc, en faisant ça à un public, disons populaire si vous voulez, bien qu’ils paient leur place très cher, mais à un grand public profane, n’est ce pas ? Hors des mélomanes qui venaient pour voir mon divertissement. Mais grâce a mon divertissement, excusez moi de le dire, ils avalaient Rameau. Il a composé Les Indes Galantes en 35 pour les grandes fêtes de Versailles. L’œuvre a été créée au Palais Royal. D’abord, en 35, l’œuvre n’a eu aucun succès, il faut bien le dire. La pauvreté du livret y était pour quelque chose, il s’est en effet disputé très fort avec Fuzelier, ils se rejetaient la balle et c’est lui qui avait raison, l’œuvre était mauvaise, enfin, le livret était très mauvais. Et, ils ont ajouté la partie des Sauvages qui n’existait pas à la création. Et la pièce a été rejouée en 1736. Alors là, en 1736, la pièce a été un énorme succès. C’est, je crois, Voltaire qui écrivait à ce sujet des choses assez amusantes parce que les grandes machines fonctionnaient quand elles avaient le temps, on était moins difficile à ce moment là qu’aujourd’hui, et le théâtre convenait mal dans nos spectacles d’opéra, la salle n’avait pas 20 mètres de large, n’est ce pas ? Elle était la plus petite et la moins décorée qu’il y ait en Europe et Voltaire écrivait : Souvent au plus beau char, le contre poids résiste, un Dieu pend à la corde et crie aux machinistes, un reste de forêt demeure dans la mer, ou la moitié du ciel au milieu de l’enfer. C’est vous dire comment tout ça devait fonctionner mais on ne s’en souciait pas. On aimait ça, on aimait les grandes machines, les grands divertissements, et je vous le répète, sa pièce faisait fureur. Et il arrivait même que cette musique qui était tout de même assez difficile pour l’époque, devint si populaire que on la chantait dans la rue.
Journaliste
Et quel était le sujet de ce livret, justement ?
Maurice Lehmann
Et bien le sujet de ce livret, il était très simple : la France, l’Italie et l’Espagne et la Turquie, je crois, qui passaient leur temps à faire la guerre au lieu de faire l’amour.
(Musique)