Antonioni parle de L'Avventura

01 janvier 1960
03m 28s
Réf. 00010

Notice

Résumé :

Michelangelo Antonioni présente l'histoire de son film fétiche, L'Avventura, qui vient de connaître un grand succès dans les salles de cinéma parisiennes.

Type de média :
Date de diffusion :
01 janvier 1960
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Éclairage

Documentariste dès les années 40 dans le sillage du néoréalisme italien, Michelangelo Antonioni (1912-2007) se révèle cinéaste de fiction de tout premier ordre avec Chronique d'un amour (1950), La Dame sans camélias (1953), Femmes entre elles (1955), tous marqués, dans la haute bourgeoisie comme dans le milieu ouvrier du Cri (1957) par l'incommunicabilité des couples et la solitude existentielle.

C'est dans L'Avventura qu'il approfondit l'étude de cette aliénation profonde et invente un langage cinématographique inédit. Un groupe visite une île italienne ; Anna disparaît. Antonioni crée chez le spectateur un horizon d'attente : les amis devraient chercher la jeune femme, mais ils semblent l'oublier. Un couple se forme entre l'amant d'Anna et sa camarade Claudia. Présenté à Cannes en 1960, L'Avventura est accueilli par des huées, mais 37 cinéastes et critiques (dont Roberto Rossellini) lui consacrent une lettre de soutien et il reçoit le prix spécial du jury " pour sa remarquable contribution à la recherche d'un nouveau langage cinématographique".

De La Nuit (1961) au Désert rouge, son premier film en couleurs (1964), en passant par L'Eclipse (1962), Antonioni continuera de filmer Monica Vitti, la Claudia de L'Avventura.

Charlotte Garson

Transcription

(Silence)
Journaliste
Les films d'Antonioni que vous avez pu voir jusqu'ici, au cours de ce festival, constituent la première période de sa carrière. Jusqu'ici, Antonioni expérimentait son langage, du moins ce qui devait, à la longue, devenir son langage. Vous avez vu des courts métrages, vous avez vu des longs métrages, vous avez vu des films de fiction, où Antonioni poursuivait une recherche à travers des thèmes qui deviendront des thèmes de prédilection, et qui assureront à son langage une forme et une précision, que peut-être, il faudra attendre l'avventura, pour pouvoir mieux la définir. Vous allez voir des extraits de 3 films, qui sont l'avventura, la note, et le dernier film qui a été présenté au récent festival de Cannes, l'éclipse. Antonioni lui-même va d'ailleurs vous présenter son film. Cette présentation date de quelques mois, c'était après le succès parisien de l'avventura, et Antonioni était encore un peu surpris de ce succès sur lequel il ne comptait guère après l'accueil de Cannes.
Michelangelo Antonioni
Dans l'avventura plus encore que dans mes films précédents, l'intrigue n'est pas l'essentiel. Il s'agit d'un récit en 2 parties, une jeune femme, Anna, disparaît sur une île lors d'une promenade avec des amis, on pense que la seconde partie va être la recherche. Or quand le film se termine, on a oublié Anna. En effet, le sujet de la deuxième partie n'est pas la recherche d'Anna, mais son oubli, par Sandre, son fiancé et Claudia qui est sa meilleure amie. On a vu qu'à travers cette aventure d'un amour qui, d'un amour disparu et d'un amour naissant, j'ai voulu restituer autant sa pesanteur et sa durée. C'est vrai peut-être, mais c'est pas seulement ça. C'est pas seulement une question de temps.
(Silence)
Michelangelo Antonioni
Si je réfléchis maintenant avec un peu de recul à ce que je fais, je m'aperçois que la base de cette histoire, à la base de cette histoire, il y a un autre élément essentiel pour moi. C'est la fragilité des sentiments, c'est le motif principal du film. J'ai développé ce même thème, je l'ai poussé au bout de la manie. Pour en revenir à l'avventura, j'en ai tellement parlé que, à Cannes puis à Paris, quand le film est sorti, que ça me gêne un peu d'en parler encore. Des critiques ont prononcé le nom de Pfizer, d'autres de Proust, tout ce rapprochement me flatte bien sûr, mais en même temps m'empêche d'en dire plus. Certes, l'avventura, c'est un film qui m'est le plus cher, je suis encore trop dans la nuit pour pouvoir le juger. l'avventura, c'est le plus cher, parce que c'est le fruit d'un travail très dur, même physiquement. Moi et mes collaborateurs, nous avons vécu 5 mois sur les îles choisies pour le tournage, 5 mois crevants et extraordinaires, je dois dire, 5 mois que je n'oublierai jamais.