Joaquin Rodrigo

06 juin 1961
04m 15s
Réf. 00014

Notice

Résumé :

Entretien avec le compositeur espagnol Joaquin Rodrigo, atteint de cécité, à propos de sa formation, de sa carrière et du succès de ses oeuvres.

Type de média :
Date de diffusion :
06 juin 1961
Source :

Éclairage

Né en 1901 près de Valence, Joaquin Rodrigo étudie en Espagne le violon et le piano, puis, dès 1927, il suit à Paris les cours de Paul Dukas. Il rencontre alors Maurice Ravel et Manuel de Falla, et c'est à Paris qu'il compose le Concerto d'Aranjuez, pour guitare et orchestre. Cette oeuvre est créée en 1940 à Barcelone et Joaquin Rodrigo accède immédiatement à la célébrité. Il est nommé professeur à l'université de Madrid, il dirige le département musical de la radio nationale espagnole.

Sans jamais retrouver le succès extraordinaire, mondial, du Concerto d'Aranjuez, il ne cesse de composer des concertos pour divers instruments, de la musique de chambre et de la musique vocale. Dans cette production, le public a également retenu sa Fantaisie pour un gentilhomme pour guitare et orchestre, et une Zarzuela (opérette espagnole) : El Hijo Fingido. Sa musique, tout à fait néoclassique, est largement marqué par le folklore espagnol. Couvert d'honneurs, Rodrigo meurt en 1999 à Madrid.

Michel Coupard

Transcription

Lucienne Bernadac
J'ai le plaisir de vous présenter, maintenant, l'un des plus grands compositeurs dont l'Espagne puisse s'enorgueillir, celui dont le nom occupe depuis quelques années l'actualité musicale : Joaquin Rodrigo. Musique pour vous invite ce soir Joaquin Rodrigo pour lui rendre un double hommage : hommage au compositeur, hommage aussi et surtout à l'homme qui, atteint de cécité depuis l'âge de trois ans, a lutté courageusement pour se faire une place, une très grande place dans la carrière qu'il avait choisie. Joaquin Rodrigo, je sais que vous parlez très bien français, vous avez séjourné longtemps à Paris, aussi vais-je vous demander quelques détails sur votre carrière. Vous êtes né dans la province de Valence ?
Joaquin Rodrigo
Oui, à Sagunto, une ville très ancienne. Je me rendais à Paris en l'année 1937 pour travailler à l'Ecole normale de musique avec Paul Dukas.
Lucienne Bernadac
Vous avez été l'un des élèves préférés de Paul Dukas ?
Joaquin Rodrigo
Oui, c'est vrai. Et pour suivre la tradition, aussi, espagnole d'Albéniz, de Falla, de Turina, ils sont venus à Paris pour travailler.
Lucienne Bernadac
Vous avez connu Manuel de Falla ?
Joaquin Rodrigo
A Paris, certainement.
Lucienne Bernadac
Et ensuite ? D'ailleurs, il faut préciser qu'à cette époque, déjà, vos premières compositions étaient accueillies avec succès à Paris.
Joaquin Rodrigo
Oui, c'était l'oeuvre de Ricardo Vines, un grand pianiste espagnol très parisien qui a donné plusieurs oeuvres à moi, surtout le Prélude au Coq matinal que je vais jouer ce soir.
Lucienne Bernadac
Je crois que ce Prélude au Coq matinal a joué un rôle déterminant dans votre vie ?
Joaquin Rodrigo
Décisif. Figurez-vous que grâce à lui, j'ai trouvé ma femme.
Lucienne Bernadac
Vous avez rencontré votre femme ?
Joaquin Rodrigo
Oui, et c'était à Paris. Elle avait lu ce prélude-là dans une revue musicale. Elle était bouleversée par cette écriture alors elle a cherché l'auteur partout à Paris et elle a fini par me trouver.
Lucienne Bernadac
Elle vous a tellement bien trouvé qu'elle vous gardé.
Joaquin Rodrigo
C'était une excellente pianiste de [inaudible] qui a eu, sûrement, une influence décisive sur ma carrière et ma formation.
Lucienne Bernadac
Vous êtes ensuite rentrés en Espagne.
Joaquin Rodrigo
Nous sommes partis pour l'Espagne. Nous nous sommes mariés là-bas. J'ai gagné une bourse. Nous avons rentré de nouveau à Paris et cette fois-ci pour travailler l'histoire de la musique avec Maurice Emmanuel.
Lucienne Bernadac
Et la guerre vous a définitivement établis à Madrid.
Joaquin Rodrigo
Installés à Madrid.
Lucienne Bernadac
Je crois que c'est l'année suivante, en 1940, que votre nom est devenu international grâce à votre première grande composition, un Concerto pour guitares et orchestre, le concerto Aranjuez.
Joaquin Rodrigo
Aranjuez.
Lucienne Bernadac
Et il faut dire que c'était une audace de votre part, une audace inouïe de débuter quand votre nom n'était pas encore très connu par une oeuvre pour guitares.
Joaquin Rodrigo
Je l'avais écrit à Paris, ce concerto-là. Je l'ai donné, comme vous dites, en l'année 40. Tout le monde disait que ce serait un échec, que ça n'allait pas sonner. Et voilà, c'était un succès.
Lucienne Bernadac
Un triomphe.
Joaquin Rodrigo
Ça a parcouru le monde.
Lucienne Bernadac
Et ce concerto a été suivi par beaucoup d'autres oeuvres accueillies aussi avec succès.
Joaquin Rodrigo
Oui, j'ai écrit plusieurs concertos pour piano, pour violon, pour violoncelle, même pour harpe. Et finalement, des choses pour guitare aussi, important, une fantaisie, un duo. Et plusieurs mélodies d'orchestre, etc.
Lucienne Bernadac
Une oeuvre très importante. On peut dire même que vous êtes un compositeur comblé. Vous avez reçu, de votre pays, de grandes récompenses.
Joaquin Rodrigo
Enfin, je ne peux pas me plaindre. J'ai remporté plusieurs prix notamment prix national, prix Cervantès etc. Et finalement, on m'a donné la Grande croix de Alfonso X le savant. Et finalement, c'était le comble pour moi, le gouvernement français m'a décerné... Je suis Chevalier des Arts et Lettres.
Lucienne Bernadac
Et vous êtes aussi titulaire d'une chaire à l'université de Madrid.
Joaquin Rodrigo
J'enseigne à la Faculté de philosophie l'histoire de la musique. Donc je peux exercer une influence sur les jeunes gens qui m'intéresse beaucoup.
Lucienne Bernadac
Vous l'exercez très grande. Vous êtes à la fois donc un compositeur très estimé, un bon pianiste, un conférencier, un écrivain, un critique musical et vous avez aussi parcouru le monde, plusieurs fois l'Amérique.
Joaquin Rodrigo
Oui, plusieurs fois, et l'Europe, souvent et surtout à Paris. Et voilà, je me trouve à Paris de nouveau.