Maruschka Detmers

17 juin 1986
04m 23s
Réf. 00131

Notice

Résumé :

L'actrice Maruschka Detmers se souvient de sa première rencontre avec deux de ses metteurs en scène : Jean-Luc Godard et Jacques Doillon.

Type de média :
Date de diffusion :
17 juin 1986
Source :
Thèmes :

Éclairage

Trois films importants jalonnent la carrière de Maruschka Detmers. La comédienne néerlandaise, établie à Paris, est remarquée lors d'une audition au Cours Florent avant de tourner, à 21 ans, pour Jean-Luc Godard dans Prénom Carmen (1983). Le film, présenté à Cannes, fait scandale, tant par la déconstruction provocatrice du récit que par certaines scènes dénudées où la jeune femme joue de sa sensualité et de sa spontanéité.

Sur un registre presque identique, l'italien Marco Bellocchio l'engagera pour Le Diable au corps (1987), adaptation audacieuse et sulfureuse du roman de Radiguet, où une séquence très explicite éclipse sa performance d'actrice. Entre-temps, La Pirate de Jacques Doillon, en 1984, film d'une grande intensité émotionnelle aura prouvé sa capacité à endosser les rôles les plus dramatiques.

La suite de la carrière de Maruschka Detmers sera plus discrète. En dépit d'apparitions notables pour des réalisateurs tels que Ferreri, Zidi, Barbier (Le Brasier, 1991) ou Poirier (Te quiero, 2000) et de quelques tentatives américaines, la comédienne sera surtout remarquée à la télévision (Clarissa, Mère et fille mode d'emploi, Mata Hari la vraie histoire).

Thierry Méranger

Transcription

Journaliste
Avant d'être l'héroïne de la nouvelle version du Diable au Corps, Maruschka Detmers avait tourné La Pirate de Doillon et Prénom Carmen de Godard
Maruschka Detmers
En fait je me souviens des trois. Je me souviens très très bien de Godard quand je l'ai vu pour la première fois. Ça c'est passé complètement... Ça n'a rien à voir avec les trois autres, faut pas oublier Oury. Parce que là, il n'y avait pas encore... Je n'avais pas lu de script pour la simple raison qu'il n'y en avait pas.
Journaliste
Pour Prénom Carmen ?
Maruschka Detmers
Oui, et en plus, c'était encore à l'époque... Je n'avais pas encore travaillé. Jamais avec personne. Donc, j'étais beaucoup plus dans une situation inférieure. Donc, je n'avais qu'à aller voir qui on me disait d'aller voir.
Journaliste
Et qui est-ce que vous voyez ?
Maruschka Detmers
Mais évidemment, c'était... comment ?
Journaliste
Vous voyiez quoi alors, de Godard ?
Maruschka Detmers
Oui, mais je veux dire dans le cas de Godard évidemment, on n'a pas à dire deux fois à personne d'aller le voir. Je suis allée le voir. Je ne le connaissais pas à ce moment-là. Godard, je connaissais son nom mais j'étais encore très très peu au courant de ce qui se passait dans le cinéma. Je venais d'arriver de la Hollande. Et je me souviens que j'y suis allée vraiment... J'étais... c'était vraiment une audition comme les autres pour moi. Je n'avais aucune idée. Je suis arrivée dans son bureau à Neuilly. Il était là assis derrière un bureau et derrière des énormes lunettes noires. Il avait l'air de s'ennuyer de me voir. C'était à peu près la chose la plus ennuyeuse qu'il pouvait s'imaginer. Et ça se passait dans le genre... Bon, j'arrivais dans le bureau et j'étais vraiment obligée de faire «hum» pour qu'il regarde. Puis il regarde comme ça. « Ah, bonjour Mademoiselle.  Vous avez des photos ? » Je lui ai donné une photo, il m'a demandé de marquer mon nom derrière. Et c'était : « Bon, ben au revoir ». C'était vraiment comme je n'ai pas du tout fait une impression de rien du tout, sauf que je me sentais extrêmement nulle à ce moment-là. Vraiment pas capable d'inciter quel que soit l'intérêt de qui que ce soit.
Journaliste
Et avec Doillon ?
Maruschka Detmers
Complètement différent. Parce que Doillon d'abord, c'est quelqu'un de... Je suis arrivée dans ce bureau, rue du Cherche-Midi, et j'ai vu quelqu'un qui ne paraissait pas sûr de lui du tout, qui avait l'air de me remercier infiniment d'être venue là. Et moi, ça m'étonnait complètement. J'avais lu une espèce de synopsis très très très embrouillé. Je ne comprenais absolument rien. Mais tout ce que j'avais compris, c'était que cette personne voulait dire quelque chose, mais il n'arrivait pas à l'écrire. Donc, ma conclusion c'était que, c'est tellement important qu'il ne pouvait pas l'écrire.
Journaliste
Il est arrivé à vous le dire quand même ?
Maruschka Detmers
Ben non plus. Et il s'excusait à longueur de l'interview comme quoi vraiment ça avait l'air nul ce qu'il disait mais quand même que... Enfin, c'était peut-être nul mais il avait tellement envie que... Et c'était bizarre, je me suis sentie tout de suite... parce qu'il y avait... C'était le bureau du producteur, et je me suis sentie tout de suite comme une espèce de famille, tout de suite. Et ça n'a plus arrêté en fait jusqu'à la fin du tournage. Enfin c'était...
Journaliste
Il fumait beaucoup, il était... comment ça se manifestait ?
Maruschka Detmers
Il tremblait beaucoup. Il tremblait, mais il est comme ça. Il est très très très nerveux et très modeste. Parce que moi j'avais entendu, avant d'aller voir un metteur en scène, je demande quand même à des gens autour de moi. Si je n'ai pas vu de film, je demande. Et on racontait des choses très très très bien sur lui. Et il était tellement modeste. Et ce qui m'a beaucoup plu, c'est que ce n'était pas de la fausse modestie, ce n'était pas pour séduire ça. Peut-être il en est conscient quand même parce qu'il pose toujours mais...