Stephen Frears

02 octobre 1988
04m 28s
Réf. 00151

Notice

Résumé :

Entretien avec le réalisateur britannique Stephen Frears, qui vient de finir de monter son nouveau film Les Liaisons dangereuses. Le réalisateur évoque ce projet qui tranche avec ce qu'il a pu faire précédemment, c'est-à-dire des films avec un arrière-plan "social" ancrés dans l'Angleterre contemporaine (My Beautiful Laundrette ). Il parle aussi, plus généralement, de sa façon de mettre en scène un film.

Type de média :
Date de diffusion :
02 octobre 1988
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Thèmes :

Éclairage

L'anglais Stephen Frears, né en 1941, a une copieuse carrière télévisuelle et deux longs métrages de cinéma - habiles hommages au genre du thriller - derrière lui lorsqu'un téléfilm fait de lui l'un des chefs de file du "nouveau cinéma britannique" des années 80. My Beautiful Laundrette est ainsi montré en salles en 1985 et constitue le premier volet d'une remarquable trilogie, avec Prick Up Your Ears (1987) et Sammy et Rosie s'envoient en l'air (1987).

Frears joue alors la carte d'un réalisme social engagé. La surprise est grande de le voir alors se tourner vers des productions internationales fort réussies telles que Les Liaisons dangereuses, adaptation littéraire en costumes (1988), Les Arnaqueurs (1990) ou Héros malgré lui (1992). La suite de sa carrière démontre son étonnante capacité à faire alterner les projets hollywoodiens d'envergure (Mary Reilly en 1996, The Hi-Lo Country en 1998) avec des entreprises filmiques plus modestes qui battent avec succès pavillon britannique (The Snapper en 1994, The Van en 1996, The Queen en 2006).

Charlotte Garson

Transcription

(Silence)
Présentateur
Stephen Frears, l'auteur de My Beautiful Laundrette, de Prick Up Your Ears et de Sammy et Rosie, est le plus tonique, le plus original des cinéastes anglais d'aujourd'hui. A chacun de ses films, comme déjà dans ses films pour la télévision, il promène un regard caustique et rageur sur la société anglaise.
(Silence)
Présentateur
La semaine dernière à Londres, il terminait le montage des Liaisons Dangereuses, tourné cet été en France avec Glenn Close et John Malkovich.
(Silence)
Présentateur
Deux jours plus tard, Frears partait à Los Angeles pour une preview de son film. Accueil triomphal, rencontre d'oscar, les distributeurs décident de le sortir avant la fin de l'année.
(Silence)
Présentateur
Pour Frears, tout va désormais très vite. Les Liaisons Dangereuses, film en costume d'après le roman de Laclos donne un sérieux coup d'accélérateur à son oeuvre. Changement d'ambiance, cette fois, ni homosexuel, ni pakistanais.
Stephen Frears
Exact. Ni pakistanais, ni homosexuels ! C'est terrible ! Ce qui m'a plu, c'est de ne plus parler de l'Angleterre. Ne plus voir les mêmes rues.
Intervieweuse
Le budget du film est-il suffisant, trop important... ?
Stephen Frears
Si on veut faire un film sur l'Ancien régime, il faut un budget colossal ! Y'a pas de projet plus cher !
Intervieweuse
Après ça, vous pourrez encore tourner des « petits » films ?
Stephen Frears
Oui, pourquoi pas ?
Intervieweuse
Sans frustration ?
Stephen Frears
Non !
Intervieweuse
Comment travaillez-vous sur le plateau, vous faites plusieurs choses ?
Stephen Frears
Et bien j'ai tendance à... Je continue jusqu'à ce que l'acteur soit bon. Je sens comment une scène doit être jouée. Je dois rendre les acteurs fous... Car je les compare sans cesse à un modèle imaginaire. Mais comme ça, dans mes films, ils sont toujours bons. John Malkovich aurait fait prise sur prise ! Fallait lui dire de s'arrêter. On ajoute des trucs au fur et à mesure. On fait différents plans pour construire une scène. Le montage devient alors plus agréable. Au début de ma carrière, au montage, j'essayais de faire fonctionner le tout faute d'avoir pris les décisions sur le tournage. Maintenant, je décide comme doit être la scène, et ensuite on la tourne. À mes débuts, je ne filmais pas certains trucs. Si un mec braquais le pistolet, je ne montrais pas le pistolet. J'avais peur d'exprimer ça. L'idée même d'exprimer quelque chose m'était totalement étrangère. Et sans le pistolet, les gens ne pigent plus. Il a un pistolet ! Où ça ? On le voit pas ! Je suis sûr que bien des réalisateurs ont délibérément omis d'exprimer certaines choses par incapacité ou par peur, ou, pour nous Anglais, à cause d'une éducation répressive. Puis, on surmonte cette peur. La scène traitera de ça, alors filmons ça ! Et pas dix autres choses. Et ça, à mon avis, c'est un grand progrès.