Exposition des photographies de John Vink

28 septembre 1994
05m 28s
Réf. 00222

Notice

Résumé :

Dans le cadre d'une exposition des photographies de John Vink sur les camps de réfugiés qui est organisée au Centre national de la photographie, John Vink explique sa démarche et son choix du noir et blanc. Rony Brauman, ancien président de MSF, souligne l'importance de ces images, témoins de la déchirure que vivent les réfugiés et de leur départ vers une nouvelle vie.

Type de média :
Date de diffusion :
28 septembre 1994
Source :
France 3 (Collection: Ramdam )
Personnalité(s) :
Thèmes :

Éclairage

John Vink, né en 1948 en Belgique, est depuis l'âge de vingt-trois ans photographe indépendant. A partir de 1980, il mène plusieurs projets à long terme, d'abord en Italie, puis en Afrique subsaharienne où il effectue un travail sur la gestion de l'eau par les populations sédentaires ou migrantes. Ce travail lui vaudra le prix Eugène Smith en 1986.

Il rejoint alors l'agence VU et pendant cinq ans s'attache à témoigner de la vie des réfugiés un peu partout dans le monde. En 1993, il intègre l'agence Magnum dont il devient membre en 1997. Il s'intéresse ensuite aux "Peuples d'En Haut", communautés des zones montagneuses du Guatemala, du Laos ou du Cambodge pour montrer comment ces peuples, vivant dans des conditions difficiles, se sont construits en peuples forts et fiers de leur identité culturelle.

Fatigué de voyager, il s'installe au Cambodge qu'il a souvent visité et présente à travers livres et expositions les évolutions de ce pays. Pour lui, le photographe n'a pas pour objectif de changer le monde, mais d'informer et de témoigner.

Emmanuel Zbinden

Transcription

(Silence)
Présentateur
A votre avis, quelle est la plus grande détresse des réfugiés ? Le dénuement matériel ou la douleur morale du déracinement ?
Rony Brauman
Je crois que tout dépend de la cause qui a amené à l'exil. Mais dans un tout premier temps, au moment où ils arrivent dans le camp de réfugiés, il est évident que c'est l'aspect matériel, c'est la bouffe quoi !
John Vink
C'est, il faut manger, il faut se faire soigner, on est malade, on est fatigué, on a faim, donc c'est d'abord par là... J'ai l'impression que parmi toutes les photos qui sont les plus proches de Rony Brauman, ce sont celles qui parlent du Soudan, parce que c'est une situation dont personne ne parle, et je sais que ça doit lui tenir très, très fort à coeur, d'avoir comme ça des gens, réfugiés, dont personne ne s'occupe. Il y a que MSF et quelques autres ONG qui s'en occupent, et je sais que le but, au départ de MSF, c'était ça, c'est d'aider des gens dont personne ne parle, qui sont seuls, quoi, d'une part. Et d'autre part aussi, ce sont les photos qui montrent la complexité de la tâche de Médecins Sans Frontières. Médecins Sans Frontières ne fait pas que soigner des gens, ils ont aussi une infrastructure logistique qui est tout à fait extraordinaire. Ils arrivent à fournir des petits pots à, pour manger, à fabriquer des abris pour les gens ; ce n'est pas uniquement du médical dont ils s'occupent.
(Chant)
Présentateur
Quelle photo d'après vous définit le mieux le style de John Vink ?
Rony Brauman
Dans la mesure où son talent a consisté, outre la qualité artistique avec laquelle c'est réalisé, a consisté à montrer ce qu'est, de fait, dans la réalité quotidienne, la vie des réfugiés, moi j'ai choisi un peu arbitrairement 2 ensembles qui me semblent très importants pour comprendre ce qui se passe lorsqu'on est un réfugié. Le premier c'est le départ, tout réfugié a quitté, a été arraché à sa maison, a connu cette déchirure, ce traumatisme, qui est l'abandon de son village, de sa ville, la séparation d'avec sa famille, l'emballement in extremis des affaires qu'il faut essayer de sauver pour refaire sa vie quelque part ; ça, c'est fondamental. Cette déchirure, cette coupure, je crois que c'est ce qui crée au départ la situation de réfugié à l'évidence et ce qui est très bien montré dans cet ensemble extrêmement ramassé. Mais il y a aussi autre chose parce que, le réfugié, c'est pas seulement la fin de tout, c'est aussi un redémarrage, c'est aussi, et pas seulement dans l'assistance, c'est aussi une reprise en charge, la découverte d'une nouvelle vie. Et il me semble que cet ensemble qui très, très peu illustré en général, dont on sait très peu de chose, montre bien que les réfugiés, ils travaillent. Ils travaillent pour s'éduquer, pour préparer leur avenir, ils travaillent pour prendre en charge leurs copains, leurs compatriotes dans les camps, par exemple, ça c'est une séance d'examen pour former des assistants médicaux qui vont aider les équipes de Médecins Sans Frontières. Ils vont donc se mettre au service de leur communauté, de leur collectivité, c'est des enfants qui étudient, c'est des enfants qui préparent l'avenir. C'est très important, donc le réfugié, le camp de réfugiés, ce n'est pas que l'assistance, c'est aussi parfois une nouvelle vie dans la difficulté, dans le tumulte, dans parfois dans la violence, mais c'est aussi quelque chose de nouveau qui s'inscrit dans la vie des gens.
John Vink
Tout étranger à un camp n'est pas un intrus parce que, les gens dans les camps de réfugiés ont très, très vite, sont très vite confrontés à l'aide extérieure, donc ils savent qu'on est utile. Disons comme moi, comme je n'apporte pas de choses matérielles, je n'apporte pas à manger ou des médicaments ou autres choses, j'apporte la parole en fait, je leur rends un peu la parole. Et c'est ça qu'il faut leur faire comprendre, c'est que je suis leur porte parole auprès des personnes ici en Europe qui devraient être sensibilisées par ce qui leur arrive.
(Silence)
John Vink
J'ai photographié en noir et blanc pour que le lecteur soit certain qu'il est occupé à regarder une photo. Cette tension qui existe entre la réalité et sa représentation, est plus affirmée quand on photographie en noir et blanc, puisque on retire des références qui sont la couleur. De toute façon, une photo, c'est une tricherie en quelque sorte, c'est un mensonge. Y a pas le son, y a pas l'odeur, y a pas le relief, alors en faisant du noir et blanc, j'affirme encore plus aux gens que : attention, vous êtes occupé à regarder une photo, et c'est un photographe qui vous parle. C'est une personne qui vous parle.
(Chant)