Georges Candilis, architecte du Mirail à Toulouse

19 mars 1970
06m 28s
Réf. 00066

Notice

Résumé :

Entretien avec Georges Candilis, architecte du quartier du Mirail à Toulouse, à propos de ses intentions de construire un quartier qui ne soit ni une ville nouvelle, ni de grands ensembles coupés du reste de la ville.

Type de média :
Date de diffusion :
19 mars 1970
Thèmes :

Éclairage

Alors étudiant à Athènes, Georges Candilis se lie d'amitié avec Le Corbusier à l'occasion du IVe congrès des CIAM de 1933. Dès 1945, le jeune architecte grec rejoint l'atelier du français où il supervise le chantier de l'Unité d'Habitation de Marseille. Il s'associe à l'antenne africaine de l'ATBAT (Atelier des Bâtisseurs), centre de recherche interdisciplinaire fondé par Le Corbusier, Bodiansky, Wogenscky et Py à Tanger puis à Casablanca. Il rencontre Shadrach Woods et Alexis Josic, jeunes architectes yougoslaves avec qui il ouvre ensuite une agence à Paris. Lors du Xe Congrès des CIAM de 1953, Candilis, Bakema, Gutmann et Smithson fondent Team 10, groupe de réflexion critique issu du Mouvement Moderne.

A la fin des années 50, l'atelier étudie l'habitat évolutif, adapté à la croissance et au changement d'échelle de la maison individuelle. Ils seront lauréats du concours Opération Million concevant des appartements de 3 pièces à moins d'un million de francs. Ils développent "l'habitat du plus grand nombre", immeubles en forme de tripode à coursives, encourageant les rencontres par des dalles surélevées réservées aux piétons tandis que la circulation des voitures reste au sol. Parmi leurs nombreux projets d'envergure, on notera l'extension de Bagnols-sur-Cèze, le Mirail à Toulouse et l'Université Libre de Berlin. A partir de 1969, Le père de l'urbanisme concerté travaille seul à des aménagements de sites touristiques, des logements et des écoles au Moyen Orient.

Marion Michaut

Transcription

Journaliste
Faute d'espace, les centres des villes ne peuvent plus accueillir de nouveaux habitants, à moins de raser ces villes pour en reconstruire d'autres. Raser Toulouse, capitale de l' Occitanie, sûrement pas. Alors que faire ? Laisser la ville déborder de ces frontières, se répandre dans la campagne ? Laisser faire la banlieue anarchique et incontrôlable ? Sûrement pas. Alors en survolant Toulouse, Candilis$Georges , architecte en chef du Mirail, explique comment on en est arrivé à repenser l'urbanisme. A ne plus penser seulement ou logement ou loisirs ou travail, mais à construire une ville.
(Musique)
Georges Candilis
Nous sommes ici au centre même de la vieille ville, on sent, on est conscient que l'architecture et la structure urbaine, c'est la même chose. Cette structure urbaine aujourd'hui est malade. Elle est envahie par la voiture. Mais quand même l'homme peut vivre ici. Il trouve les activités urbaines nécessaires pour la vie urbaine. Dès que vous sortez, de ces vieux centres historiques, la rupture est totale. Et voilà, on passe la limite de la vieille ville, et dès qu'on franchit ça, qu'est-ce qu'on voit ? Le vieux et le neuf, l'un à côté de l'autre, sans absolument aucune unité. Les éléments isont isolés, juxtaposés, les unes gênent l'autre, le vieux est écrasé et le neuf est diminué. Cette image, on le trouve partout, pas seulement à Toulouse, pas seulement en France, pas seulement en Europe, dans le monde entier. C'est le phénomène des années 40, 50 et 60 du XXe siècle. Pour commencer, on a trouvé ça normal. On a dit c'est comme ça. Il faut lui donner sa dignité et sa place à une société nouvelle. Nous passons en ce moment devant un grand ensemble réalisé certainement avec beaucoup de conscience et beaucoup d'efforts. Mais il s'agit d'un alignement de maisons, dans la cité où on a tracé les rues, mais en réalité ce ne sont pas des rues, ce sont des trafics. Il fallait ce massacre pour comprendre que le moment est venu qu'il faut changer.
Journaliste
Changer pour quoi ? Depuis quelque temps on parle beaucoup en France de villes nouvelles. Et construire une ville là où rien n'existe n'est pas de la science fiction, mais de l'histoire déjà. Pensons à La Roche-sur-Yon, sortie du néant par la volonté de Napoléon. Pour l'urbaniste, la ville nouvelle n'est pas un grand ensemble, ce n'est pas non plus un quartier nouveau qui reste lié à un centre traditionnel, c'est autre chose. Et même s'il refuse le terme, c'est bien une ville nouvelle que Candilis$Georges crée au Mirail.
(Musique)
Georges Candilis
Nous avons essayer de faire un quartier de Toulouse. C'est-à-dire ni grand ensemble ni ville nouvelle. Parce que tous les deux sont devenus un peu péjoratifs. Grand ensemble, on pense tout de suite à une ségrégation. Ville nouvelle, on pense tout de suite à la science fiction. Alors que ce n'est ni l'un ni l'autre. Toulouse, grande ville comme toutes les autres villes, mais peut-être que Toulouse est plus forte que les autres. Ils avaient besoin d'extension. Toulouse Mirail, ce n'est pas autre chose qu'un quartier qui est la conséquence de la croissance.
Journaliste
Mais un quartier qui s'ordonne avec ses centres d'intérêt, ses magasins etc., quelque chose de très différent de ce qu'on imagine.
Georges Candilis
Mais parce que nous sommes déformés peut-être, les quartiers des villes ce n'est jamais des quartiers isolés. L'isolation de quartiers, les fameuses banlieues, c'est un phénomène tout à fait récent. Une ville, une ville bien, elle avait les quartiers qui étaient vraiment des centres et non pas des dortoirs. Alors c'est justement ça qu'on veut faire, qu'on essaye de faire. Je n'ai pas mis la voiture hors-la-loi, j'ai essayé de les mettre à la place qu'elles méritent. Je ne peux pas accepter que tous nos plans d'urbanisme ont comme première préoccupation la voiture et pas l'homme. Vous voyez, quand on commence à tracer les rues, on pense voitures, on ne pense pas hommes. Les voitures ont envahi notre vie quotidienne. C'est impensable, et nous sommes pratiquement sans défense. Alors dans les réalisations nouvelles, il faut prévoir la place des voitures, et donner surtout la place à l'homme. Alors je suis conscient vraiment de la faiblesse de cette réalisation. Parce qu'on peut dire franchement que ce qu'on fait ces dernières années ne correspond pas du tout ni aux aspirations des gens, ni aux progrès et aux conditions nouvelles qui nous permettent de faire des choses mieux.