Tadeusz Kantor peintre

02 mars 1982
03m 57s
Réf. 00117

Notice

Résumé :

L'artiste polonais Tadeusz Kantor livre sa conception de l'Art, qui exclut toute relation d'influence entre Art et Politique.

Type de média :
Date de diffusion :
02 mars 1982
Source :
A2 (Collection: Non Diffuse )
Personnalité(s) :
Lieux :

Éclairage

Peintre, réalisateur et surtout homme de théâtre polonais né en 1915, Tadeusz Kantor plaide farouchement pour l'autonomie de l'art contre toute subordination à la politique ou la religion, accusée de faire obstacle à l'essence de l'oeuvre et l'imaginaire de l'homme : "L'art explique la condition humaine, c'est quelque chose de plus profond que la politique". Ce parti pris, affirmé en mars 1982 - trois mois après l'état de siège imposé en Pologne par le général Wojcieh Jaruzelski contre la montée en puissance du syndicat Solidarnosc de Lech Walesa - n'est pourtant pas nouveau chez Kantor et trouve son origine dès les débuts de sa carrière artistique.

Sous l'occupation hitlérienne, l'artiste avait en effet fondé à Cracovie son premier théâtre indépendant (Teatr Niezalezny), voué à la clandestinité pour échapper à un régime qui considérait le courant moderne comme un "art dégénéré". Bien qu'il s'en défende, Kantor n'est pourtant pas imperméable aux soubresauts du monde : le choc de la guerre, de la déportation, et le rejet des nationalismes nourrissent une création marquée par le thème central de la mort, qu'il explore à travers une démarche esthétique influencée par le surréalisme, l'art informel puis l' "arte povera" et le post-modernisme des années 1970.

Très ouvert sur le monde, Kantor voyage et se fait connaître en France dès 1977 avec la pièce La Classe morte, où il mêle mannequins de cire et acteurs vêtus de noir. Les années 1980 sont celle d'une production plus théâtrale que plastique : Où sont les neiges d'antan (1979), Wielopole-Wielopole (1980), Que crèvent les artistes (1985), Je ne reviendrai jamais (1988) etc. Tadeusz Kantor meurt le 8 décembre 1990, après une séance de répétition de sa dernière pièce : Aujourd'hui, c'est mon anniversaire.

Claire Sécail

Transcription

Monique Atlan
Peintre, homme de théâtre, théoricien de l'art et poète, l'artiste polonais Tadeusz Kantor se veut tout à fois, au nom d'une conception qu'il défend depuis de longues années, l'art total, un art qui nie les frontières entre les différentes formes d'expression artistique et qui exclut toute relation d'influence entre l'art et la politique.
Tadeusz Kantor
La situation politique ne conditionne pas l'art, absolument. Peut-être donne un plus : l'initiation. Mais naturellement, il y a la plate-forme sociale, autre que par exemple en France. Pour nous, c'est mon opinion, c'est que la culture et spécialement l'art, ce sont les seules armes de notre existence, les plus efficaces, les plus efficaces. Et c'est pour ça, c'est pour ça que j'ai réussi à faire l'exposition à la galerie de France. J'ai réussi venir en France, dans cette situation, avoir le contact avec le monde entier. Ça, nous devons garder. Jamais l'art n'explique pas la politique, explique la vie sociale, la condition... L'art explique toujours la condition humaine. C'est quelque chose plus profond que la politique.
Monique Atlan
Comment, vous, vivez-vous, à l'heure actuelle en Pologne, personnellement ?
Tadeusz Kantor
Moi, personnellement. C'est mon affaire. C'est mon affaire parce que je fais beaucoup de la peinture maintenant. Je faisais beaucoup de la peinture. Je dois dire que depuis le 13 décembre, j'ai fait beaucoup de tableaux, toujours quand il y a la situation grave. Donc je reste brave. Je fais toujours la peinture. Pour le moment, nos artistes, l'étape fonctionne, par exemple, l'étape fonctionne même les écrivains qui sont à l'étranger, ils seront joués dans les théâtres. S'il s'agit de la peinture, par exemple, à Cracovie, j'ai entendu qu'il y a l'exposition de l'art religieux. Alors c'est pour moi un peu suspect. Mais quand même, il y a des expositions comme ça. Vous savez, la situation - c'est mon opinion vraiment, très très sérieuse - que la vie sociale n'a rien à faire avec l'art. De temps en temps, c'est tout à fait au contraire. Vous savez, il y a très bonnes situations et il y a très mauvaises situations dans l'art. Il y a très mauvaises situations dans la vie, et là, l'art commence à se développer.