Peter Popzlatev, cinéaste bulgare

27 janvier 1990
06m 07s
Réf. 00169

Notice

Résumé :

Le cinéaste bulgare Peter Popzlatev présente son premier film Moi la comtesse en compétition au festival Premiers plans d'Angers et évoque les problèmes de censure dans son pays.

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Date de diffusion :
27 janvier 1990
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Éclairage

Peter Popzlatev, né en 1953 à Sofia et ancien élève de l'Institut Louis Lumière, est l'un des cinéastes bulgares les plus connus. Son itinéraire reflète les difficultés d'un art longtemps étouffé par le régime dictatorial de Jivkov.

Après plusieurs documentaires considérés comme subversifs et le plus souvent censurés - comme Un choix difficile ou Le Père en bronze - il parvient à tourner, en 1989, juste avant la chute du régime communiste, un premier long métrage de fiction, Moi, la comtesse, primé à Turin et à Angers. L'héroïne du film, Sybilla, 18 ans, va passer de l'errance dans le Sofia de 1968 au centre de redressement puis à l'hôpital psychiatrique.

S'il parvient à réaliser Quelque chose dans l'air en 1993, il faudra pourtant dix ans à Popzlatev pour faire le film suivant, Même Dieu est venu nous voir (2003), comédie dramatique qui évoque les conflits ethniques des Balkans.

Thierry Méranger

Transcription

Christian Rolland
Autre proposition de sortie, le cinéma, dans les salles ou bien en festival. Ce week-end, fin du festival Premiers plans qui se déroule à Angers. Nous vous en avons parlé, cette semaine, avec le président du jury, le directeur de la photographie, Henri Alkan. C'est un festival qui s'affirme complètement européen, qui décline la notion de « premier » : premier court-métrage, premier film, premières oeuvres. Nous avons, avec nous, mais en direct du studio de Nantes, Peter Popzlatev. Bonjour.
Peter Popzlatev
Bonjour.
Christian Rolland
Vous êtes cinéaste bulgare. Vous avez une trentaine d'années. Vous présentez votre premier long-métrage qui s'appelle Moi la comtesse à Angers. C'est un film qui nous ramène une vingtaine d'années en arrière, quand le choc de la révolution des idées et des moeurs de 1968 va atteindre votre pays, la Bulgarie, mais à cette époque, le gouvernement en place, et bien, n'aime ni les cheveux longs, ni la mini-jupe ni la musique rock, c'est ça ?
Peter Popzlatev
Exact.
Christian Rolland
Vous aviez, vous, en gros, si je calcule bien, une petite douzaine d'années, en 68. Vous avez connu des actes de censure comme ça, en Bulgarie ?
Peter Popzlatev
Ben oui, j'ai connu tout cela, quand même. D'ailleurs, au début, je dois vous dire que c'est un film qui était tiré d'une vraie histoire c'est-à-dire il y a un vrai prototype qui est vécu tous comme on est en train de raconter dans... avec ce film-là, et bien entendu, finalement, ce n'est pas une histoire... enfin, c'est une histoire qui est un petit pic pour la jeunesse, pour toute une génération qui avait, en 68, qui avait entre 15 et 18 ans. Donc, bon, maintenant, quand je pense, ça, ça a été vraiment des années un peu marquantes un peu partout dans le monde. Bon, c'était pas seulement Paris en 68 ou Tchécoslovaquie 68, ça a été quand même aussi pour la Bulgarie une année marquante, parce que déjà, il y avait le festival étudiant international qui, quand même, donnait une possibilité aux Bulgares, jeunes bulgares de rencontrer un peu... de faire son premier contact avec des gens de l'Ouest.
Christian Rolland
Dites-moi, Peter, reprenez-moi si me trompe. J'ai l'impression, quand même, que malgré tout, je dis bien malgré tout et pourtant, ça a été dur pour certains, il y avait des censures de moyens, il y avait des gens qui ont été emprisonnés, que quand même dans le cinéma, globalement des pays de l'Est, on pouvait un petit peu critiquer ces régimes avant qu'on ne parle d'ouverture, tout cela. Je me trompe ou pas ?
Peter Popzlatev
Il faut vraiment connaître les choses. Ce n'est pas tellement comme ça. Parfois, on pouvait critiquer mais je crois que de critiquer un peu, ça veut dire de ne pas dire la vérité elle-même. Donc ou on dit les choses telles qu'ils sont ou on les cache. Donc mon but était pas de critiquer quoi que ce soit. Mon but, avec ce film-là, a été juste de faire montrer comment on a vécu. Et s'il y a certaines choses qui sont pas plaisants pour le gouvernement tel qu'il était jusqu'au 10 novembre dernier, puisque vous savez bien que là, on a un nouvel gouvernement depuis 10 novembre l'année dernière, donc les choses qui ont été, peut-être, déplaisantes mais finalement, je suis fier d'avoir quand même faire un film, une vraie histoire et de montrer la situation telle qu'elle est.
Christian Rolland
Comment est-ce que vous voyez les années très proches, là, qui arrivent pour vous ? C'est le gouvernement de Jivkov, c'est Jivkov qui est parti. Vous allez retourner en Bulgarie ? Vous allez rester en Bulgarie ? Vous pensez, là, maintenant... c'est-à-dire vous allez pouvoir faire les films que vous voulez sans problème de censure ou économique ?
Peter Popzlatev
J'espère de ne pas avoir les problèmes au moins avec la censure. Le problème économique... Bien sûr, je retourne en Bulgarie parce que j'ai déjà un projet sur lequel je travaille depuis 2 mois. Quand même, j'espère que maintenant, il y aura beaucoup moins de problèmes avec la censure, surtout, parce que c'était ça mon problème jusqu'à présent. Bon, je débutais avec un court-métrage en 82, un petit documentaire. Après, dans les années... entre 82 et 87, je fais 7 films documentaires et je peux vous dire que 4 d'eux ont été censurés déjà. Donc mon problème personnel, jusqu'à présent, était la censure, pas tellement le problème économique, de financement. Ça, je crois que le problème de financement, c'est valable pour chaque réalisateur, pour chacun qui débute dans le cinéma. Bien entendu, il y aura des problèmes de financement certainement aussi, mais déjà, j'espère d'avoir la liberté de l'expression, qui est déjà pas mal.
Christian Rolland
Effectivement, c'est comme un droit essentiel. On sait que tout le monde ne l'a pas encore. En tout cas, merci, même pour ces quelques minutes, d'être venu d'Angers jusqu'à Nantes pour porter témoignage. Je sais que vous allez retrourner à Angers où votre film s'appelle donc Moi la comtesse et d'après les échos que Florence [Leterne], l'attachée de presse de ce festival m'a dit au téléphone, je crois qu'il a été très très apprécié du public. Donc c'est déjà encourageant pour vous, Peter. Bon retour là-bas, en Bulgarie.
Peter Popzlatev
Merci.
Christian Rolland
Et peut-être au plaisir de vous revoir, comme ça, avec un second film et puis qu'on ne parle plus de problème de censure, qu'on parle simplement de création et de cinéma.
Peter Popzlatev
Avec plaisir, avec plaisir, parce que de toute façon, je voulais dire seulement que je suis très impressionné par la manière par laquelle le public, à Angers, accepte tous ce premier film. C'est vraiment excellent.
Christian Rolland
Oui, je crois que c'est un sacré coup au moral, un coup de pouce, et Henri Alkan témoignait aussi cette semaine. Merci à vous. Ça se passe donc à Angers, festival Premiers plans. Merci, au revoir, Peter.