Bohumil Hrabal

31 janvier 1992
04m 06s
Réf. 00193

Notice

Résumé :

Le plasticien Jiri Kolár parle de son ami, l'écrivain tchèque Bohumil Hrabal : ses débuts, quand Kolár a aidé Hrabal à publier son premier recueil, son passage de la poésie à la prose, leurs goûts communs pour le peintre Bruegel et une analyse du style de Hrabal.

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Date de diffusion :
31 janvier 1992
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Éclairage

Bohumil Hrabal est né en 1914 à Brno, et décédé en 1997, à Prague. Après avoir exercé plusieurs métiers, il publie son premier recueil de nouvelles en 1963, à presque 50 ans ; le succès est immédiat. Mais après le durcissement du régime communiste en Tchécoslovaquie en 1968, suite à la répression du Printemps de Prague, Hrabal est interdit de publication, sous le prétexte de "grossièreté et pornographie".

Certains de ces ouvrages, écrits pendant cette période, circulent malgré tout sous le manteau, publiés en "samizdat" (littéralement, "auto-édition", système de reproduction artisanal et interdit). En 1976, c'est le tournant : cette année-là, une pétition circule dans les milieux intellectuels, la Charte 77, qui dénonce la "normalisation" du régime après 1968. En réplique, les communistes au pouvoir produisent une Anticharte. Bohumil Hrabal la signe, ce qui provoque son retour en grâce : ses oeuvres sont à nouveau publiées officiellement. Dans les années suivantes, il publie et écrit beaucoup : Moi qui ai servi le roi d'Angleterre (samizdat 1971, 1982), Une trop bruyante solitude (1976), Les Noces dans la Maison (1987).

L'univers de Hrabal est caractérisé par l'ironie, l'humour noir, le pessimisme et le grotesque, dans un style qui mêle argot et raffinement extrême. Considéré comme l'écrivain tchèque majeur de la seconde moitié du XXe siècle, avec Milan Kundera, Bohumil Hrabal refusera toujours d'émigrer. A nouveau frappé de censure dans les années 80, Bohumil Hrabal, malade, se suicide en 1997 en sautant par la fenêtre de l'hôpital où il est soigné.

Aurélia Caton

Transcription

Jiri Kolar
(Trad. tchèque) Flaubert a écrit qu'il lui a fallu lire deux mille livres pour écrire Bouvard et Pécuchet. Je vous ai dit également que Hrabal, pour écrire ses livres importants, a besoin - j'en suis persuadé - de connaître deux mille personnes. C'est pour cela qu'il est un grand écrivain épique, qu'il peut discuter, comme on dit en tchèque, même avec un chien ! Un jour, un ami m'a présenté... m'a invité au Club des bibliophiles, et m'a proposé d'y adhérer. Ce Club éditait une petite revue. J'ai demandé à ces messieurs s'ils pouvaient faire la première publication de Hrabal. Je leur ai expliqué qui il était. C'était difficile, mais ces messieurs, à ma surprise, acceptèrent. Evidemment, ils n'avaient pas assez d'argent. Je me suis proposé pour payer l'édition. J'ai été content de pouvoir le faire pour Hrabal - j'ai fait publier son premier livre - comme Halas l'a fait pour moi. Cela ne s'oublie jamais, comme je n'oublierai jamais Bohumil. Beaucoup de prosateurs ont débuté par la poésie avant de s'installer dans la prose - je le dis comme ça - s'installer dans la prose. Et quand Hrabal m'a apporté ses poèmes, je les ai aimés, et je lui ai prédit qu'il ne poursuivrait pas, qu'il s'essaie à la prose. Il m'a dit qu'il l'avait déjà fait, qu'il écrivait en prose depuis longtemps. Il m'apporta ses nouvelles. N'oubliez pas qu'à cette époque, Hrabal travaillait toujours, c'est un talent épique immense ! Vous pouvez ouvrir l'un ou l'autre de ses livres et vous plongez tout de suite. Il a aussi un avantage, malgré l'histoire toujours présente, vous pouvez commencer au milieu ou à la fin, vous plongez toujours... Comme le dit Josef Hirsal, c'est une vraie littérature de divertissement. Et l'art devrait être divertissant, il faut qu'on aie de quoi regarder. Et avec Hrabal, nous avons tous les deux aimé les tableaux de Breughel, si riches en poésie. Et, selon moi, le fait qu'il ait commencé par la poésie, ça lui est resté... Remarquez comme sa phrase est mélodique, dans chaque phrase, il y a de l'action, ce qui est très positif. Vous avez toujours de quoi lire. Il fait peu de descriptions. J'ai lu ses textes dès qu'il les a écrits. Et à peine le livre sorti, je l'ai parcouru et j'ai ri comme la première fois... C'était toujours pareil quand Hrabal nous lisait ses manuscrits.