Isabelle Adjani à propos de sa passion pour le théâtre

07 octobre 1973
04m 37s
Réf. 00403

Notice

Résumé :

Interview de la jeune Isabelle Adjani, pensionnaire à la Comédie-Française, tout en poursuivant ses études au lycée. Elle parle de sa passion pour le théâtre, de l'amour, de son échec au Conservatoire et de son apprentissage du métier d'actrice.

Type de média :
Date de diffusion :
07 octobre 1973
Source :
ORTF (Collection: Inf2 dimanche )
Thèmes :

Éclairage

Les premiers grands rôles de cinéma d'Isabelle Adjani, qu'elle décroche au milieu des années 70 (La Gifle de Claude Pinoteau, 1974, L'Histoire d'Adèle H. de François Truffaut, 1975) ont eu depuis tendance à éclipser ses débuts au théâtre.

Si c'est en effet à l'écran qu'elle a joué pour la première fois (à 14 ans dans le Petit Bougnat de Bernard Toublanc-Michel, 1970), la révélation advient au théâtre. Alors que les pensionnaires de la Comédie Française doivent le plus souvent passer par l'étape obligée du Conservatoire, Adjani échoue à l'entrée de celui-ci mais intègre le Français en 1972, à 17 ans. Sa performance dans Ondine de Jean Giraudoux la révèle, et elle brille dans Mademoiselle Julie de Strinberg, L'Avare et surtout L'Ecole des femmes de Molière. Elle quitte la Comédie Française en 1974 pour se consacrer au septième art mais remontera sur les planches dans le rôle de La Dame aux camélias de Dumas fils, mis en scène par Alfredo Arias en 2000, puis de Marie Stuart en 2006.

Charlotte Garson

Transcription

Jean-Jacques Dufour
Isabelle, est- ce que le théâtre c'est une vocation ?
Isabelle Adjani
Si la vocation c'est la certitude, sûrement pas. J'étais très attirée par le théâtre, mais seulement par la lecture des pièces que j'ai pu faire depuis que je suis au lycée. Donc j'ai mis les pieds dans un théâtre assez tard, enfin c'est tard pour quelqu'un qui aurait eu une vocation très affirmée ou de façon précoce. J'ai été au théâtre la première fois à quatorze ans et demi, et puis c'est donc une suite de maillons. C'est une chaîne qui s'est formée indépendamment de ma volonté et qui fait que maintenant je suis au Français. C'est un théâtre que j'aime, auquel on s'attache, parce qu'on finit toujours, enfin on finit, moi je commence par m'attacher au lieu. Puis je l'aime, j'aime la salle, j'aime les fauteuils, j'aime les lumières, j'aime les cariatides, j'aime un tas de choses, j'aime la scène, j'aime les odeurs qu'il y a sur la scène. J'aime des choses qui sont très proches de moi. Je suis heureuse moi, je suis dans une troupe, et j'ai des rapports formidables parce que tous les gens avec lesquels je travaille pour l'instant sont des gens que j'aime et que j'admire. Et je crois que l'admiration, c'est le départ de tous les rapports d'amitié, de toutes les connivences possibles. Alors et vous, qu'est-ce que vous pensez de vos brillants débuts de journaliste, puisque on parle toujours de moi ?
Jean-Jacques Dufour
On est là pour parler de vous parce que moi, c'est autre chose, on fait un portrait d'Isabelle Adjani. Alors, on n'a pas à parler de moi, mais par contre, il y a une question que j'aimerais bien vous poser, puis je trouve que l'endroit est choisi : l'amour Isabelle Adjani ?
Isabelle Adjani
Ah ! v'là autre chose. L'amour, c'est du romantisme. En pleine période classique, en pleine période romantique, en pleine période de maintenant, c'est exactement pareil. Les gestes sont les mêmes, les mots sont les mêmes, les attitudes sont souvent les mêmes, même si elles sont apparemment différentes, c'est toujours le même sentiment. Les mêmes influences, toujours pareil, toujours.
(Musique)
Jean-Jacques Dufour
Isabelle, vous êtes jeune et jolie et vous avez du succès. Mais un jour, cela peut s'arrêter. Est-ce que vous y pensez ?
Isabelle Adjani
Oui, je pense surtout que si j'en ai pour l'instant, c'est plus parce que j'ai dix-sept ans que parce que j'ai vraiment du talent. Dans le fond, je ne sais pas si j'en ai.
(Musique)
Isabelle Adjani
Je ne vais pas choisir entre les études et la comédie parce que premièrement j'ai presque terminé au lycée, du moins, je passe la deuxième partie de mon bac, Et deuxièmement je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas louvoyer, quand il y a louvoyer comme je l'ai fait jusqu'ici. Ca ne pose pas de problème, du moment qu'une partie n'est pas faite au détriment de l'autre et moi j'aime beaucoup compléter les choses. Je trouve ce que j'apprends en philo est merveilleusement utilisable pour ce que je fais au théâtre, parce que les pièces que je fais au lycée, c'est la même chose. Il y a une réciproque, il y a un échange formidable.
Jean-Jacques Dufour
Le conservateur vous a trouvée mauvaise et on vous retrouve pensionnaire à la Comédie Française. C'est troublant non ?
Isabelle Adjani
Je m'étais présentée au concours du Conservatoire, au concours d'entrée, comme ça parce que je voulais me tester, parce que je voulais voir ce que je valais. En fin de compte, ce n'était pas du tout un test parce qu'il n'y a pas de critère dans ce métier, je crois. Il y a une espèce de présence qu'on communique ou qu'on ne communique pas, une espèce d'échange d'ondes qui se fait ou qui ne se fait pas. Mais je ne crois pas qu'il y ait des critères de talent. Quand je travaille, et je travaille sur le tas, puisque j'apprends mon métier en jouant, ce qui est encore plus formidable. Les metteurs en scène, les gens avec qui je travaille me donnent quand même des indications techniques. Ce n'est pas la chose sur laquelle ils se basent, ce n'est pas l'essentiel vis-à-vis de moi. Mais je me rends compte qu'ils m'amènent d'une façon très subtile à faire ce qu'ils désirent, à articuler le mieux possible, à avoir du mouvement plus vis-à-vis du public, à ne pas toujours me mettre de dos. Enfin il y a un tas de choses qui sont à apprendre, qui sont très importantes et je les fais quand même comme tout le monde.