Interview with Maurice Ronet

17 mai 1957
04m 36s
Ref. 00040

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Summary :

Maurice Ronet explains how he views his job as an actor

Media type :
Broadcast date :
17 mai 1957
Source :

Transcription

François Chalais
Maurice Ronet, dans le domaine du cinéma, vous appartenez à une catégorie d’acteurs bien définie, bien cataloguée, de ce qu’on appelle un jeune premier. Ça doit être agréable d’être un jeune premier, non ?
Maurice Ronet
Oui, ce n’est pas désagréable, mais vous savez, je ne crois pas que…, vous croyez qu’il y a des catégories comme ça qu’on peut dire un tel est un jeune premier, un tel est un….
François Chalais
C’est ce qui se dit en tout cas, vous savez.
Maurice Ronet
Oui, enfin.
François Chalais
Moi je suis pour les formules bien établies, parce que ça évite de penser. Chacun sait que dans le cinéma, c’est justement ce qu’il faut éviter de faire. Est-ce que vous vous considérez comme un jeune premier vous ?
Maurice Ronet
C’est un jugement hâtif ça.
François Chalais
Oui, mais ça, ce sont les meilleurs. Est-ce que vous vous considérez comme un jeune premier ?
Maurice Ronet
Il faudrait d’abord définir ce que c’est qu’un jeune premier.
François Chalais
Comment vous considérez-vous ?
Maurice Ronet
Comme un acteur avant d’être un jeune premier.
François Chalais
Comme un acteur avant d’être un jeune premier.
Maurice Ronet
Ça dépend de ce que vous entendez comme jeune premier. Si c’est une étiquette journalistique, alors ça, ça ne m’appartient pas de dire si je suis jeune premier ou pas, c’est plutôt au journaliste.
François Chalais
Vous avez toujours voulu être acteur ou est-ce que c’est parce que vous êtiez joli garçon que vous avez fait du cinéma ?
Maurice Ronet
Merci ! Non, j’ai commencé au théâtre, puisque j’avais des parents acteurs. Enfin, puisque j’avais…, non, j’ai eu le goût du théâtre.
François Chalais
Parlez plus fort, parce qu’il y a beaucoup d’avions. On a profité pour faire un petit meeting en votre honneur.
Maurice Ronet
J’ai eu le goût du théâtre très vite, très jeune. Puis après, je suis parti un peu de côté, puisque j’ai fait de la peinture, j’ai fait de la céramique, j’ai écrit, j’ai fait de la musique. Et je suis revenu au cinéma.
François Chalais
Vous faites du cinéma parce que vous aimez ça ou parce que ça vous donne une manière de vivre qui vous plaît ?
Maurice Ronet
Non, je crois que j’aime ça, vraiment.
François Chalais
Il y a une chose qui me frappe, c’est que je n’ai pas l’impression que le métier d’acteur soit un métier particulièrement masculin. Je veux dire que cela oblige à certaines contraintes.
Maurice Ronet
Oui, si on juge ça un petit peu en surface. Il est certain que le fait de paraître, le fait de se montrer en public, qui est plus l’apanage des femmes que des hommes probablement, puis le fait de se maquiller, puis le fait de…. Sûrement, mais je crois que c’est un jugement un peu superficiel, enfin.
François Chalais
Est-ce que ça vous gêne de vous maquiller ?
Maurice Ronet
Pas du tout, vous savez, c’est comme un artisan ou un type qui ferait une tasse de café et qui ne voudrait pas faire la peinture dessus parce que ça l’ennuierait. Je crois que ça fait partie du métier. Ce sont des contingences qui font partie de ce métier.
François Chalais
Je pense que ce qui doit être difficile pour un acteur justement, c’est d’avoir à solliciter pour des rôles, d’avoir à se déplacer, d’avoir à dépendre d’un tas de gens. En principe, un homme aime bien être indépendant, or les acteurs le sont rarement. Vous, vous êtes un être assez indépendant, comment est-ce que vous faites pour préserver cette indépendance ?
Maurice Ronet
Oui, sûrement, j’ai un tempérament indépendant. Mais je crois que dans tous les métiers, enfin, tous les métiers ont leurs obligations, et celui-là aussi. Ce n’est pas le fait d’être dépendant de quelque chose que de…. Etant donné qu’on a choisi un métier, je crois qu’il faut le faire d’un bout à l’autre. Ce n’est pas ça, je ne crois pas que l’indépendance soit le fait de sortir quand on a envie de sortir, de prendre un verre quand on a envie de prendre un verre. C’est plus profond que ça l’indépendance.
François Chalais
Comment est-ce que vous expliquez que nous n’ayons pas en France des acteurs comme par exemple William Holden, Dana Andrews, Robert Ryan. Des acteurs justement qui n’ont pas l’air d’être des acteurs, qui ont l’air de rentrer dans le film un peu par hasard. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont tellement l’air d’y être à leur place.
Maurice Ronet
Ça, je crois que c’est inhérent au sujet. Il y a une certaine école en Amérique qu’il n’y a peut-être pas en France. Enfin, en France, c’est beaucoup plus sur le plan individuel et personnel qu’on est acteur ou qu’on devient acteur. En Amérique, il y a des écoles, il y a une école de comportement, il y a la nouvelle école d’Elia Kazan.
François Chalais
Oui, c’est ça, et vous croyez que ça n’a pas toujours existé que c’est nouveau ?
Maurice Ronet
En tout cas, non, Elia Kazan est nouveau, enfin je pense qu’en Amérique, ils ont toujours traité l’acteur sur le plan, si j’ose dire, un peu industriel.
François Chalais
Oui, mais vous voyez par exemple, il m’est arrivé d’assister à des auditions d’acteurs masculins. Ben, j’ai toujours été très étonné de voir ces jeunes gens arriver justement avec des cravates, bien fringués, etc.
Maurice Ronet
C’est pour moi que vous dites ça.
François Chalais
Justement, c’est parce que vous n’avez pas de cravate que je le dis. Je trouve ça très sympathique, d'ailleurs vous ne seriez pas là sans ça. Ce genre d’acteurs ne m’intéresse pas justement. Et ces gens-là avaient l’air timide. J’aurais voulu qu’ils rentrent, qu’ils s’asseyent sans qu’on leur dise, qu’ils parlent au producteur, aux gens, qu’ils ne se considèrent pas comme une espèce de bétail qu’on fait tourner. Ce n’est absolument pas votre cas justement, je voudrais savoir, comme il se fait que vous soyez si différent ?
Maurice Ronet
Je ne sais pas, c’est peut-être parce que je n’ai jamais considéré qu’on apprenait ce métier dans les cours de théâtre. Enfin, on apprend des tas de choses dans les cours de théâtre, ne serait-ce que l’audace de se montrer en public. Mais je crois que c’est un métier qu’on apprend beaucoup en vivant au contact des gens, et en faisant tout autre chose que ce métier-là.