Jacques Demy, membre du Jury, revient sur le Palmarès 1977

01 juillet 1977
03m 22s
Réf. 00184

Notice

Résumé :

Retour sur la polémique autour du palmarès 1977. L'ancien juré Jacques Demy s'explique sur l'attribution du prix à "Padre Padrone" des Frères Taviani, sur la posture du président du jury Roberto Rossellini et sur le désaccord avec le Président du Festival Robert Favre le Bret.

Type de média :
Date de diffusion :
01 juillet 1977
Source :

Transcription

André Halimi
... qu'en 1978, on ne parlera plus de la polémique qui opposa le jury au président Robert Favre Le Bret au sujet du palmarès. Jacques Demy lui répond.
Jacques Demy
Monsieur Favre Le Bret peut avoir un avis aussi. Il est organiseur du festival. C'est sa chose depuis trente ans. Et il a sûrement des idées sur les films. Ce que je crois, je jury lui reproche, maintenant, presque à la majorité puisqu'il y a quelques personnes qu'on n'a pas pu joindre à la suite des déclarations de monsieur Favre Le Bret, ce qu'on lui reproche, ce n'est pas d'avoir des idées sur le palmarès, puisque qu'il a le droit, tout le monde a le droit d'avoir des idées, heureusement. Mais d'avoir désavoué, par exemple, des gens qu'il a choisis. Donc, des gens qu'il estimait. Et il les désavoue publiquement, d'une façon quand même assez désagréable. Et ça, ça m'a tout à fait étonné de sa part, par exemple. De se désolidariser, comme ça, tout à fait. Je n'ai pas compris pourquoi. Ça me semble incohérent. La deuxième chose qui est plus grave, à mon avis, c'est de tout d'un coup, nous avoir, fait en quelque sorte, les assassins de Roberto Rossellini en déclarant... (qui ? Les organisateurs du festival ), déclarant que Roberto Rossellini n'était absolument pas d'accord avec le jury. Et ça, c'est faux. C'est faux car Roberto nous a invités dans sa chambre, à prendre le champagne et à parler de ce palmarès, justement. Et il était très heureux d'avoir donné la palme d'or aux frères Taviani. Parce que ça représentait quarante ans de lutte pour son cinéma, le cinéma qu'il défendait, lui. Nous n'avons pas tué Roberto Rossellini. On l'a plutôt respecté et il nous a respectés et c'était un homme admirable, il faut le dire. Le jury s'est réuni, une fois de plus, après Cannes. On m'a dit : " Il faut faire quelque chose ". Et nous allons répondre aussi, publiquement, pour remettre les choses au point, mais cela dit, en essayant de rétablir une vérité. On avait un certain nombre de prix à distribuer. J'ai regretté qu'on ne les donne pas tous parce que nous étions là pour donner des prix. Si vous voulez mon avis, sur le palmarès, c'est la seule chose qui m'ait personnellement choqué.
André Halimi
Sincèrement, vous avez été blessé par ces réactions ?
Jacques Demy
Pas blessé, ecoeuré. J'ai été physiquement malade de cette entreprise. Moi, qui adore Cannes. Car j'y vais depuis dix-huit ans, je vais tous les ans à Cannes. Et il y a eu deux années catastrophe. Mais cette année a été une année catastrophe, pour moi, personnellement. Et puis, l'année des "Parapluies de Cherbourg" où j'ai eu la palme. Et là, je me dis : " Je ne sais pas comment je l'ai eu, cette palme. Peut-être je devrais la rendre comme on rend son tablier ". Parce que je ne sais pas, ce n'est pas très bien. Enfin, ça m'a paru pas très bien. Et j'ai été... oui, je crois écoeuré, c'est le mot.