Entretien avec les lauréats du Festival 1991

20 mai 1991
10m 23s
Réf. 00260

Transcription

(Musique)
Henri Sannier
Bonsoir et merci d'être avec nous. L'actualité, vous l'avez sans doute suivie en direct sur Antenne2. C'est d'abord le palmarès du festival de Cannes. Palme d'or surprise attribuée à "Barton Fink", le film américain de Joel et Ethan Coen, "Barton Fink" rafle trois distinctions. Dans quelques instants, commentaires et premières réactions sur la croisette avec nos envoyés spéciaux. Avant cela, voici brièvement les autres points de repère de l'actualité de ce lundi. Lech Walesa en Israël, voyage historique dans un pays où l'image du numéro 1 polonais est souvent synonyme d'antisémitisme. Faisant allusion aux victimes de l'Holocauste, Lech Walesa a demandé pardon, tout à l'heure, au peuple juif. François Mitterrand sur la Roche de Solutré, avec vingt quatre petites heures de retard. Aucun manifestant, quelques poignées de journalistes mais pas de déclaration. Nous y reviendrons. Enfin, la route, avec des clignotants qui virent au rouge, malheureusement. On s'y attendait un peu. Le week-end de la Pentecôte est synonyme de bouchon, notamment à Lyon et à Paris. Nous ferons un dernier pointage, tout à l'heure, au tunnel de Fourvière. La fin du suspense, donc, à Cannes. Depuis quelques minutes, on connaît donc les lauréats du quarante quatrième festival. Cette année, il a été difficile de faire des pronostics. Georges Begou, la palme d'or est attribuée au film américain "Barton Fink". C'est en soi, une grosse surprise, Georges ?
Georges Begou
Grosse surprise. Je ne voudrais pas exagérer mais c'est...
Henri Sannier
C'est une surprise.
Georges Begou
C'est une petite surprise. Il faut dire que, cette année, il n'y avait pas de grand grand favori dans le festival. On a sans doute couronné le film, disons, le plus original par sa forme et par son esprit. Il représente le nouveau cinéma américain, celui des producteurs indépendants. Alors, mes invités sont en train d'arriver. Ils s'installent. Joel et Ethan Coen sont déjà là. Et puis, bien sûr, le prix d'interprétation masculine, John Turturro qui est dans deux films à Cannes, cette année.
Henri Sannier
Tout à fait. Nous y reviendrons dans quelques instants. Alors, Georges, parlons du film. C'est l'histoire d'un jeune scénariste qui est confronté à la jungle hollywoodienne ?
Georges Begou
Oui, c'est à la fois cette histoire de scénariste, mais il y a aussi des rapports humains entre deux personnages. Un qui est un représentant de commerce, une sortie de brute, et puis un autre personnage qui est plus tendre, plus malléable.
Henri Sannier
On s'installe sur le plateau. Je crois qu'on va peut-être en profiter, loin du remue-ménage, pour regarder un extrait.
Georges Begou
Vous allez voir comment le scénariste est accueilli par un gros producteur hollywoodien.
Henri Sannier
Ok. On regarde ça tout de suite.
Interwiewé
[Anglais]
Georges Begou
Alors, on vous présente comme les champions du cinéma, du nouveau cinéma américain. Est-ce qu'on pourrait définir ce cinéma-là ?
Joel Coen
(Traduction) C'est un peu difficile. (Traduction) Nous ne nous considérons pas vraiment comme du cinéma nouveau. (Traduction) Nous sommes, bien sûr, des cinéastes. (Traduction) Nous travaillons quand même dans la tradition du cinéma indépendant aux Etats-Unis. (Traduction) Ca remonte aux premières années du cinéma, en fait. (Traduction) Nous essayons de poursuivre cette tradition.
Georges Begou
Mais alors, l'originalité, tout de même, Joel et Ethan, vous travaillez toujours ensemble. Vous êtes scénaristes, réalisateurs, producteurs ?
Ethan Coen
(Traduction) Exactement. (Traduction) Enfin, ça nous paraît tout à fait naturel. (Traduction) Il y a des gens qui trouvent cela assez remarquable de faire plusieurs choses différentes, mais enfin, ce n'est pas si inhabituel d'écrire, de produire, de suivre la production jusqu'à la fin. (Traduction) Donc, en fait, ça peut vous paraître bizarre, mais pour nous, c'est tout à fait naturel.
Georges Begou
Alors, votre film, faut-il le considérer comme une farce tragi-comique ou bien y a-t-il un autre message ? Parce qu'il y a un moment terrible, dans le film, où le représentant de commerce tue quelqu'un en disant : " Heil Hitler ! ".
Joel Coen
(Traduction) Oui, très juste.
Ethan Coen
(Traduction) Enfin, c'est quelqu'un d'un petit peu dérangé, quand même. (Traduction) Enfin, bien entendu, nous n'avons pas un point de vue entièrement neutre sur la question, dans ces films ou en prenant ces paroles. (Traduction) Il faut bien dire qu'il s'agira, ici, d'un film un peu sombre mais un peu fantaisiste en même temps.
Georges Begou
Alors, nous allons passer à John Turturro qui a eu le prix d'interprétation masculine et qui est dans votre film, qui est aussi dans "Jungle Fever", qui est le film de Spike Lee où il joue le rôle de l'italien. Alors, un petit extrait au moment où il rencontre ce personnage qui est un énorme représentant de commerce. John Turturro, on l'a déjà vu dans "Miller's Crossing", un film encore des frères Coen.
Interwiewé
[Anglais]
Georges Begou
Il est en conversation avec Irène Jacob que nous vous présenterons tout à l'heure. Alors, John Turturro, vous avez une silhouette, vous avez un regard inquiet, timide. Quelquefois, j'ai l'impression que les metteurs en scène voient en vous, souvent, soit un timide, soit un faux-jeton ?
John Turturro
(Traduction) De moi, c'est ce qu'ils pensent ? (Traduction) Vous voulez dire dans la vie ou au cinéma ? (Traduction) Barton, c'est quand même un personnage spécial. (Traduction) C'est un grand solitaire, surtout, qui cherche des amis. (Traduction) Donc, je crois que c'est comme ça que j'envisage le personnage. (Traduction) Non mais c'est quand même un personnage assez intéressant.
Georges Begou
Vos impressions sur cette palme que vous venez de recevoir ?
John Turturro
(Traduction) Vraiment, c'est un grand honneur de recevoir un tel prix. (Traduction) En plus, c'était une expérience assez exceptionnelle de tourner ce film. (Traduction) Donc, ça couronne toute l'affaire.
Georges Begou
Cannes, c'est très important, pour un américain.
John Turturro
(Traduction) Il me semble bien. (Traduction) C'est la première fois que je reçois le prix. (Traduction) De toute façon, je suis très reconnaissant, très heureux.
Henri Sannier
Merci. Georges, on va passer en revue, donc, le palmarès. Le prix d'interprétation féminine est attribué à Irène Jacob, comme on l'a vu, dans "Double vie de Véronique", le film de Kieslowski, Irène Jacob interprète deux rôles à la fois. On l'aperçoit...
Georges Begou
Une polonaise et une française. Est-ce qu'on peut... D'abord, je voudrais vous poser cette question. Depuis pratiquement une semaine, vous êtes la favorite du festival. La presse a adoré ce film. Et est-ce que vous avez encore eu l'émotion toute neuve, tout à l'heure, quand votre nom a été prononcé ?
Irène Jacob
Evidemment parce que les gens aimaient beaucoup le film, et c'est un plaisir pour nous. Maintenant, je ne pensais pas à ce prix.
Georges Begou
C'est une performance d'actrice, une polonaise, une française, deux femmes qui se ressemblent mais qui ne se connaissent pas. Est-ce qu'on peut en dire un peu plus sur la philosophie du film ?
Irène Jacob
C'est une histoire de sentiment, sur le sentiment qu'on a manqué quelque chose ou d'être porté par quelque chose. Et les deux Christophe, donc, les co-scénaristes, ont imaginé peut-être une poésie qui voudrait dire qu'il y aurait deux personnes qui se ressembleraient identiquement.
Georges Begou
Kieslowski est un cinéaste exigent, singulier. Comment vous a-t-il choisie ?
Irène Jacob
Il avait vu une petite scène dans "Au revoir les enfants", où je jouais le professeur de piano. Et on a fait des essais sur le script. On a fait des essais deux fois.
Georges Begou
Nous allons voir un très court extrait, bien entendu, qui dit peu de choses. Parce qu'un extrait de trente secondes... Ca se situe vers la fin du film, c'est la française, à ce moment-là, qu'on voit à l'image et qui se confesse un peu.
Irène Jacob
J'ai eu l'impression d'être à la fois ici et ailleurs. C'est difficile à expliquer. Mais je sens toujours ce que je dois faire.
Henri Sannier
Alors, quelques heures avant le palmarès, on parlait beaucoup de "La Belle Noiseuse", de Jacques Rivette, qui est... Petite déception, le film n'obtient que le prix de la ville de Cannes. Enfin, n'obtient... Je ne devrais pas le dire comme ça, mais c'est une réalité. Georges ?
Georges Begou
C'est vrai, c'est une petite déception. Et pour conclure, je voudrais dire qu'il est dommage que la France ne soit pas davantage récompensée car nous sommes, avec les américains, les principaux producteurs représentés à Cannes, pendant le festival, non seulement par nos propres productions mais également par les co-productions européennes que nous faisons. Alors, si vous le voulez bien, restons fair-play mais saluons les Pialat, Bouchitey, Maroun Baghdadi et Rivette pour son prix de Cannes 91.
Henri Sannier
Merci. Merci à vous. Merci Georges. Merci à tous les envoyés spéciaux d'Antenne 2 qui nous ont permis de vivre de festival de Cannes au jour le jour. J'ajoute encore, c'est important, que le prix du jury du quarante quatrième festival de Cannes à été attribué à "Hors la vie" de Maroun Baghdadi. Ce film est une co-production Antenne 2. "Hors la vie" est classé ex aequo avec "Europa" de Lars Von Trier, un film dont on a beaucoup parlé. Merci.