Autour de "La Haine" et d'"Underground" au Festival 1995

28 mai 1995
07m
Réf. 00284

Notice

Résumé :

Entretien avec l'équipe de "La Haine", prix de la mise en scène : Mathieu Kassovitz explique la genèse du film et ses trois comédiens racontent ce que le film leur a apporté ; puis Emir Kusturica parle d'"Underground", Palme d'Or du 48ème Festival.

Date de diffusion :
28 mai 1995
Source :
France 2 (Collection: JA2 20H )

Transcription

Etienne Leenhardt
Voilà, Vincent Cassel, qui est le fils de Jean-Pierre Cassel, et qui danse... Qui joue, pardon, dans ce film de Matthieu Kassovitz. Nicole Cornuz-Langlois, je crois que Matthieu Kassovitz est à vos côtés ?
Nicole Cornuz-Langlois
Oui, il est là, avec ses trois acteurs.
Etienne Leenhardt
Ah, il y a toute l'équipe.
Nicole Cornuz-Langlois
Oui ! Absolument. Alors, je voulais d'abord vous féliciter, Matthieu Kassovitz, parce que c'est vrai que c'est une mise en scène très, très forte, très solide, très originale.
Matthieu Kassovitz
Extrêmement.
Nicole Cornuz-Langlois
Mais oui, c'est un vrai coup de poing, ce film, ça c'est vrai. Et que vous nous présentiez, alors, vos trois acteurs qui sont ici et qui sont les trois héros de ce film.
Matthieu Kassovitz
Donc Vincent Cassel...
Nicole Cornuz-Langlois
Qui est dans le film, dites-moi un peu ce qu'il est, dans le film...
Matthieu Kassovitz
Qui joue le rôle de Vinz, qui est... qui est celui qui a la haine. Saïd Taghmaoui, qui joue le rôle de Saïd, qui dans le film est celui qui a la haine. Hubert Koundé, qui joue le rôle de Hubert, qui est celui a la haine. C'est-à-dire qu'ils l'ont chacun, mais d'une façon un peu différente, à différents niveaux.
Nicole Cornuz-Langlois
Alors vous êtes parti d'un fait divers réel, qui est donc une bavure policière et la mort d'un jeune garçon. Quelle est la part de réalité et de fiction, dans ce film ?
Matthieu Kassovitz
Tout est de la fiction... Non, on n'est pas partis de là. Ca nous a aidé pour l'inspiration de base, pour le moteur, mais pas du tout pour l'histoire. Sinon, tout est fiction, tout est inventé, mais ... C'est vrai puisqu'on l'a inventé.
Nicole Cornuz-Langlois
Donc, c'est la journée de trois jeunes.
Matthieu Kassovitz
C'est la journée de trois jeunes qui vivent dans le quartier des Muguets, et c'est le lendemain matin d'une émeute, un garçon a été blessé, et il y a eu des émeutes dans la nuit, et on retrouve le lendemain matin ces trois personnages qui vont passer la journée avec, en poche, une arme, ce que Vinz a dans sa poche, une arme, un flingue d'un des flics, qui l'a perdu pendant l'émeute, et avec, on sait pas, ben ce que disait l'extrait: on ne sait pas ce qu'on va faire avec...
Etienne Leenhardt
Matthieu Kassovitz, vous nous avez dit en venant présenter le film ici, à Paris, que vous souhaitiez secouer en quelque sorte le festival de Cannes, c'est réussi !
Matthieu Kassovitz
Non, nous, on n'est pas là pour secouer quoi que ce soit... Si ça marche, tant mieux, si ça ne marche pas, c'était pas... On n'est pas là pour ça, on est venus parce qu'on a fait du cinéma, on a fait un film de cinéma, on parle d'un sujet qui est grave, mais on est venus là où plus rien n'est grave, pour défendre le film. Plus en tant que film qu'en tant que "sujet", parce que ce n'est pas ici qu'on pourra le défendre, et on n'est pas là pour faire... Pour remuer quoi que ce soit, mais bon ben...
Nicole Cornuz-Langlois
Oui, j'aimerais savoir ce que, pour vous trois, enfin chacun, ce que représente cette aventure de ce film, cette expérience plutôt, de ce film. Vincent ?
Vincent Cassel
Moi, en ce qui me concerne, ça a été la première fois que je me retrouvais impliqué à cent pour cent dans un film, et où j'ai compris ce que ça voulait dire de travailler. Avant ça, je faisais l'acteur, et là tout d'un coup on s'est mis à travailler pour de bon.
Nicole Cornuz-Langlois
Pour vous ?
Saïd Taghmaoui
Ouais, c'est pareil. Il y a eu une espèce de chaleur humaine qui s'est dégagée pendant tout le tournage. Et on a été loin, on a poussé le truc à fond, on a toujours travaillé plus, sans jamais se complaire, et ça a été une belle aventure.
Nicole Cornuz-Langlois
Et vous ?
Hubert Koundé
Moi, ce qui m'intéresse réellement, enfin, comme tous les trois j'ai beaucoup appris humainement en faisant ce film, mais maintenant, ce qui serait intéréssant, c'est que, outre ce prix de la mise en scène, c'est que le public aille voir le film, parce que c'est lui le réel roi, quoi.
Etienne Leenhardt
Matthieu Kassovitz, je voudrais savoir ce que vous avez ressenti tout à l'heure. On vous a vu à l'image, quand vous avez reçu cette récompense. C'est votre deuxième long-métrage, je le disais, vous n'avez que vingt-sept ans. J'imagine que c'était une immense satisfaction, intérieure en tout cas.
Matthieu Kassovitz
Je ne sais pas du tout ce que j'ai ressenti, je n'ai pas calculé... Non, non, c'est, c'est... C'est impressionant, quoi, forcément.
Nicole Cornuz-Langlois
Oui, ça c'est vrai.
Matthieu Kassovitz
Je ne peux pas vous en dire plus. Je regarderai la cassette pour voir comment on était.
Etienne Leenhardt
Bien, je vous remercie infiniment. Je vous propose, Nicole, de voir maintenant un extrait de la palme d'or. On a vu, tout à l'heure, Emir Kusturica qui la recevait. Son film donc, "Underground", qui raconte, je vous le disais, cinquante ans de la vie en Yougoslavie. Regardez, c'est un film qui dure plus de trois heures.
de film Extrait
[serbe]
Etienne Leenhardt
Nicole, je crois qu'Emir Kusturica vient d'arriver à vos côtés ?
Nicole Cornuz-Langlois
Oui, il est là, il va...
Etienne Leenhardt
Ca n'est pas franchement une surprise, il avait la faveur des pronostics.
Nicole Cornuz-Langlois
Oui, absolument. C'était le favori, parce que nous avons tous adoré ici, ce film très baroque, plein d'imagination, et qui relate, tout de même, des faits très importants. C'est un groupe de vingt personnes, qui sont dans une cave, pendant la guerre, la dernière guerre mondiale, et qui y restent vingt ans. Car, l'un d'eux les maintient ici pour faire du trafic d'armes. Alors, c'est une expérience assez étonnante. Vous avez la traduction, j'espère.
Emir Kusturica
Oui.
Nicole Cornuz-Langlois
Alors, de cette histoire-là, que vouliez-vous faire ressortir ?
Emir Kusturica
[anglais] (Traduction) Je voulais, dans les jours que j'ai passés hors de mon pays, j'ai tant souffert, qu'il a fallu que je fasse ce film. Mais il ne fallait pas que ce soit comme le font les médias, quelque chose de très superficiel. J'avais le sentiment qu'il fallait que, par un film, je vous le montre à vous, les gens d'ailleurs, ce qui se passait vraiment, et que je vous fasse comprendre ce qu'était la vraie source de nos problèmes.
Nicole Cornuz-Langlois
Oui, d'ailleurs, aujourd'hui nous avons eu l'actualité sur la Yougoslavie, donc c'était vraiment le besoin de faire sentir exactement ce qu'est, actuellement, la Yougoslavie, à travers cette espèce de métaphore. Et ce qui est extraordinaire, c'est que ces gens-là sont toujours gais, ils continuent à rire en tout cas, dans votre film. Les rires sont excessifs, tout est excessif dans votre film.
Emir Kusturica
[anglais] (Traduction) Vous savez, je crois qu'aujourd'hui les gens sont éduqués par la télévision. Tous les jours, ils voient des gens que l'on tue, même des gosses. Ils avaient l'habitude de voir des gens qui meurent. Et mon style, c'est tout simplement de faire voir cela aux gens. Si vous avec une vie, il faut qu'il y ait des aspects gais également. Ce sont des gens qui suivent leur histoire, et qui de temps en temps, sont très drôles.
Nicole Cornuz-Langlois
Merci beaucoup pour ce très beau film.
Etienne Leenhardt
Nicole, nous sommes pris par le temps, je suis (...)