Roman Polanski présente "Pirates" en ouverture du Festival 1986

08 mai 1986
05m 59s
Réf. 00457

Notice

Résumé :

Entretien avec Roman Polanski au sujet de son film d'aventures maritimes "Pirates", présenté en ouverture du 39ème Festival de Cannes.

Date de diffusion :
08 mai 1986
Source :
FR3 (Collection: SOIR 3 )

Transcription

Journaliste
C'est le grand jour, également, pour le festival de Cannes, le trente neuvième festival. Il s'est ouvert ce soir. François Léotard, le ministre de la culture, présidait la séance inaugurale. Un festival placé, cette année, sous un double signe : celui de la sécurité, et les fouilles sont renforcées, à l'entrée du palais, et le signe de la piraterie, puisque c'est le thème du film de Roman Polanski qu'on projette ce soir. Sur place, à Cannes, et près du palais des festivals, nous retrouvons Henry Chapier, nous le retrouvons chaque soir. Henry, tel que je vous connais, moi, je suis sûr que vous vous êtes débrouillé pour échapper à la fouille, tout à l'heure.
Henry Chapier
Oui, tout à fait, j'ai échappé à la foule, mais en revanche, je dois vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de stars autour de moi pour la bonne raison qu'on projette le film d'ouverture, "Les Pirates" de Polanski. Et cela dit, toute cette psychose de la sécurité, je vais vous dire, est un peu tombée. D'abord, parce qu'il y a quand même pas mal d'américains, et deuxièmement, ce film, c'est vraiment un coup de sang tout à fait tonique pour nous. Pourquoi ? Parce que les pirates, après tout, le sujet, c'était aussi la violence, l'abordage. Vous vous souvenez, comme nous tous, de notre enfance, de tous ces récits. Et bien Polanski a utilisé ce côté-là désormais mythologique et légendaire mais les allusions à l'actualité sont multiples, avec beaucoup d'humour. Et d'ailleurs, il va s'en expliquer lui-même avec encore plus de talent, dès que vous aurez vu les toutes premières images de ce film.
(Musique)
Henry Chapier
Les adolescents rêvent de l'armada, des pirates. Et puis, finalement, rien ne change. C'est assez contemporain malgré le récit d'époque ?
Roman Polanski
C'est assez contemporain si vous prenez... si vous analysez l'histoire elle-même, pas l'histoire du film. Du point de vue historique. Parce qu'il faut voir ça dans deux aspects. Il y a d'abord l'aspect mythologique de la piraterie. C'est la littérature, le cinéma, ce Disneyland. C'est amusant, plein d'aventures. Il y a un peu de suspens, beaucoup d'humour. Mais quand vous étudiez l'histoire, c'était aussi atroce que les pirates, la piraterie d'aujourd'hui. Quand vous entendez les récits de Boat people, ce n'est pas drôle du tout. C'était aussi atroce que le terrorisme d'aujourd'hui.
Henry Chapier
Alors, est-ce que vous êtes d'accord si je dis que vous avez fait un film tendre et généreux. Vous, qu'on dit toujours cruel et féroce. Moi, je vous trouve très tendre dans ce film. C'est vrai, non ?
Roman Polanski
Je suis heureux que vous le dites. Moi, je me considérais toujours tendre.
(Musique)
Henry Chapier
Est-ce que la production américaine... enfin, les gens qui ont de l'argent, parlons franchement, est-ce qu'ils ont eu peur de ce sujet ?
Roman Polanski
Ils ont eu peur dès le début parce que le budget était toujours très élevé, et en plus, c'était très risqué. S'ils avaient une assurance complète qu'on ne dépassera pas ce budget, ça serait peut-être facile.
Henry Chapier
C'est uniquement un problème d'argent ou est-ce que c'était aussi un peu la peur, votre réputation d'anarchiste, tout ça ? Non ?
Roman Polanski
C'est les deux. Disons si j'avais moins la réputation de l'enfant terrible du cinéma, ça serait peut-être un peu plus facile. Après les premières difficultés, ils ont commencé à perdre un peu leur enthousiasme pour ce projet. Finalement, mon attachement les a encore découragés. Il y a une espèce d'antagonisme entre les géomètres et les...
Henry Chapier
Et les saltimbanques ?
Roman Polanski
Et les saltimbanques. Dans le cinéma encore plus accentué.
Henry Chapier
Pour eux, vous êtes un cinéaste pirate, en quelque sorte ? Un terroriste aussi ?
Roman Polanski
Ce que je voulais vous dire, c'est qu'il est plus facile de monter un film pour un terroriste que pour un metteur en scène qui est vraiment amoureux de son sujet.
Journaliste
Alors, Henry, le film de Polanski est projeté hors compétition. C'est donc demain que véritablement le festival va commencer, avec un film français, celui de Bertrand Blier, Tenue de soirée. Alors, en France, on en a beaucoup parlé parce que certains ont été choqués. Le public français adore ce film. Comment va-t-il être accueilli à Cannes, à votre avis ?
Henry Chapier
Moi, j'ai l'impression que ça sera une bombe, si vous voulez, pour les Anglo-saxons, sûrement. Parce que bien sûr que les Américains ont ce genre de courage dans les dialogues, mais alors peut-être pas tout à fait dans des situations. Ca n'irait pas tout à fait de ce côté-là si c'était un film américain. Les Italiens, bien entendu, je crois qu'ils l'aimeront. Enfin, si vous voulez, je fais un peu la méthode Coué parce que je crois très franchement que ce film-là devrait avoir un prix. Et je le dis dès le premier jour, lorsque la compétition vient seulement de commencer, parce qu'on est déjà demain à cette heure-ci.
Journaliste
Bon, et bien nous verrons tout ça demain et bien sûr, on vous retrouve demain comme chaque soir en direct jusqu'à la fin de ce festival de Cannes qui dure douze jours.