Michel Piccoli parle de son rôle dans "Le Saut dans le vide"

16 mai 1980
06m 15s
Réf. 00452

Notice

Résumé :

Entretien avec Michel Piccoli à propos du " Saut dans le vide" de Marco Bellochio, où il joue un type de rôle qu'il affectionne : un personnage à la fois trouble et respectable.

Date de diffusion :
16 mai 1980
Source :
FR3 (Collection: SOIR 3 )

Transcription

Présentatrice
... folie cachée des hommes qui représentent nos institutions. Michel Piccoli a trouvé dans ce film l'un de ses plus grands rôles. Michel Piccoli a dit à Henry Chapier ce qui l'a incité à accepter ce rôle car on sait que Piccoli choisit soigneusement ses sujets, ses films et ses personnages. Michel Piccoli.
Michel Piccoli
Bellocchio fait partie des metteurs en scène avec lesquels on a envie de travailler. C'est évident. Tout acteur a envie de travailler avec Bellocchio. Et parce que ce sont des sujets que, peut-être, en France, on n'ose pas, on a peur, on craint d'aborder. Je les ai abordés, par exemple, avec Sautet, malgré tout. Dans "Max et les ferrailleurs", c'était un personnage de commissaire de police qui se prenait pour un grand justicier, qui avait une soif d'être un grand justicier, qui était prêt à faire n'importe quelle manipulation pour devenir le grand justicier. Il aurait voulu être juge. J'enchaîne un peu facilement. Dans le film de Bellocchio, je suis juge.
Henry Chapier
C'est un juge universel, ce n'est pas un juge italien.
Michel Piccoli
Ce n'est pas un juge italien. C'est un juge italien. Bien sûr, les juges, dans la vie de l'actualité italienne, sont des personnages très importants. Ils sont très visés.
Henry Chapier
Ils succombent, souvent ?
Michel Piccoli
Et ils succombent. Mais ce film est, pour moi, très important, parce qu'on parle de l'enfance. Pas seulement de la folie, de l'enfance. Et le personnage que je joue aussi est très important parce que lui est un fou méchant lucide. C'est un manipulateur. C'est un manipulateur. Et j'aime beaucoup interpréter les personnages des institutions qui doivent être des personnages raisonnables, paisibles, intelligents, sérieux, sur lesquels on puisse confier son existence. Et on s'aperçoit que quelquefois, ces personnages de nos institutions prennent un pouvoir démoniaque.
Présentatrice
A l'occasion du festival de Cannes, vous le savez, nous avons l'habitude de vous montrer, chaque soir, en avant-première, des extraits des films que le jury s'apprête à voir le lendemain. Ainsi, demain, le jury de Cannes devra apprécier un film américain sur un thème très chaleureux : la passion du show business. C'est le film de Bob Fosse, "All that jazz". Titre français : "Que le spectacle commence". L'interprète principal est Roy Scheider. Dans les images qui vont suivre, on va le voir en train de regarder la répétition de sa fille, sa propre petite fille dans la vie.
de film Extrait
[anglais]
Henry Chapier
On reconnaît tout de suite à ces images le style de Bob Fosse, le metteur en scène de "Cabaret". Mais dans le film qu'il vient de faire, le spectacle qui est grandiose, les numéros musicaux qui sont très beaux, la chorégraphie qui est très enlevée, nous plongent évidemment dans une atmosphère étourdissante. Mais on se demande pour quelle raison, avec un acteur aussi bon que Roy Scheider, monsieur Bob Fosse a tenu à nous assommer, quelque part, avec sa philosophie. Nous savons tous que la vie de l'artiste créateur est difficile, qu'il y va, parfois, de sa santé, que bien de metteurs en scène ont été terrassés par une crise cardiaque. Mais vraiment, est-ce que c'est une découverte ? Je crois qu'à cause de ce qu'il y a d'un peu prétentieux et d'un peu métaphysique, ce film perd un peu dans la compétition malgré sa beauté, et il n'est pas tout à fait certain, comme l'ont cru beaucoup d'américains avant de venir ici, que c'est celui-là qui attirerait le gros lot.
Présentatrice
Voilà donc pour les deux films les plus notables de la soirée et de la journée de demain. Pendant ce week-end de l'Ascension, le public est extrêmement nombreux à Cannes, Cannes qui confirme sa place de toute première manifestation du cinéma mondial. A ce sujet, nous recevons, ce soir, en exclusivité, Robert Favre le Bret, président du festival. Quetion d'Henry Chapier : est-il vrai que tout est fabriqué à Cannes ? Réponses de monsieur Favre le Bret.
Favre le Bret Robert
Je supporte, en effet, les responsabilités, même celles qui ne m'incombent pas. Par exemple, j'assure que moi, je ne suis jamais intervenu auprès de... Enfin, nous avons eu, à peu près, trois cent jurés jusqu'à maintenant. Aucun ne peut véritablement dire que je suis intervenu auprès de lui pour l'influencer sur tel ou tel film, n'est-ce pas ? Mais voilà, si vous voulez, à tort ou à raison, je suis un peu considéré comme le symbole vivant de cette manifestation, et puis, il faut toujours trouver un responsable. Alors, bon et bien, c'est moi, à l'occasion... vous savez, j'ai un pouvoir d'évasion très grand qui est le rêve. Alors, ça m'a beaucoup sauvé. Et puis aussi, j'ai une bouée de sauvetage qui est une petite phrase de Mayerling : " Si j'étais Dieu, j'aurais pitié du coeur des hommes ".