La Guinée à l'heure de l'indépendance

08 octobre 1958
42s
Réf. 00078

Notice

Résumé :

Le reportage présente la Guinée nouvellement indépendante, en soulignant la volonté de « sécession » de ce territoire africain qui s'est opposé à la Communauté française, ainsi que la volonté du gouvernement de Sékou Touré de maintenir une collaboration avec la France.

Date de diffusion :
08 octobre 1958
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Éclairage

Exception parmi les treize territoires de l'Afrique française, la Guinée a voté « non » au référendum du 28 septembre 1958 pour la création de la Communauté franco-africaine, suivant la position du parti dominant du président du Conseil du gouvernement Sékou Touré.

Reprenant l'alternative qu'il a posée lors de son voyage africain en août, de Gaulle analyse ce vote comme une volonté de rupture avec la métropole, par rapport aux autres pays qui acceptent d'intégrer la Communauté avant d'accéder à une indépendance négociée entre chaque territoire et Paris. Le gouvernement français adresse dès le 29 un communiqué à Sékou Touré pour tirer les conséquences de cette « sécession » : départ immédiat des agents de l'État en dehors de quelques services techniques, comme le Trésor ou la sécurité aérienne et maritime, repli rapide de l'armée et de la gendarmerie françaises et suppression des aides financières et douanières, comme la remise en cause de la garantie pour le projet Konkouré de production d'électricité. La République de Guinée est proclamée le 2 octobre mais son président, Sékou Touré, n'entend pas rompre avec la France. Il ne cesse d'octobre à mi-décembre de demander la reconnaissance officielle de son pays par la France, l'établissement de relations diplomatiques et le maintien de la Guinée dans la zone franc. Mais les messages restés sans réponse de Paris et les ambiguïtés du gouvernement français autour de la reconnaissance de la Guinée et de la négociation des accords de coopération conduisent Sékou Touré à se tourner vers d'autres États. Des ambassadeurs sont envoyés auprès des pays de l'Afrique Occidentale Française et des capitales occidentales tandis que Sékou Touré se rapproche des États africains indépendants, au premier rang desquels le Ghana, et des pays de l'Est. Les pressions françaises pour créer le vide diplomatique autour de la Guinée se soldent par un échec. Fin novembre, la nouvelle République est déjà reconnue par 57 pays, dont la Grande-Bretagne et les États-Unis qui entendent l'empêcher de basculer dans le camp de l'Est. La Guinée obtient son admission aux Nations-Unies le 12 décembre tandis que la France s'abstient lors du vote.

La vidéo des Actualités française diffusée le 8 octobre 1958 sur la Guinée indépendante témoigne de cette période d'incertitude dans les relations franco-guinéennes. Elle reprend le discours classique de l'œuvre civilisatrice de la France qui a fait du « petit village » de Conakry « un port et une cité modernes », en l'accompagnant d'images d'immeubles et de circulation automobile réglementée dans la ville par un policier en uniforme. Il s'agit du rappel lancinant du rôle de la France dans la construction des États africains modernes. Le reportage présente également l'interprétation gaulliste du « non » guinéen comme un refus de la « Communauté offerte par la France », comme une volonté de « séparation » imputable à son « artisan » Sékou Touré.

La vidéo n'offre aucune vision ni commentaire sur le jour de la proclamation d'indépendance du 2 octobre. C'est en revanche le gouvernement guinéen qui doit « assumer désormais seul les destinées du pays » qui est représenté au travail. Cette édition du journal destinée à l'étranger s'efforce surtout de souligner l'impératif pour le jeune État de maintenir une coopération négociée avec l'ancienne métropole. Malgré la rancune à l'égard de « l'artisan de la séparation », le reportage indique que le « premier acte de Sékou Touré » a été « d'exprimer à la France son désir de collaboration ». La France doit ainsi manifester son rôle majeur sur la scène mondiale dans le processus vers les indépendances africaines, y compris pour le pays qui a souhaité une « séparation » immédiate.

Bénédicte Brunet-La Ruche

Transcription

Journaliste
Conakry, petit village de trente cases de la côte africaine, dont la France a fait un port et une cité modernes, vient d’être promu au rang de capitale de la nouvelle république indépendante de Guinée. Le seul des territoires africains à avoir repoussé la communauté offerte par la France.
(Musique)
Journaliste
Le nouveau gouvernement, dont la composition est analogue à celle du précédent, assume désormais seul les destinées du pays. Le premier acte de monsieur Sékou Touré, l’artisan de la séparation, a été cependant d’exprimer à la France son désir de collaboration.