Les nouvelles institutions au Togo en 1956 : la transition vers l'indépendance [muet]

13 février 1957
03m 27s
Réf. 00115

Notice

Résumé :

[Document muet] Le Togo, territoire sous mandat français de l'ONU, obtient son indépendance en 1956, en marge de la mise en place de la loi-cadre Defferre.

Date de diffusion :
13 février 1957
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )
Lieux :

Éclairage

Le cas du Togo et de son accession à l'indépendance est à plusieurs égards singulier, dans la mesure où ce territoire jouit depuis la Première Guerre mondiale d'un statut différent de celui des autres colonies ouest-africaines. Officiellement colonie allemande de 1884 à 1918 sous le nom de Togoland, il est envahi par les Alliés en 1914, divisé entre Français et Britanniques, puis confisqué au Reich, déchu de son « droit à coloniser ». En 1919, le Togo est donc placé sous la tutelle de la Société des Nations ; sa partie orientale est confiée à la France tandis que l'ouest est placé sous tutelle britannique. Ce statut est confirmé en 1945 et le Togo devient alors un territoire sous tutelle de l'ONU - administré par les deux mêmes puissances tutélaires que précédemment.

L'article 22 du Pacte de la SDN pose les principes généraux du régime des mandats : les peuples des territoires en question sont jugés comme encore incapables « de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne ». Il faut donc en assurer le bien-être et le développement, tâches constitutives d'une « mission sacrée de civilisation ». Pour atteindre ce but, il est choisi de « confier la tutelle de ces peuples aux nations développées, qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux à même d'assumer cette responsabilité et consentent à l'accepter ». L'institution du mandat crée en principe un réseau de droits et de devoirs du mandataire vis-à-vis du mandaté, exercés sous le contrôle de la Société des Nations.

La nature et l'étendue de ces droits et devoirs varient en fonction du degré de développement des peuples considérés, et c'est ainsi que le paragraphe 2 de l'article 22 prévoit trois cas de figure :

- les mandats de type A (promis à une indépendance à court terme) ;

- les mandats de type B (pour les territoires dont le degré de « développement » insuffisant impose une tutelle administrative durable avant d'envisager leur émancipation) ;

- enfin, les mandats de type C (intégrés au territoire de la puissance mandataire et voués à une émancipation lointaine).

Le Togo, tant pour sa partie occidentale (sous mandat britannique) qu'orientale (sous mandat français) relève du type B, ce qui permet à la France et à la Grande-Bretagne d'y imposer une domination administrative étroite, selon les modalités définies par le paragraphe 5 de l'article 22 :

« Le degré de développement où se trouvent d'autres peuples [...], spécialement ceux de l'Afrique centrale, exige que le Mandataire y assume l'administration du territoire à des conditions qui, avec la prohibition d'abus, tels que la traite des esclaves, le trafic des armes et celui de l'alcool garantiront la liberté de conscience et de religion, sans autres limitations que celles que peut imposer le maintien de l'ordre public et des bonnes mœurs, et l'interdiction d'établir des fortifications ou des bases militaires ou navales et de donner aux indigènes une instruction militaire, si ce n'est pour la police ou la défense du territoire et qui assureront également aux autres Membres de la Société [des Nations] des conditions d'égalité pour les échanges et le commerce ».

En 1945, la mise en place de l'ONU ne modifie pas complètement la donne, mais la Charte onusienne prévoit de façon plus pressante qu'auparavant l'organisation d'un processus d'émancipation à court et moyen terme pour tous les territoires sous mandats. Dès lors, en l'espace d'une dizaine d'années, le Togo connaît une réorganisation à la fois institutionnelle, politique et territoriale.

Le petit film saisit l'évolution politique du Togo sous domination française à un moment décisif, en 1956, lorsque le territoire obtient son autonomie interne. Dans les années précédentes, des concessions avaient été obtenues (création d'un conseil de gouvernement local et élargissement des compétences de l'assemblée territoriale). En mai, le rattachement du Togo britannique à la Gold Coast, approuvé par référendum, contribue d'ailleurs à accélérer le processus politique dans la partie française. Le court-métrage met en scène différents protagonistes de cette histoire, au premier rang desquels Nicolas Grunitzky et Robert Ajavon, descendant d'avion à Lomé à leur retour de Paris.

Le premier a fondé en 1946 le Parti togolais du progrès (PTP), pro-français, pour faire pièce à l'action du Comité de l'unité togolaise (CUT) de Sylvanus Olympio. Le PTP s'est également tenu à l'écart du Rassemblement démocratique africain. Quant à Ajavon, également membre du Parti togolais du Progrès, il est sénateur depuis 1952 sous la couleur des Indépendants d'outre-mer Ce sont principalement ces deux hommes (ainsi que d'autres figures de premier plan comme Georges Akpedo Amah, présent dans le documentaire) qui ont préparé avec Gaston Defferre la transition politique. En août 1956, par décret, la République autonome du Togo fut créée, tandis qu'est organisé un référendum le 28 octobre 1956. La nouvelle fait les gros titres d'une presse locale florissante depuis l'entre-deux-guerres. Robert Ajavon est élu, en septembre 1956, président de l'Assemblée législative du Togo autonome, créée en application du nouveau statut, tandis que Nicolas Grunitzky devient Premier ministre.

Le film met en valeur quelques étapes importantes : la mise en place du nouveau gouvernement, la création de ministères et de directions de services, l'annonce des résultats du référendum par la presse, la levée du nouveau drapeau. Il offre aussi quelques perspectives riantes sur l'avenir économique du territoire qui, s'il est désormais autonome, n'en reste pas moins partie intégrante de l'Union française.

Sophie Dulucq