Dernière liaison téléphonique entre les généraux de Castries et Cogny en Indochine

07 mai 1954
01m 24s
Réf. 00146

Notice

Résumé :

A l'occasion de la célébration des 30 ans de la bataille de Dien Bien Phu, Jean-Michel Blier présente une archive sonore datant du 7 mai 1954. Il s'agit d'une conversation téléphonique (son médiocre) entre le Général de Castries qui commande les troupes dans la cuvette de Dien Bien Phu et le Général Cogny qui se trouve à Hanoï. Bilan critique de la situation, de nombreux soldats sont aux mains de l'ennemi.

Type de média :
Date de diffusion :
07 mai 1984
Date d'événement :
07 mai 1954
Source :

Éclairage

Aux dernières heures de la bataille, le général de Castries depuis son PC de Diên Biên Phu et le général Cogny depuis le QG d'Hanoï ont une ultime conversation radiophonique.

Les deux hommes savent alors que la bataille est perdue (« nous tiendrons le plus longtemps possible » dit Castries) et que Castries, s'il ne trouve pas la mort avant la reddition du camp retranché, sera fait prisonnier par le Vietminh.

Dans ce bref échange laconique, nulle décision tactique ni considération stratégique, mais des mots lourds de sens : « laisser l'affaire mourir d'elle-même » selon la périphrase de la défaite employée par Cogny avant de saluer Castries d'un « Allez, au revoir mon vieux » dans lequel plane le doute de le revoir un jour vivant.

Castries est fait prisonnier le 7 mai 1954. De sa captivité dans les camps vietminh, il reste le témoignage de quelques images dans un reportage tourné par les opérateurs vietminh en pleine jungle (document conservé à l'ECPAD). Libéré début septembre 1954, il est accueilli par le général Cogny.

Delphine Robic-Diaz

Transcription

Jean-Michel Blier
Il y a 30 ans, c’était donc la défaite de Diên Biên Phu. Après 56 jours de siège, les troupes françaises perdaient la bataille. Une défaite qui allait précipiter les choses. Le 12 juin 1954, c’était la chute du gouvernement Laniel, et le 18 juin, Pierre Mendès-France devenait président du conseil, et allait mettre fin à la guerre d’Indochine. Je vous propose tout de suite d’écouter un document. Le 7 mai 1954 à 16 heures, le Général de Castries, qui commande les troupes dans la cuvette de Diên Biên Phu, appelle son QG. Au bout de la ligne, le Général Cogny, qui se trouve lui dans la citadelle d’Hanoi, écoutez !
François (de) Castries
Nous tiendrons le plus longtemps possible.
René Cogny
Je pense que le mieux, c’est que l’aviation fasse un gros effort d'appui de feux aujourd’hui pour tâcher que, que le Viet s'arrête, arrête son effort.
François (de) Castries
Oui mon général, évidemment, les blessés, mais dont, dont beaucoup sont déjà aux mains de l'ennemi, parce qu’il y en avait dans les points d’appui, Eliane 4, et que... et Eliane 10, des blessés.
René Cogny
Bien sûr, oui. Alors, faites ça au mieux, en laissant vos [Inaudible] d'elles-même [Inaudible]. Ce que vous avez fait est trop beau pour qu'on fasse ça. Vous comprenez mon vieux ?
François (de) Castries
Oui, bien, mon Général.
René Cogny
Allez, au revoir mon vieux, à bientôt.
François (de) Castries
Je vais encore vous retéléphoner avant l’impact.
Jean-Michel Blier
"Faites au mieux" dit le Général Cogny, "j’essaierai de vous rappeler", répond le Général de Castries. Le Général de Castries ne rappellera jamais le quartier général. Neuf heures après, tout est consommé, Diên Biên Phu est tombé. Les survivants effectueront une marche de quatre mois à travers les camps Viêt-Cong. Les trois quarts ne reviendront jamais.