Charles de Gaulle : voyage à Djibouti

16 septembre 1966
03m 25s
Réf. 00150

Notice

Résumé :

Le 25 août 1966, lors de sa visite officielle à Djibouti, le général de Gaulle est accueilli par des manifestants revendiquant l'indépendance de la Côte française des Somalis, dont certains sollicitent le rattachement à la République de Somalie. Alors que l'ONU encourage l'élargissement du mouvement de décolonisation à ce territoire, le président français envisage dans son discours la possibilité d'une évolution du statut de cette enclave convoitée par ses voisins somalien et éthiopien, mais dans le cadre des dispositions de la Constitution française.

Type de média :
Date de diffusion :
16 septembre 1966
Source :
ORTF (Collection: Panorama )
Personnalité(s) :

Éclairage

La Côte française des Somalis (CFS) constitue en 1966 une enclave entre l'Éthiopie et la République de Somalie, qui est restée à l'écart du mouvement d'émancipation en Afrique. Alors que les États africains de la Communauté ou sous tutelle ont accédé à l'indépendance en 1960, la CFS a choisi après le référendum de 1958 de rester un territoire d'outre-mer, avec la perspective d'un statut évolutif. Ce petit territoire est à la fois soumis aux appétits de ses puissants voisins, à des divisions internes entre les Afars ou Dankali et les Issas ou Somalis, majoritaires dans le pays et à Djibouti, et à la pression de la France pour conserver ce « verrou de la mer rouge ».

La République de Somalie naît en 1960 de l'union des anciennes Somaliland britannique et Somalia italienne. Cet État milite pour la réunification des territoires Somalis en son sein, notamment les provinces éthiopiennes du Haud et de l'Ogaden, celles sous contrôle kényan et la CFS. Les deux États limitrophes renforcent leurs revendications en 1965 et soutiennent des mouvements politiques de libération de la CFS. La Somalie demande aux Nations-Unies d'affirmer le droit à l'autodétermination de la CFS et l'Éthiopie indique que Djibouti fait partie de son ensemble territorial. En effet, la CFS est liée à l'empire voisin par la ligne ferroviaire Djibouti-Addis-Abeba et son port, qui constitue un point de passage obligé. La France entend rester à Djibouti ; elle a investi dans les infrastructures portuaires et signé en 1959 un traité avec Haïlé Sélassié. Enfin, le territoire est divisé, comme l'a montré le résultat du référendum de 1958, avec 75 % des suffrages en faveur du oui, soit un des plus faibles scores obtenus en Afrique noire. En effet, le leader issa Mahmoud Harbi, jusque-là soutenu par l'administration, revendique en 1958 l'indépendance immédiate de la CFS, avec un maintien des liens avec la France pour peser face à la Grande Somalie. Il est démis de ses fonctions au conseil de gouvernement ; l'assemblée territoriale est dissoute et les élections donnent lieu à une modification des règles de représentation en faveur des Afars. Les positions se durcissent entre les communautés et les partis de la CFS alors que l'Assemblée générale de l'ONU inscrit en 1965 la CFS sur la liste des territoires prioritaires pour accéder à l'indépendance.

C'est dans ce contexte d'affirmation du droit international à l'émancipation des peuples colonisés que se déroule le voyage du général de Gaulle à Djibouti le 25 août 1966. Il est accueilli par une foule partagée entre les partisans du maintien de la France et ceux revendiquant l'indépendance immédiate, notamment le Parti du Mouvement Populaire. Le Parti de l'Émancipation du Peuple Afar dans l'amitié française milite pour une émancipation par étapes, tandis que le Parti du Mouvement Populaire rejoint par l'Union Démocratique Issa d'Hassan Gouled Aptidon, mais aussi l'Union démocratique Afar d'Ali Aref, manifestent en faveur de l'indépendance lors du passage du Général le 25 août 1966. Au-delà des clivages renforcés entre Afars et Issas, ce sont donc aussi les revendications politiques en faveur de l'émancipation qui s'affirment. Et certains mouvements Issas soutenus par le grand voisin, militent en faveur d'un rattachement à la Somalie comme on le voit dans le reportage. Tout en mettant en garde contre les visées expansionnistes des pays limitrophes, le général de Gaulle envisage la possibilité d'une consultation populaire sur le statut du territoire dans son discours devant l'assemblée territoriale, sans en préciser le calendrier. Il entend surtout rester maître de la politique de décolonisation et il précise qu'il agira conformément aux dispositions de la Constitution française pour envisager un référendum qu'il ne souhaite pas placer sous le contrôle de l'ONU.

Bénédicte Brunet-La Ruche

Transcription

(Musique)
Inconnu 1
Nous voulons nous gouverner entre nous, et nous voulons notre indépendance immédiatement.
Journaliste
Vous pensez qu’elle a les ressources suffisantes pour vivre indépendante ?
Inconnu 2
Très suffisant, c’est très suffisant. Oui, je veux rejoindre la République de Somalie.
Journaliste
Ah, vous, vous voulez rejoindre la République de Somalie ?
Inconnu 2
Attachés, attachés à la République France de Somalie [ incompris ] On est en Somalie.
Journaliste
Et l’Ethiopie, est-ce que vous seriez d’accord ?
Inconnus
Non !
(Bruit)
Inconnu
Non, on est Somalie.
(Bruit)
Charles (de) Gaulle
Je vous demande de croire qu’en venant ici, je suis peut-être le moins surpris de tous, de ce qu’il a été constaté à certains égards, et vous savez de quoi je parle. Les pancartes que nous avons pu lire et les agitations de ceux qui les portaient ne suffisent certainement pas à manifester la volonté démocratique du territoire français d’ici. Il est possible qu’un jour vienne ou par la voie démocratique, le territoire exprime un avis différent de celui qu’il exprima jusqu’à présent, du reste, la constitution le prévoit. Et en outre, le territoire est doté d’éléments représentatifs qui, s’ils le jugeaient nécessaire, pourraient intervenir dans ce sens. J’ai nommé le conseil de gouvernement et j’ai nommé votre Assemblée. Si donc un jour, tout peut s’imaginer par la voie régulière et démocratique, le territoire exprimait un avis nouveau en ce qui concerne son destin ; la France en prendrait acte, comme elle a pris acte de ce qui fut exprimé quand elle a interrogé votre territoire sur son sort.