Le retour au Maroc du sultan Mohammed Ben Youssef

18 novembre 1955
01m 52s
Réf. 00167

Notice

Résumé :

Le 16 novembre 1955, Mohammed Ben Youssef rentre au Maroc après deux années d'exil.

Date de diffusion :
18 novembre 1955
Source :
Lieux :

Éclairage

Dans un Maroc agité par la contestation nationaliste, les Français se sont résolus à se débarrasser du très impopulaire Mohammed Ben Arafa. Celui que les Marocains considèrent comme un usurpateur abdique le 1er octobre 1955. À la fin du même mois, le pacha Thami El-Glaoui, qui avait pris la tête des conjurés de 1953, se soumet à Mohammed Ben Youssef en exil à Madagascar. Plus rien ne semble s'opposer au règlement de la question marocaine et au retour du souverain proscrit. Les accords de La Celle-Saint-Cloud, signés le 5 novembre, prévoient l'accès du pays au statut d'État indépendant, « uni à la France par des liens permanents d'une interdépendance librement définie et consentie ». C'est cette fiction d'une interdépendance que le reportage des Actualités françaises s'emploie à faire vivre. Le 16 novembre, Mohammed Ben Youssef atterrit à Rabat « après deux années d'absence », selon les mots pudiques du commentateur qui ne s'attarde guère sur les circonstances de la déposition du sultan. Il insiste, au contraire, sur l'amitié le liant à la France qui a affrété l'appareil et organisé l'escorte militaire. S'agit-il de faire oublier que le pays fut le principal instigateur de son éviction ? Sur place, la famille royale est accueillie par une marée humaine qui brandit le portrait du sultan martyr, devenu une icône de la résistance au colonisateur. Le résident général André Dubois venu l'accueillir à l'aéroport est quasiment noyé par une population enthousiaste qui déborde le service d'ordre et fait peu de cas du nouveau représentant de la France. Au sein d'une foule essentiellement masculine, se distinguent quelques figures de femmes, dont un groupe debout sur le toit d'un bus. Mohammed Ben Youssef a choisi d'arborer un tarbouche watani et une djellaba de couleur à la place du vêtement sultanien blanc. Cette posture de simplicité ne peut que contraster avec celle d'un Mohammed Ben Arafa constamment préoccupé d'imposer une légitimité contestée. Si la djellaba du sultan s'ouvre sur une chemise et une cravate, la dominante du costume est bien maghrébine, quand le prince héritier Hassan et son frère Abdallah allient habit européen et fez : plus que d'une opposition, il importer de parler d'une « complémentarité symbolique » soigneusement travaillée, comme a pu le montrer l'historien Omar Carlier.

Morgan Corriou

Transcription

(Musique)
Journaliste
C’est en souverain que Sidi Mohammed ben Youssef, redevenu Mohamed V sultan du Maroc a quitté la France pour retrouver son trône après deux années d’absence. Accompagné de ses fils, le sultan a pris l’avion mis à sa disposition par le gouvernement français ; après avoir remercié le peuple français de son accueil et affirmé la continuité de l’amitié franco-marocaine.
(Bruit)
Journaliste
L’avion escorté par une escadrille de chasseurs s’est passé sur l’aérodrome de Salé dans une atmosphère d’allégresse générale. Au milieu des acclamations, le sultan a été accueilli par le nouveau résident, Monsieur André Dubois. Aussitôt après, il était comme assailli par une vague de fidèles et c’est porté par une houle humaine que le souverain a pu parvenir jusqu’à sa voiture.
(Bruit)
Journaliste
Tout le long des six kilomètres qui séparent Salé du palais de Rabat, 600 000 Marocains peut-être ; contenus à grand peine par le service d’ordre des partis politiques, ont fêté leur seigneur retrouvé une ovation frénétique.
(Bruit)
Journaliste
Les ovations n’ont pas cessé jusqu’aux portes du palais, où le sultan est rentré après 817 jours d’exil ; après avoir salué son peuple d’une estrade dressée sur la place du Méchouar, où se pressaient peut-être 50 000 Marocains.
(Bruit)
Journaliste
Quelques heures plus tard, Monsieur André Dubois rendait visite au souverain. Visite au cours de laquelle le souverain et le résident devaient formuler des vœux d’avenir pour un Maroc indépendant ; uni à la France par les liens permanents d’une interdépendance librement consentie. L’histoire ouvre une page nouvelle.
(Musique)