Guerre en Indochine, contre offensive du nord Vietnam et reprise du fort de Da Phuc

11 janvier 1951
01m 21s
Réf. 00172

Notice

Résumé :

En Indochine, au nord Tonkin, les troupes françaises sont passées à l'attaque et ont reconquis le fort de Da Phuc.

Date de diffusion :
11 janvier 1951
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Éclairage

Longtemps différée, l'évacuation de Cao Bang tourne au désastre. La première bataille d'envergure livrée par le Viêt-Minh est un succès. Le Commandement français n'a pas su anticiper l'abandon de la guérilla par les troupes adverses qui bénéficient désormais de l'appui chinois. Les pertes sont lourdes et le contrôle de la frontière chinoise abandonné au Viêt-Minh. En métropole, l'écho de la défaite réveille l'opinion et met à nu les contradictions militaires et politiques qui minent la gestion du conflit.

Jean Letourneau conserve la responsabilité de la politique indochinoise. De Lattre remplace Carpentier avec pour mission de rendre effective l'indépendance des Etats associés, de développer l'armée vietnamienne et de rétablir la situation militaire.

Giap poursuit son offensive avec Hanoï en point de mire. Son dispositif cherche à étirer les forces du corps expéditionnaire entre l'extrémité orientale du delta et son cœur. C'est là, autour de Tam Dao, que du 26 au 29 décembre, chaque nuit, dix bataillons de réguliers viêtminh attaquent les principaux postes périphériques du dispositif de défense d'Hanoi. Deux sont submergés et partiellement détruits : Yen Phu et Da Phuc

De Lattre rejette l'option du repli sur le réduit cochinchinois et entreprend de défendre le delta du Tonkin. Parallèlement, il tente d'impliquer l'opinion métropolitaine en communiquant sur le delta « verrou de l'Asie du Sud-Est » face à la déferlante communiste.

A l'aide des images dont elle dispose, la rédaction des Actualités françaises choisit de rendre compte de l'ampleur nouvelle des offensives viêtminh en prenant l'exemple du poste de Da Phuc, brièvement perdu, puis repris par les colonnes envoyées à son secours.

Le récit s'organise en trois temps. Une série de plans larges de chars et de mitrailleuses lourdes en progression ou en action manifestent la puissance militaire et donc la supériorité du corps expéditionnaire dont découle la reprise du fort (38''). Les plans rapprochés sur les destructions matérielles et les pertes humaines soulignent la violence de l'assaut et suggèrent l'héroïsme de la résistance opposée aux troupes viêtminh (33''). Les plans serrés sur les tombes puis sur les inscriptions de deux des croix qui les surmontent : « parachutiste Nguyen Van Hung, tué à l'ennemi le 26/12/50 », « sergent Hénaff, tué à l'ennemi le 26/12/50 » témoignent de l'engagement des vietnamiens au côté de la France. Nommés, les soldats morts sortent de l'anonymat des communiqués de guerre, tentent de briser l'indifférence de l'opinion publique métropolitaine à l'égard d'un corps expéditionnaire souvent assimilé à une troupe mercenaire. Le plan d'ensemble sur le fort, à nouveau tenu, à nouveau armé, puis les plans de bombardements aériens permettent de clore le sujet sur la reconquête entreprise grâce à la suprématie aérienne qui reste l'apanage du corps expéditionnaire (20 »'').

Ce sujet est caractéristique d'un basculement de la représentation du conflit. Celle-ci opère sous la pression conjuguée des événements et de la stratégie médiatique du général de Lattre le passage de guérilla à la guerre ouverte.

C'est pourquoi, à l'image, les ruptures sont fortes.

Le conflit change d'échelle. L'intensité des engagements croit : chars, artillerie lourde et aviation de bombardement remplacent mitrailleuses, mortiers et blindés légers. Leur ampleur change : des combats limités cèdent la place à des affrontements régionaux. Leur géographie se modifie : la Cochinchine et la plaine des joncs s'effacent devant les paysages du Tonkin.

La précarité de la position française est désormais admise voire revendiquée. Les plans de destructions, de souffrance de la population vietnamienne et du corps expéditionnaire entrent dans le champ. Exceptionnellement, les morts, français et vietnamiens, prennent corps. Des périls désormais révélés, De Lattre espère une mobilisation de l'opinion métropolitaine.

Le commentaire, lui, travaille dans un registre plus ambigu. Il consacre le changement de statut du conflit (« pertes cruelles », « nouvelle phase » mais en renouant avec l'héroïsation des défenseurs. Il admet le recul (« plusieurs mois de retraite ») pour mieux souligner la reprise de l'offensive.

La tonalité change, le contrôle de la représentation demeure.

Pascal Pinoteau