Conférence sur l'Algérie de Messieurs Mollet, Pineau et Lacoste

21 mars 1956
55s
Réf. 00216

Notice

Résumé :

En mars 1956, MM. Mollet, Pineau et Lacoste tiennent une conférence de presse pour annoncer un durcissement de la politique algérienne, avec l'envoi de renforts militaires.

Date de diffusion :
21 mars 1956

Éclairage

Dans son discours d'investiture du 1er février 1956, Guy Mollet affirme que "l'objectif de la France (…) est, avant tout, de rétablir la paix et d'obtenir que cessent le terrorisme et la répression aveugle". Cependant, un mois après l'épisode des tomates d'Alger (6 février), son programme "cessez-le-feu, élections, négociations" ne répond plus à une logique de paix. Le FLN n'accepte pas de faire taire les armes : il n'est pas question d'un cessez-le-feu. Surtout, le FLN ne peut accepter un plan qui n'envisage pas l'indépendance. On évoque alors une intégration assortie de solutions fédérales. Le vote de la loi des "pouvoirs spéciaux", le 12 mars 1956, aggrave la situation.

Requis par Robert Lacoste, résident à Alger, pour faire face à une recrudescence terroriste, ces pouvoirs doivent permettre de développer une politique double : réforme et répression. Mais, fort de l'autorité discrétionnaire qu'ils lui confèrent, Robert Lacoste en use d'abord pour tenter de juguler l'insurrection. L'effort militaire prime. La logique de guerre domine et amène à l'augmentation des forces déployées en Algérie : 200 000 soldats début 1956, 400 000 en juillet. Un choix nécessaire pour "quadriller" systématiquement le terrain et vaincre l'adversaire. En mars-avril 1956, c'est ce choix que le gouvernement doit justifier auprès d'une opinion troublée par le coût de la guerre, par le maintien sous les drapeaux des classes 56 et 57, puis le rappel des classes 52, 53 et 54.

La première séquence présente trois acteurs de la politique algérienne : Guy Mollet, président du Conseil ; Christian Pineau, ministre des Affaires Étrangères et Robert Lacoste, ministre délégué résidant en Algérie. On ne saura rien de ce qui s'est dit entre eux, malgré la présence de "micros". Il s'agit moins d'informer que de présenter un gouvernement affairé et préoccupé par "des problèmes urgents". Deuxième étape : un attentat à Alger. Le montage privilégie les dégâts. Troisième temps : l'arrivée de renforts militaires met en exergue la résolution gouvernementale à "maintenir l'ordre".

Le sens de ce montage (gouvernement préoccupé - attentats aveugles - renforts militaires) est renforcé par l'opposition entre l'évocation de l'attentat (symbole de la violence terroriste) et un soldat rieur caressant un chien (emblème d'une attitude généreuse et innocente). Selon Benjamin Stora, ces images de guerre épousent la logique gouvernementale en opposant la figure du terroriste meurtrier à celle du soldat français pacificateur [B. Stora, La Gangrène et l'Oubli. La Mémoire de la guerre d'Algérie, Paris, La Découverte, 1991; Imaginaires de guerre. Algérie-Vietnam en France et aux Etats-Unis, Paris, La Découverte, 1997].

Philippe Tétart

Transcription

Commentateur
Devant les micros et les caméras, le président Guy Mollet a parlé avec Messieurs Christian Pineau, ministre des Affaires Etrangères, et Robert Lacoste, ministre résident en Algérie des problèmes urgents qui se posent à la nation et des solutions qu'il pense y apporter. En premier lieu, la question qui domine est l'Algérie. On sait qu'en plein centre d'Alger un grand garage a été incendié avec une trentaine des deux cent voitures qui s'y trouvaient. Il a fallu évacuer les habitants des dix étages de l'immeuble.
(Silence)
Commentateur
On sait également que les premières mesures décidées par le gouvernement sont en cours d'exécution. Déjà, les renforts arrivent à Alger. Un pont aérien va être établi, qui poursuivra sans discontinuité ce transfert de forces. Il s'agit avant tout de maintenir l'ordre sans lequel il n'y aura ni réconciliation, ni pacification ; c'est la volonté affirmée du gouvernement.