La 52e Cie divisionnaire en Algérie - Film d'Henri Frigoul

1961
32m 29s
Réf. 01027

Notice

Résumé :

Officier d'active du Service du Matériel, le sous-lieutenant Henri Frigoul est affecté à la 52e CRDI, la Compagnie de réparation divisionnaire d'infanterie, en Algérie, en juillet 1961. A la tête de la 3e section, stationnée à Blandan, il a filmé ses hommes, leurs installations et leurs missions.

Type de média :
Date d'événement :
1961
Personnalité(s) :

Éclairage

Henri Frigoul est né le 4 janvier 1933. L'Occupation est une période importante de son éducation. Il vit dans un milieu pacifiste mais aussi très patriotique : son frère aîné est prisonnier, ses parents cachent un jeune Juif. En 1944, le décès de sa mère précipite son entrée à l'école des enfants de troupe où il y reste jusqu'à 18 ans, passe son bac et s'engage dans l'armée pour 5 ans au titre du paiement de la scolarité. Il part en Indochine comme sergent et revient en 1954. Il est ensuite affecté au 3e Régiment d'infanterie coloniale (3e RIC), se marie en 1957 et décide d'effectuer une école d'officier dans une spécialité technique. Il est envoyé en Algérie avec son régiment le 1er juin 1961 à la frontière tunisienne (zone nord), à Blandan comme sous-lieutenant, à la 3e section de réparation de matériel de la 52e Cie divisionnaire d'infanterie. Il y reste jusqu'au 25 novembre 1962 où il rejoint l'école des sports de Joinville. Il quitte l'armée en 1977.

Lorsque sa fille naît en 1957, Henri Frigoul vend sa Vespa pour acheter une Bolex 8mm et une machine à coudre pour sa femme, couturière, qui monte son affaire. Il n'a cependant jamais eu un goût prononcé pour le cinéma. Lorsqu'il est en internat aux enfants de troupe, il y va une fois par semaine mais n'a gardé aucun souvenir des films qu'il a vus.

Le film de Henri Frigoul est un des rares documents monté. On voit que l'opérateur maîtrise le cadrage. Depuis 1957, il pratique le film de famille. Dès le début de son séjour algérien, il s'est rendu compte qu'il pouvait faire un récit sur l'activité de sa section et utilise sa caméra avec ce projet de départ. Cela se sent à travers la justesse des cadrages. Ce n'est que de retour d'Algérie qu'il va monter les bobinos à partir des conseils qu'il trouve dans la revue éditée pour les cinéastes amateurs Cinéma pratique, à laquelle il est abonné. Le montage est chronologique, seuls les plans « non visionnables » sont éliminés (surexposition, bougé...). Une voix off a été rajoutée au moment où il fait don de son film à l'ECPAD en 1999. Henri Frigoul adopte un regard essentiellement documentaire sur les ateliers de réparation qu'il dirige et les missions de sa section. Les plans s'enchaînent chronologiquement, même s'ils n'ont pas été pris dans l'ordre : la réparation de camions, de tanks, la livraison du matériel réparé, le remontage d'un moteur, le dépannage d'un halftrack embourbé, la réparation d'un phare sur un poste d'observation, le démontage des bâtiments de la section après les accords d'Evian... Une véritable fiction dans un film qui se donne à voir comme un documentaire. Même dispositif lorsqu'il prend le temps de filmer le paysage depuis son camion qui défile le long de la ligne Morice. La voix off informative devient politique lorsque Henri Frigoul introduit, à la fin de son film, sur les images de liesse populaire au moment des accords d'Evian, des réflexions a posteriori sur l'issue de la guerre, une première mise en mémoire de son vécu : « Que seront les prochains jours pour ceux qui ont suivi l'armée française ? » Sa réflexion se teinte d'amertume dans la séquence du démontage des ateliers de réparation : « Nous étions des démolisseurs alors que nous étions ici pour construire ».

Jean-Pierre Bertin-Maghit

Transcription

(Silence)
Henri Frigoul
Officier d'active du Service du Matériel, sous-lieutenant, 10eme promotion Fontainebleau. Dès la fin mon implication dans la spécialité auto-char, j'embarquait sur l' El Gezair avec d'autres camarades à Marseille pour l'Algérie, le 1er juin 1961.
(Silence)
Henri Frigoul
24 heures après notre départ nous débarquions à Alger.
(Silence)
Henri Frigoul
Sans me laisser le loisir de visiter les villes traversées, la direction du matériel m'affectait à la 52eme compagnie de réparation divisionnaire d'infanterie.
(Silence)
Henri Frigoul
Après quelques jours au PC de la compagnie à [Saint-Paul] près de Bône, le capitaine [Boyou] m'affectait à la 3eme section stationnée à Blandan.
(Silence)
Henri Frigoul
Blandan est située au centre du dispositif de surveillance de la frontière Algéro-tunisienne dans la zone nord.
(Silence)
Henri Frigoul
Cette zone etait délimitée à l'avant par un barrage electrifié et à l'arrière par un autre barrage electrifié appellé la ligne Maurice.
(Silence)
Henri Frigoul
Les deux barrages sont constitués de réseaux de barbelés étendus sur 320 kilomètres, alimentés par un courant de 320 000 volts.
(Silence)
Henri Frigoul
La surveillance de la zone est exercée par les troupes soit en poste fixe, soit par opération commando. Elle est complétée par de opérations aériennes de bombardement ou d'observation. Ma section était chargée de soutien technique du 3eme échelon des unités combattantes stationnées dans la zone avant du barrage. Chasseurs alpin du 11e et 12e bataillon stationné à l Calle et à Blandan, Cavaliers du 21e régiment de spahis du Tarf, le peloton du 4e Cuir stationné à [Lacroix] plus une section de génie electro-mécanicien avec leurs phares de 60 pouces. L'effectif de ma section s'élevait à environ 50 hommes du contingent dont des français de souche nord africaine plus 5 à 7 sous-officiers.
(Silence)
Henri Frigoul
Stationnée sur un mamelon, ancien cimetière, la section comporte un atelier de réparation véhicules blindés et de véhicules à roues, Un atelier electro-mécanique, un magasin d'approvisionnement en rechange, des camions atelier et des lots d'outillages spcécialisés plus des batiments en parpaing pour la servitude. Le tout construit pas nos soins. Auparavent, la section se trouvait sous des tentes.
(Silence)
Henri Frigoul
La réparation du char M24 du 4e cuir est terminée.
(Silence)
Henri Frigoul
Les tests sur le terrain sont concluants.
(Silence)
Henri Frigoul
L'adjudant [camiloorie] et sont équipe vont livrer un matériel à domicile. 50 Kilomètres de route étroite et escarpée le long du barrage sous les vues de l'adversaire. Comment faire autrement ? Ce travail n'empĉhe pas le plaisir de se retrouver autour d'un petit festin improvisé. Confectionné avec les moyens du bord grace à l'amabilité de nos amis légionnaires. L'adjudant-chef [Roussel] et l'adjudant [Joufrou] apprécient ce moment de détente.
(Silence)
Henri Frigoul
La mission continue. Il s'agit de récuperer un nouveau char à réparer. L'adjudant [camiloorie] et son équipe se chargent de l'opération.
(Silence)
Henri Frigoul
L'équipe, en dehors de notre spécialiste du contingent, se compose des militaires de la classe libérable auquels j'accorde à titre de récompense un petit voyage touristique.
(Silence)
Henri Frigoul
La casquette du général Bigeard est de mise. Les paras ont fait des émules.
(Silence)
Henri Frigoul
Retour de mission au petit matin. Nous espérons que cette route sous les vues adverses aura été dégagée de tout danger par nos cavaliers. Malgré sa masse notre attelage, cible de choix, n'a jamais donné lieu à d'incidents. Certainement chacun avait d'autres préoccupations à l'heure de nos passages le long de la frontière parmis la population qui s'affaire elle aussi.
(Silence)
Henri Frigoul
Nous voici de retour à Blandan. Comme chacun le sait, le char à une tourelle. Ce sont l'adjudant [Trémou] et son adjoint du contingent qui se chargent de la réparation. La manipulation de la tourelle à l'aide d'engins de levage [vréken], 4 tonnes et 10 tonnes, est délicate. Mais nous avons à faire à des spécialistes chevronnés sans peur.
(Silence)
Henri Frigoul
Après un coup de sirocco qui nous emporté quelques installations légères et quelques toits, notre mission nous incombe. La réparation des phares de 60 pouces qui couplés à des radars, sont les yeux des combattants en observation de nuit pour tenter de déceller les franchissements du barrage par des groupes ou des individus de l'armée de libération algérienne.
(Silence)
Henri Frigoul
Dès que l'incident technique sur les phares se produit, l'équipe de l'adjudant-chef [Roussel] ou de l'adjudant [Blaise] se porte de jour comme de nuit au secours du poste devenu aveugle.
(Silence)
Henri Frigoul
C'est souvent que nos phares sont la cible des feux adverses et pour cause.
(Silence)
Henri Frigoul
Pendant la réparation, la surveillance de la frontière tunisienne continue.
(Silence)
Henri Frigoul
Dimanche, jour de repos mérité, chacun vaque à ses occupations mais toujours prêt à réagir.
(Silence)
Henri Frigoul
Les cavaliers du 21e régiment de spahis, cette fois nous ont réservé une surprise. Ils ont planté un [afftruck] en plein milieu d'un lac. Il a fallut plusieurs heures avec nos moyens de traction et de levage, ainsi que toute notre science dans la manoeuvre de forces pour les sortir de ce mauvais pas.
(Silence)
Henri Frigoul
L'eau est aussi utile pour éteindre l'incendie d'un gourbis. Notre citerne arrive trop tard. On distribue le restant d'eau.
(Silence)
Henri Frigoul
Nous devons assurer une autre mission : evacuer les véhicules irréparables par nos soins vers l'établissement du matériel de Bône. Nos véhicules tracteurs sont de la partie. C'est le petit train hebdomadaire.
(Silence)
Henri Frigoul
La vie continue selon son rythme mais nous sommes en 1962. Les pour-parlers d'Evian sont en cours. Il nous faut évacuer les phares plantés sur les postes frontaliers, ceci en deux phases :
(Silence)
Henri Frigoul
D'abord le groupe electrogène d'alimentation du phare.
(Silence)
Henri Frigoul
Le calme règne, la population est dans l'attente de la suite des évènements comme nous.
(Silence)
Henri Frigoul
Puis vient le moment d'évacuer le phare grâce à la banane. C'est l'adjudant [Blaise] qui est chargé de ce travail sur le poste de [Room el Souk] tenu par les légionnaires, la 13e division blindée de la légion étrangère.
(Silence)
Henri Frigoul
Au cours des combats, ce poste situé en avant du barrage, dans une zone à risque, n'était dépanné que la nuit.
(Silence)
Henri Frigoul
Après les accords d'Evian, la population indigène manisfeste sa joie dans l'exitation. Que seront les prochains jours pour ceux qui ont suivis l'armée française ?
(Silence)
Henri Frigoul
le 12e BCA opère l'évacuation de ses troupes nord africaines autant qu'il se peut dans la confusion générale. Ceux qui choisissent de rester sur place, prennent le risque de disparaitre.
(Silence)
Henri Frigoul
A un moment, les manifestants entourent ma section sans incident.
(Silence)
Henri Frigoul
Il faut évacuer avec une certaine amertume et un sentiment de frustration. Ma section n'est plus que l'ombre d'elle-même. Nous sommes des démolisseurs alors que nous étions ici pour construire.
(Silence)
Henri Frigoul
Le démontage des batiments s'effectue sous le jet des pierres de la population. Pour la première fois nous allons utiliser nos armes si nécessaire. Mais après une explication avec l'ANL et avec son accord nous continuons à démonter la section jusqu'a son évacuation complète et sans problème.
(Silence)
Henri Frigoul
Nous jetons un dernier regard sur notre drapeau qui sera emmené le jour de notre départ à la fermeture du convoi du 12e BCA.
(Silence)