Algérie 1960 - Film de Francis Lemaître [muet]

1960
35m 08s
Réf. 01028

Notice

Résumé :

Les images de ce film ont été tournées par Francis Lemaître, officier de réserve en Algérie en 1960-1961. Chef de peloton, il a utilisé sa camera Brownie Kodak 8 mm pour filmer divers moments de son service armé dans le Constantinois.

Type de média :
Date d'événement :
1960
Personnalité(s) :

Éclairage

Francis Lemaître est né le 25 décembre 1935. Il a vécu dans une famille de commerçants. Son père tenait une quincaillerie dans un bourg d'Eure-et-Loir et sa mère, sans profession, aidait quand c'était nécessaire l'entreprise familiale. Après son bac, il est entré à l'ESSEC, une école supérieure de gestion. À la fin de son sursis, Francis Lemaître a 23 ans lorsqu'il est appelé en décembre 1958. Envoyé directement en Algérie, il fait ses classes pendant 4 mois à Fort-de-l'Eau, dans un centre d'instruction de « blindé cavalerie ». Après avoir suivi les E.O.R., il part à Saumur jusqu'en octobre 1959 où il ressort avec le grade d'aspirant. Il revient en Algérie pendant 3 semaines à Arzew, près d'Oran, pour suivre un stage de préparation psychologique à l'Algérie. Il est ensuite affecté à la frontière tunisienne pendant 4 mois au 1er Régiment blindé d'infanterie de marine (1er RBIMA) puis au 5e bureau jusqu'à la fin 1960.

Francis Lemaître a eu très tôt le goût de l'image. A 10, 12 ans, il se fait offrir un appareil photographique. Il achète sa caméra, une Brownie Kodak, à l'occasion d'un voyage qu'il effectue en 1958 au Pérou à la suite de son diplôme d'ingénieur. C'est à l'occasion de son deuxième séjour en Algérie, après avoir fini ses classes et sa préparation psychologique qu'il prend son appareil photo et sa caméra. Il choisit l'un ou l'autre en fonction du sujet.

Le film de Francis Lemaître est constitué de bobinos mis bout à bout. Seule la moitié des images tournées a été conservée. Si, dans le choix initial, les défauts techniques du tournage ont été supprimés, le film est marqué aujourd'hui par les souillures du temps et présente des couleurs délavées. Deux thématiques se dégagent de l'ensemble ; le regard porté sur les autres, les musulmans (nombreuses scènes d'animation des oasis de Negrine, de Ferkane et des rues de Tébessa), et « la pacification » (les activités du 1er RBIMA et du 5e bureau : départ de patrouille, tir de canon, regroupement de population, mission de pacification...), à l'exception de deux séquences de visite touristique dans les sites archéologiques de Timgad et de Djemila. Officier, il pouvait demander à son chauffeur de prendre la jeep et de l'amener se promener dans les Aurès.

Ce film permet d'appréhender une autre réalité du conflit, sa face cachée, son contrechamp dans lequel se trouvent les hommes de troupe qui sont partis pour l'Algérie afin de « maintenir l'ordre » et, en même temps, découvrir un pays qu'ils ne connaissaient pas. Une double réalité qui oriente le filmage documentaire de Francis Lemaître, cinéaste amateur. Les plans sur les populations des villes sont nombreux, ils traduisent la volonté du cinéaste de porter un regard attentif à l'autre. Néanmoins, derrière ce souci humaniste, une autre réalité s'invite dans l'image. Les cadrages, parfois sur des jeunes filles ou des femmes qui se cachent pour ne pas être filmées et les angles de prise de vues, souvent en plongée, donnent à voir un rapport de domination. La caméra de Francis Lemaître fait advenir alors les contrastes au sein de cette société coloniale algérienne, quelque chose de la tension existant entre le colonisé et le colonisateur. Son geste cinématographique exprime tout en même temps le rapprochement (son désir d'homme) et la distance (sa mission de soldat confronté à « la pacification »).

Jean-Pierre Bertin-Maghit