Félix Gaillard : la loi cadre pour l'Algérie

12 janvier 1958
03m 49s
Réf. 00067

Notice

Résumé :

À l'occasion d'un déplacement officiel à Confolens, dans le département de la Charente, Félix Gaillard prononce un discours sur sa politique algérienne, et plus particulièrement sur la loi-cadre qui doit être discutée prochainement par les parlementaires.

Date de diffusion :
12 janvier 1958
Personnalité(s) :

Éclairage

Combattu à gauche pour sa politique algérienne, à droite pour sa politique financière, le ministère Mollet est renversé le 28 mai 1957. Après les tentatives de René Pleven et Pierre Pflimlin, c'est à Maurice Bourgès-Maunoury qu'il revient de former un nouveau gouvernement, finalement investi le 12 juin 1957.

La pression internationale, particulièrement des Etats-Unis, incite la France à faire de nouvelles propositions politiques sur la question algérienne, d'autant plus que la prochaine session de l'Assemblée de l'ONU est programmée à l'automne. Robert Lacoste est donc incité à proposer un projet de loi-cadre qui doit servir de base aux débats parlementaires et doit faire la preuve sur la scène internationale des velléités réformatrices de la France. L'appartenance de l'Algérie à la France n'est en aucun cas remise en cause puisque l'article premier proclame « l'Algérie partie intégrante de la République française ». Parmi les principes défendus figurent un collège unique applicable à toutes les élections, un redécoupage territorial en cinq grandes régions selon une organisation décentralisée, coiffée par un conseil de gouvernement présidé par un représentant de la République. Un certain nombre de fonctions régaliennes, à savoir la diplomatie, la défense, la justice, l'enseignement (secondaire et supérieur), la douane, seraient toujours gérées par Paris. Le texte finalement peu novateur, hormis dans ses appellations, laisse perplexe à l'exception des ultras, inquiets de voir brader l'Algérie française. Le texte est finalement rejeté le 30 septembre 1957 (279 voix contre 253), ce qui oblige le président du Conseil à présenter sa démission.

Après une longue crise ministérielle, typique de la IVe République, le radical Félix Gaillard est finalement investi le 7 novembre 1957. Il replace sur le métier le projet de loi-cadre pour l'Algérie. Le texte est encore moins novateur que le premier, et ajoute des Conseils des communautés où les Français d'Algérie ont une place égale à celle des musulmans et peuvent alors stopper une mesure qui leur serait défavorable. Cette configuration permet de contourner la mise en place d'un collège unique qui avait effrayé nombre de partisans de l'Algérie française. Dans le journal du FLN, El Moudjahid, le CCE (Comité de coordination et d'exécution) estime que cette loi-cadre est « en deçà du statut de 1947, de la loi de 1919 et des textes organiques instituant en 1900 l'autonomie financière de l'Algérie » (cité par Achour Cheurfi, Dictionnaire de la révolution algérienne 1954-1962, Alger, Casbah éditions, 2004, p.220)

Le texte est définitivement adopté le 31 janvier 1958 et promulgué le 5 février 1958.

Peggy Derder

Transcription

Félix Gaillard
Si vous hésitiez devant cette discipline pour votre propre profit, ne devriez-vous pas la consentir sans hésiter, l’exiger, même, de ceux qui gouvernent et qui légifèrent, en pensant à nos jeunes gens, qui, avec un courage tranquille et admirable, une patience et une modération que la déloyauté de l’adversaire met à rude épreuve, accomplissent là-bas leur devoir. Je les salue, ces jeunes gens, avec émotion et avec fierté. Non pas seulement parce qu’ils accomplissent vaillamment un devoir guerrier, mais surtout parce qu’ils savent rétablir, sans violence inutile, une paix et un ordre dont les premiers bénéficiaires sont précisément ces populations musulmanes qui, hier, combattaient à nos côtés pour la libération de la métropole contre les nazis, et qui sont, aujourd’hui presque les seules victimes d’une nouvelle forme de fanatisme racial et religieux. Ceux qui pensent que, grâce à l’effort militaire de la France, il sera possible de rétablir, en Algérie, l’état de choses qui existait autrefois, préparent tout autant que ceux qui veulent purement et simplement l’abandonner, la perte de ce territoire si intimement lié à notre affection. L’effort de pacification conduit par le gouvernement français, n’a pas, n’a jamais eu et ne peut pas avoir un tel but. S’il a pour objet que l’Algérie reste à jamais française, il doit également permettre d’appliquer là-bas les réformes libérales auxquelles ont droit les différentes collectivités sur le plan politique, économique et social. La loi-cadre pour l’Algérie, que le conseil de la République doit discuter cette semaine, est, comme son nom l’indique, le cadre et l’instrument de cette volonté. Votée sans équivoque par l’Assemblée, après un grand et noble débat qui lui fait honneur, elle doit être votée d’une manière définitive de toute urgence. Le gouvernement est impatient, pour sa part, d’en commencer l’application. Il est des moments, nous le sentons tous, où le destin semble arrêter ses chevaux et hésiter entre deux routes. Un tel moment est venu pour l’Algérie. Il dépend de notre détermination et de notre promptitude que la route de l’Algérie soit celle de la France. Je supplie que rien ne diffère la volonté d’agir qui anime le gouvernement.
(Bruit)