Askri - anciens combattants algériens

1952
12m 25s
Réf. 00069

Notice

Résumé :

Ce film consacré aux anciens combattants algériens propose une rétrospective des combats les plus importants auxquels ils ont participé lors de la Seconde Guerre mondiale. Il expose ensuite, à travers l'exemple de quelques vétérans, les droits qu'ils ont acquis : licences spéciales pour ouvrir des cafés ; décorations militaires ; pensions de guerre ; dispensaires et centres pour invalides et mutilés ; école militaire pour leurs enfants.

Date de diffusion :
1952
Source :

Éclairage

Fonctionnant sous l'égide d'une association créée en 1936 par le maréchal Franchet d'Espérey, « les Amitiés africaines », les Dar el Askri (« Maison du combattant ») servent en même temps à l'entraide militaire envers les anciens combattants algériens (en leur proposant une pension, un emploi réservé ou un logement prioritaire) et à l'image prestigieuse de l'ancien combattant des deux premiers conflits mondiaux au service de la France lors de cours d'instruction civique, de défilés ou par le biais de la propagande comme dans ce film. Après 1945 (voir le sujet des Actualités françaises « Pour nos soldats musulmans » sur les soldats blessés), le rappel du rôle des anciens combattants nord-africains sert à mettre en valeur cet engagement pour la France afin d'endiguer la montée du nationalisme, d'une part, et de favoriser le recrutement pour la guerre d'Indochine, d'autre part. La création des Dar el Askri est donc effective avant la guerre d'Algérie, mais c'est à partir de 1957 (avec le développement de l'action psychologique et des 5e bureaux) que ces foyers se développent au plus près de la population au sein des petites villes et des bleds (il y en aura une centaine) afin de lutter contre le FLN et l'ALN.

Ce court métrage de 12 minutes, dont le titre signifie « Combattant » en arabe, a été réalisé par Philippe Este des Actualités françaises (ici la société de production, et non le titre des actualités filmées) pour le compte du service cinématographique du gouvernement général de l'Algérie. Il est destiné en particulier aux anciens combattants, comme le prouve l'adresse directe au spectateur dès les premières phrases : « Vieux soldat, crois-tu que dans la vie qui s'ouvre devant toi, tout cela [la camaraderie, l'entraide militaire, etc.] t'abandonne ? Loin de là ». S'ensuit la présentation des emplois réservés aux anciens combattants par l'administration française pour « les services rendus à la patrie commune » ; puis, sur des images d'hommes souriants, le rappel de « la peine et la gloire des dures heures de l'armée ». A la douce musique initiale succède alors une musique guerrière accompagnant les images d'archives des campagnes de Tunisie, d'Italie, de France et d'Allemagne, avant le défilé des Champs-Elysées. La question centrale est dès lors la suivante : « Les a-t-on oubliés, ces compagnons de peine et de gloire ? » La réponse est bien sûr négative, et la seconde partie du film, sur fond de musique jazz, montre comment prothèses et pensions sont fournies par l'administration. Le passé glorieux de ces anciens militaires sert en fait à justifier, dans le discours de ce film, le lien indissoluble entre la France (représentée par le président de la République, Vincent Auriol) et l'Algérie, ces grands anciens incarnant la nécessité de rester liés à la France alors que le mouvement indépendantiste algérien monte en puissance depuis 1945. Mêlant souvenir de l'Armée d'Afrique et armée actuelle, le film se termine sur une fantasia tandis que le speaker insiste sur ces hommes qui demeurent « les soldats de la France ». Or ces anciens, dont le texte met en avant le « mouvement commun de loyalisme », et notamment ceux ayant été faits caïds ou bachagas, seront considérés comme des traîtres par les indépendantistes et fréquemment exécutés pendant la guerre d'Algérie.

Sébastien Denis

Transcription

Journaliste
ou anciens combattants musulmans, elle forme, aujourd’hui, ce qui sera, demain, l’une des élites du pays, au même titre que leurs pères le sont ou le furent.
(Musique)
Journaliste
C’est toujours avec peine qu’on abandonne les vieux camarades, ceux qui vous ont accompagné au cours de longues années, aujourd’hui, pleines de souvenirs. C’est toujours avec regret que le vieux soldat quitte la caserne aux murs nus, la cour pelée, et ces coups de clairon qui ont, pendant des années, rythmé sa vie. Vieux soldat, crois-tu que dans la nouvelle vie qui s’ouvre devant toi, tout cela t’abandonne ? Loin de là. Dans ton pays, dans nombre de cas, l’Administration t'a permis d’ouvrir un café maure ; à moins qu’elle ne t’ait confié un de ces autres emplois qu’elle réserve pour récompenser les anciens militaires musulmans des services rendus à la patrie commune. Et là, chaque jour, avec les vieux amis retrouvés, on te rencontrera, remémorant les anciens jours, la peine et la gloire des dures heures de l’armée. Comme toi, ceux que tu retrouves ici se souviennent. Ils furent, sinon au même lieu, du moins au même péril. Presque tous, tu les as vus après la campagne de Tunisie, sur les plages napolitaines, en 1942. Presque tous, tu les as retrouvés au passage, désormais célèbre, du Garigliano. Celui-ci, il a pataugé à tes côtés dans la boue d’Italie. Ceux-là, ils ont fait partie, avec toi, de ce que les alliés, devant nos mulets infatigables, et leur mécanique rendue inutile par la montagne, ont nommé, d’un mot drôle, la Royal Brel Force.
(Bruit)
Journaliste
Ensemble, vous vous rappelez cette dure bataille de pics, aux approches de Cassino. Ces sommets qu’il fallait prendre un par un…
(Bruit)
Journaliste
Sous les yeux du chef qui est, aujourd’hui, le maréchal Juin, notre compatriote algérien, cette formidable bataille, dont les bruits ont rempli les échos du monde entier. N’importe où, aujourd’hui encore, on se tourne vers celui qui peut dire : « J’étais à Cassino ». Ensemble, vous pouvez vous rappeler le grandiose défilé de Rome.
(Musique)
Journaliste
Ensemble encore, vous pouvez rappeler les heures du Débarquement sur les côtes de Provence.
(Musique)
Journaliste
Vous pouvez rappeler cette extraordinaire traversée de la France à la poursuite d’un ennemi en fuite mais aux réactions brutales.
(Bruit)
Journaliste
Strasbourg, heureuse au milieu d’une Alsace délivrée.
(Musique)
Journaliste
Et c’est là que le général Eisenhower salua vos drapeaux, qu'avait entraînés le général Delattre.
(Musique)
Journaliste
Et puis, le pont de Kehl, le passage du Rhin. L’hiver et la neige des routes allemandes. La Forêt-Noire. Et ces villes qui tombaient les unes après les autres, et où, à votre approche, sortaient des fenêtres, des flammes ou des drapeaux blancs. C’était la victoire chèrement disputée, chèrement gagnée, mais la victoire. Et vous êtes quelques-uns à vous rappeler, comme d’autres se rappellent les grandes heures de 1918, cette grande journée où l’armée d’Afrique, au milieu des acclamations du peuple de France, descendit les Champs-Élysées.
(Musique)
(Silence)
Journaliste
Les a-t-on oubliés, tes compagnons de peine et de gloire ? N’ont-ils reçu pour récompense que le soleil des Champs-Élysées ? Non, l’ancien soldat n’est pas seul dans la vie. Et il n’est pas oublié. Justement, on vient d’apprendre qu’Ahmed, nommé caïd au titre des Anciens Combattants, vient de recevoir la Légion d’honneur. Justement, l’ami, qui revient d’Alger, rapporte des nouvelles d’Ahmed, le grand blessé. Comme à chaque mutilé, l’Administration lui assure gratuitement l’appareillage de prothèse nécessaire, qui soulage son infirmité.
(Musique)
Journaliste
Dira-t-on encore que l’ancien soldat, sa tâche accomplie, est abandonné ? Non, car c’est le ministre des Anciens Combattants qui, lui-même, a voulu inaugurer le centre des Invalides de guerre de Kouba, vaste et clair ensemble, magnifiquement aménagé et destiné uniquement à héberger les mutilés de guerre.
(Musique)
Journaliste
Mais on sait aussi que chaque mois s’ouvre, dans un centre nouveau, un nouveau Dar-El-Askri, maison du Soldat, lieu de rassemblement agréable et centre d’assistance matérielle et morale.
(Musique)
Journaliste
L’ancien soldat, abandonné ? Mais c’est justement pour lui que sont organisées par les amitiés africaines ces tournées itinérantes de prospection auxquelles participent le délégué départemental du ministère des Anciens Combattants ainsi que le secrétaire général de l’office départemental ou leurs représentants, qui vont sur place, et dans les douars les plus reculés, pour examiner les revendications des anciens militaires, et détecter ceux qui, à cause de leur analphabétisme, ignorent leurs droits ou n’en réclament pas l’application.
(Musique)
Journaliste
Quel problème, déjà, ces tournées n’ont-elles pas résolu ? Quelle injustice involontaire n’ont-elles pas déjà réparée ? C’est Mohamed qui, soudain, est appelé à toucher plus de 100 000 francs de rappel sur sa pension, qu’il avait oubliée de mettre à jour.
(Musique)
Journaliste
C’est le fils de Ramdam, mort des suites de ses blessures, qui vient d’être admis à l’Ecole préparatoire nord-africaine de Koléa, où il va recevoir la meilleure instruction primaire, d’abord, puis le plus approprié des enseignements techniques. Réservée aux fils d’anciens militaires Belle jeunesse, à la fois studieuse et sportive, qui marche sur les traces de ses aînés.
(Musique)
Journaliste
Pour vous, ce défilé enfantin en rappelle d’autres, plus lourd de sens et plus haut en couleur. Camarade, tu étais, toi, à Constantine, quand défilèrent, devant le président de la République, plusieurs milliers d’anciens combattants.
(Musique)
Journaliste
Toi, camarade, tu étais à Alger quand, retrouvant le rythme du pas de leur régiment, les vétérans musulmans, ceux de 1918 et ceux de 1945, saluèrent, de leur visage grandi par la fierté, de leur poitrine médaillée, de leur chair blessée, le premier des Français.
(Musique)
Journaliste
Et toi, camarade, n’étais-tu pas dans le Sud, l’an dernier, quand les anciens soldats des tribus vinrent retremper leur souvenirs communs, leur esprit commun, dans un commun mouvement de loyalisme ?
(Musique)
Journaliste
Et toi, vétéran de 14, et vous, vous deux vétérans de 44, vous n’avez pas oublié ce défilé magnifique de Marnia où, à l’ombre des mêmes drapeaux, s’étaient rejoints 10 000 soldats sans uniforme, venus de partout, pour témoigner que l’armée d’Afrique se retrouvait non seulement avec ses soldats d’aujourd’hui, mais aussi avec ses soldats d’hier.
(Musique)
Journaliste
Car c’est le même esprit, aujourd’hui comme hier, à Constantine, à Alger, à Ghardaïa, à Marnia, qui unit ceux qui portèrent l’uniforme. Les uns et les autres, ils savent qu’au service de leur pays, la France, ils ne disparaissent jamais de son souci et de sa sollicitude. Et que même après les années de leur service, ils sont toujours, pour le pays, comme pour nous, comme pour eux, les soldats de la France.
(Musique)