M. Ahidjo à l'Elysée

14 septembre 1965
01m 35s
Réf. 00096

Notice

Résumé :

Après sa rencontre avec le général de Gaulle, le président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo répond aux questions des journalistes sur la situation intérieure du pays et ses relations avec les autres États africains.

Date de diffusion :
14 septembre 1965
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )

Éclairage

Une assemblée territoriale est élue au Cameroun en décembre 1956, mais sans la participation du parti indépendantiste, l'Union des populations du Cameroun (UPC). Interdit depuis 1955, l'UPC est l'objet d'une féroce répression de la part des autorités françaises et camerounaises. L'élection de 1956 a fait logiquement émerger les personnalités politiques les plus proches des positions françaises, notamment Ahmadou Ahidjo, qui prend la tête du gouvernement local en 1958. La France et Ahidjo demandent en novembre 1958 la levée de la tutelle de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) et l'indépendance du pays, ce qui est accepté par l'Assemblée générale en mars 1959, sans imposer le préalable de nouvelles élections législatives libres. La République du Cameroun devient officiellement indépendante le 1er janvier 1960 sous la présidence d'Ahidjo. Elle se transforme en État fédéral le 1er octobre 1961, lors de sa réunification avec la partie méridionale sous mandat britannique. Ahidjo avait exprimé dès 1958 la volonté d'engager son pays dans une politique d'association avec la France, selon un modèle similaire à celui des membres de la Communauté. Le président Ahidjo s'associe donc naturellement au groupe de Brazzaville, qui rassemble en décembre 1960 les anciens pays de la Communauté. Ces États soutiennent à cette date la position de la France sur la question algérienne devant l'ONU. Le groupe de Brazzaville devient en septembre 1961 l'Union africaine et malgache (UAM), qui permet de maintenir les liens entre les grands ensembles de l'ancien empire et la France, tout en s'ouvrant à de nouveaux États exclus de la communauté, comme le Cameroun.

Dans la perspective d'une organisation panafricaine, les oppositions sont alors vives entre les leaders du groupe de Casablanca, notamment Nkrumah et Sékou Touré, qui militent pour l'unité africaine, avec un marché commun et une citoyenneté africaine unique, et les pays africains du groupe de Monrovia qui souhaitent le renforcement des nouveaux États-nations et le développement de leur coopération avec les anciennes métropoles. La création de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) le 25 mai 1963 à Addis-Abeba marque la victoire des « modérés », la perspective d'une unité supranationale étant abandonnée. Mais l'OUA devient dans le même temps le seul organisme habilité sur le plan politique ; Sékou Touré et Nkrumah réclament donc la suppression de l'UAM, décriée comme un obstacle à l'unité africaine. Mais une nouvelle Organisation Commune Africaine et Malgache (OCAM) est créée en février 1965 à Nouakchott, à laquelle participe le Cameroun, à la suite de nouvelles dissensions au sein de l'OUA. Plusieurs États francophones de l'OCAM, notamment la Côte d'Ivoire et le Niger, accusent alors le Ghana de soutenir leurs opposants et décident de boycotter le sommet de l'OUA prévu à Accra en octobre 1965. Mais cet appel au boycott intervient au moment où le Cameroun et le Ghana s'engagent dans un rapprochement diplomatique. En effet, si le Ghana a constitué un temps la base de repli pour les militants UPC, le président Nkrumah a retiré son soutien à l'UPC en 1963, au lendemain de la naissance de l'OUA.

C'est dans ce contexte de rapprochement entre le Cameroun et le Ghana, qu'intervient la visite du président Ahidjo à Paris. Après sa rencontre avec de Gaulle, le président Ahidjo rend donc publique sa décision de participer à la conférence d'Accra sur le perron de l'Élysée. Mais si Ahidjo s'efforce de donner des gages au Ghana, y compris en s'opposant à l'admission de la République démocratique du Congo de Tschombe à l'OCAM, il n'en demeure pas moins un fervent soutien de la politique gaulliste en Afrique. Le déjeuner avec le Général, tout comme la présence du secrétaire aux affaires africaines et malgaches, Jacques Foccart, sont là pour le rappeler. Ce qui permet au président Ahidjo de souligner qu'il n'y a pas de changement d'orientation dans la politique du Cameroun.

Bénédicte Brunet-La Ruche

Transcription

Journaliste
Le président de la République fédérale du Cameroun, Monsieur Ahidjo, a été aujourd’hui l’hôte à déjeuner du général de Gaulle. A 14 heures 30, Monsieur Ahidjo est sorti de l’Élysée. Monsieur le Président, vous venez d’être reçu par le général de Gaulle. Est-ce que nous pouvons vous demander de quoi vous avez parlé avec le chef de l’Etat français ?
Ahmadou Ahidjo
Nous avons parlé des problèmes franco-camerounais, de la situation en Afrique et dans le monde.
Journaliste
Monsieur le Président, on avait parlé d’un changement d’orientation politique du Cameroun après la conférence de [Locarno]. Qu’en est-il exactement ?
Ahmadou Ahidjo
Jusqu’ici, il n’y a pas de changement d’orientation à ma connaissance.
Journaliste
Estimez-vous remplies les conditions posées pour votre admission à la future conférence de l’Unité africaine à Accra ?
Ahmadou Ahidjo
Oui.
Journaliste
Et irez-vous en personne à la future conférence afro-asiatique d’Alger ?
Ahmadou Ahidjo
Oui.
Journaliste
Egalement. Monsieur le Président, des pays comme la Chine et le Ghana ont-ils cessé leur ingérence dans les affaires intérieures du Cameroun ?
Ahmadou Ahidjo
Le Ghana, oui. Quant à la Chine, elle n’a pas complètement cessé.
Journaliste
Je vous remercie Monsieur le Président.
(Bruit)