La semaine des barricades

03 février 1960
01m 18s
Réf. 00221

Notice

Résumé :

Galvanisés par la nouvelle du limogeage du colonel Massu, des activistes pieds-noirs descendent dans la rue. Lors d'affrontements armés avec les gendarmes, 20 personnes sont tuées, dont 14 gendarmes, et plus de 200 sont blessées. Pierre Lagaillarde, président des étudiants d'Alger, et Joseph Ortiz, propriétaire du bar du Forum, organisent alors un camp retranché au centre d'Alger.

Date de diffusion :
03 février 1960
Date d'événement :
28 janvier 1960
Lieux :

Éclairage

Le discours du général de Gaulle sur l'autodétermination de septembre 1959 provoque la stupeur à Alger. Les défenseurs de l'Algérie française savaient que la majorité des musulmans choisiraient la sécession et ils n'imaginaient pas pouvoir rester en Algérie, à un contre dix, sans le soutien de la métropole. Pour les chefs militaires, le sentiment de trahison commence à poindre. Des contacts s'engagent entre les "colonels" et les activistes. Massu confie à un ancien parachutiste, journaliste au Süddeutsche Zeitung : "L'armée fera intervenir sa force si la situation le demande. Nous ne comprenons plus la politique du général de Gaulle." Reproduits à son insu, ces propos font scandale : Massu est limogé.

La semaine des barricades qui s'ensuit creuse entre Français d'Algérie et Français de la métropole un fossé dont la trace se lit dans le Bloc-Notes de François Mauriac : "Les Français de la métropole savent-ils que leur destin en ce moment se joue ? Et qu'un cafetier d'Alger (i.e. Ortiz) invite le général de Gaulle à changer la politique de la France ?" [cité par Alain-Gérard Slama, La guerre d'Algérie, Histoire d'une déchirure, Découvertes Gallimard Histoire, 1966].

Si la musique concourt à la dramatisation des événements, le commentaire cherche, au contraire, à calmer le jeu. Il se veut objectif, s'en tenant au fait, évitant tout jugement de valeur. Ainsi, la fusillade est qualifiée de "drame" dont les émeutiers et les gardes mobiles ont été également victimes. Certes, à l'image, ils n'ont pas droit au même traitement : la caméra s'attarde ainsi sur les obsèques des gendarmes (veuves de soldats pleurant, détachement de troupe saluant). Mais le commentaire contrebalance ce traitement de faveur en précisant que "les six émeutiers ont eu leur sépulture hier". De même, le commentateur se borne à constater que "le fossé s'élargit entre Alger et Paris".

Eve Bonnivard

Transcription

Commentateur
Depuis dimanche, Alger a ses barricades. Trois jours sont passés : barricades devant la grand poste, barricades aux facultés ; tout un quartier d'Alger est fermé, comme le café d'Ortiz qui porte un nom prestigieux : «le Forum». Le P.C. d'Ortiz, c'est maintenant plutôt ce premier étage, face au plateau des (Glières ?) d'où ses lieutenants, d'heure en heure, haranguent la foule des Algérois.
(Silence)
Commentateur
De là, l'ex-cafetier tient tête, avec Lagaillarde, au gouvernement et aux lois de son pays, depuis le drame, cette fusillade que certains disent préméditée, et qui fit dimanche soir 20 morts et 140 blessés. Justement ce matin se sont déroulées avec simplicité les obsèques des gendarmes mobiles ; les six émeutiers ont eu leur sépulture hier. Tous ces deuils et l'ampleur du drame n'ont fait qu'accentuer le trouble des esprits. L'insurrection y trouve ses forces, le fossé s'élargit entre Alger et Paris. Deux jours passent encore. Le délégué général et le commandant en chef ont quitté Alger pour un P.C. à l'écart de la ville ;
Inconnu
ils sont à Reghaia, l'une des bases opérationnelles de l'Algérois, où leur liberté de commandement sera assurée.