Le putsch des généraux : fin

03 mai 1961
03m 02s
Réf. 00225

Notice

Résumé :

Le samedi 22 avril 1961, les généraux Challe, Salan, Zeller et Jouhaud s'emparent d'Alger avec l'appui du 1er régiment de parachutistes. Le putsch est mis en échec le 25 par la réaction vigoureuse du général de Gaulle.

Date de diffusion :
03 mai 1961
Date d'événement :
22 avril 1961

Éclairage

Ce "putsch" trouve son origine dans l'accélération de la politique gaullienne de décolonisation après l'échec des barricades. Le 11 avril 1961, la conférence de presse du chef de l'Etat, justifiant sur un ton désinvolte la décolonisation de l'Algérie par ce qu'elle coûte à la France, fait l'effet d'une provocation. Le 22 avril 1961, un "quarteron de généraux en retraite" s'empare d'Alger. Que voulaient ces hommes ?

Pour Alain-Gérard Slama, "aucun d'eux n'est fasciste (…) Leur conviction intime est de défendre, contre Paris, l'unité et l'intégrité de la République". A cela s'ajoute que "depuis trop longtemps l'armée a représenté, à elle seule, la puissance publique en Algérie", trouvant dans cette mission "une revanche sur les humiliations de 1940, de la guerre d'Indochine et (…) de Suez" [La guerre d'Algérie, Découvertes Gallimard, 1996]. Enfin, l'armée se sent liée par un engagement d'honneur envers les pieds-noirs et les musulmans qui leur ont fait confiance. Le souvenir de l'abandon des civils au Viêt-minh en Indochine hante les esprits. Militaires avant tout, ces hommes envisagent leur mouvement comme strictement militaire et tiennent à l'écart les activistes civils tels que les membres de l'OAS. Ils ne peuvent en fait compter que sur une seule force : la foule européenne qui les acclame sur le forum d'Alger.

Aussi cette tentative de refaire le 13 mai 1958 tourne-t-elle court. Tandis qu'en métropole la panique gagne les esprits après l'appel, lancé le 23 à minuit par le Premier ministre Michel Debré, à se rendre sur les aéroports pour empêcher une action éventuelle des parachutistes, le Général, revêtant l'uniforme, prononce sur le petit écran un discours fulgurant. Diffusé par les postes à transistor en Algérie, il encourage la désobéissance des soldats du contingent aux officiers putschistes et intimide les hésitants. L'échec du putsch ne décourage pas les jusqu'au-boutistes civils et militaires qui rejoignent l'OAS pour en préparer un autre.

Récit trépidant, soutenu par une musique énergique, ce document n'a pas seulement une fonction informative. Il vise à délégitimer l'entreprise des généraux ("triomphateurs d'un jour") au profit de la seule autorité légitime : de Gaulle ("les hommes du contingent restés fidèles au commandement légitime"). Les images montrant des soldats du contingent rembarquant vers la métropole pour ne pas servir le nouveau pouvoir à Alger viennent appuyer la démonstration. Mais, comme le chef de l'Etat dans son discours du 23 avril, le commentateur a soin de disculper la population algéroise : "égarée par les craintes et les mythes", disait de Gaulle ; "une fièvre s'emparait de la population qui souffre toujours de la plaie mal fermée de l'Algérie française", répond en écho le journaliste. La métaphore de la maladie traverse le commentaire ("fièvre", "plaie", "signes avant-coureurs"), faisant apparaître le Général comme un sauveur. Le dénouement du complot est illustré par une musique triomphale et accompagné d'un commentaire emphatique ("L'épreuve a été dure (…) Mais la France a gagné").

Eve Bonnivard

Transcription

Commentateur
Le matin du samedi 22 avril, Alger s'éveillait devant un spectacle imprévu : des unités de légionnaires et de parachutistes occupaient les points stratégiques. Radio Alger annonçait : «L'armée s'est assurée le contrôle du territoire algéro-saharien». Cette proclamation était signée du général Challe, démissionnaire depuis janvier. Une fièvre nouvelle s'emparait aussitôt d'une population qui souffre toujours de la plaie mal fermée de l'Algérie Française. Pendant ce temps, les événements couraient : on apprenait coup sur coup l'arrestation du délégué général, le ralliement d'Oran, l'arrivée de Salan, le discours du général de Gaulle. Si déjà dans l'édifice du complot certaines fissures apparaissaient, la foule algéroise n'en imaginait rien encore quand le lundi 24 elle envahissait le Forum pour acclamer les 4 hommes qui s'étaient emparés du pouvoir.
Foule
Algérie française !
Commentateur
Au balcon de la délégation générale, ils apparaissaient : Challe, Salan, Jouhaud, Zeller. Tour à tour, ils s'adressaient à la population, lui répétaient les mots qui activaient sa fièvre. Mais, derrière les applaudissements de cette foule, pouvait-on ne pas entendre l'écho des paroles qu'avait prononcées la veille le général de Gaulle, affirmant l'autorité de l'Etat, dénonçant l'action des insurgés, dictant des ordres pour arrêter le drame ?
(Silence)
Commentateur
Certains signes avant coureurs annonçaient-ils déjà l'éclipse rapide des triomphateurs du jour ? L'embarquement sur l'El Mansour de 600 libérables, qu'on n'avait pas osé retenir, pouvait marquer que les hommes du contingent regardaient avec défiance l'opération et restaient fidèles au commandement légitime.
(Silence)
Commentateur
Autre signe : à Paris, l'Assemblée nationale réunie en séance extraordinaire pour écouter un message du président de la République s'unissait à sa résolution de briser par tous les moyens l'insurrection et approuvait les mesures prises pour le faire. Et soudain, en quelques heures, tout s'effondrait à Alger : la majorité des unités stationnées, la marine, l'aviation refusaient leur concours au complot. A l'aube du mercredi 27, tout était rentré dans l'ordre. Les gendarmes mobiles réoccupaient la délégation générale abandonnée par les quatre ex-généraux. Partout les troupes fidèles avaient repris le contrôle. Triomphante quatre jours, la conspiration se diluait d'un seul coup, devant le refus à la fois de l'armée et de la nation.
(Silence)
Commentateur
Dernier acte : à la porte de la prison de la Santé, un petit groupe en attente ; une voiture qui entre sans ralentir ; le général Challe s'est constitué prisonnier ; ses comparses ont disparu. La parole est maintenant à la justice.
Inconnu
L'épreuve est finie, elle a été dure, elle laisse des traces douloureuses, mais la France a gagné.