La bataille d'Alger

23 janvier 1957
38s
Réf. 00242

Notice

Résumé :

La bataille d'Alger oppose pendant 9 mois le terrorisme du FLN aux opérations de "pacification" des parachutistes français. La victoire militaire de l'Armée française, au prix de l'usage massif de la torture, constitue in fine une défaite politique.

Type de média :
Date de diffusion :
23 janvier 1957
Date d'événement :
08 janvier 1957
Lieux :

Éclairage

De janvier à octobre 1957, l'Armée française s'efforce de juguler le terrorisme du Front de Libération Nationale par le démantèlement de ses réseaux à Alger et par une répression massive. Si la bataille d'Alger s'achève par une victoire militaire de l'Armée française, l'usage massif de la torture suscite de vives protestations de la Communauté internationale ainsi qu'en métropole.

Au commencement de 1957, les tensions sont particulièrement vives à Alger entre les différentes communautés. Dès lors, le 7 janvier, une ordonnance de Robert Lacoste confie au général Massu les pleins pouvoirs sur le Grand Alger. La 10ème division parachutiste, division élitiste qui compte en son sein de nombreux hommes nés en Algérie, anciens combattants d'Indochine, reçoit alors la mission de "pacifier" la ville.

Afin d'exercer une pression sur l'Assemblée générale des Nations Unies qui se réunit alors en session et l'inciter à adopter un texte sur l'autodétermination algérienne, le FLN ordonne de son côté une grève générale de 8 jours, à compter du 28 janvier. Cela permet également au FLN de faire la démonstration de son emprise sur la population algérienne. Cependant, immédiatement, les parachutistes du général Massu cassent la grève. A 7 heures le 8 janvier, ils pénètrent dans la casbah d'Alger et forcent les hommes à reprendre le travail et ouvrir leurs boutiques.

Le FLN réplique à l'entrée de l'armée dans la ville par la multiplication d'attentats concentrés à Alger, où l'impact médiatique est plus important. Le 26 janvier 1957 des bombes explosent dans trois cafés fréquentés par des Européens, l'Otomatic, la Cafétéria et le Coq Hardi, et le 10 février, les attentats du stade municipal d'Alger et du stade d'El Biar font 10 morts et 34 blessés. Le 9 juin 1957, l'attentat au casino de la Corniche tue 8 personnes et en blesse une centaine.

Les parachutistes de général Massu s'efforcent de démanteler le FLN. A cette fin, ils quadrillent la ville avec des troupes imposantes, bouclent les quartiers arabes et multiplient les points de contrôle. Surtout, en utilisant les fichiers de la police, l'Armée procède à des arrestations massives pour débusquer les militants du FLN dont le nombre est évalué à 5 000 à Alger. Des centaines de suspects sont regroupés dans des centres de triage, qui se transforment rapidement en centres de torture. L'annonce du "suicide" de Larbi Ben M'Hidi, un des fondateurs du FLN le 14 mars, puis de celui d'Ali Boumendjel, suscitent de vives protestations, dont celle de René Capitant, professeur d'Ali Boumendjel à la faculté d'Alger. En métropole, la presse, L'Express et Le Monde en tête, lancent alors une campagne de dénonciation des méthodes utilisées par l'Armée à Alger. Le président du Conseil Guy Mollet est dès lors contraint d'annoncer le 5 avril 1957 la création d'une Commission de sauvegarde des droits et libertés individuelles. Toutefois, cette mesure n'empêche pas la poursuite des arrestations et de la torture. Les 11 et 12 juin, Maurice Audin et Henri Alleg, militants communistes, sont arrêtés puis torturés. Maurice Audin, déclaré évadé par l'Armée, décède en réalité des suites des tortures subies. Au total, plusieurs milliers de "disparitions" sont recensées au cours de la bataille d'Alger.

Les renseignements obtenus sous la torture et l'infiltration des filières du FLN permettent à l'Armée française de progressivement démanteler le réseau. L'arrestation de Yacef Saadi le 24 septembre, puis la mort d'Ali La Pointe le 8 octobre marquent la fin de la bataille d'Alger.

Ainsi, La bataille d'Alger se solde par une victoire militaire de l'Armée française, qui est parvenue à décapiter le FLN. Néanmoins, le prix de cette victoire est lourd. L'usage massif de la torture provoque de vives protestations à l'étranger et en métropole. Parallèlement, l'escalade de la violence entre le terrorisme d'une part et la torture de l'autre, conduit à une radicalisation communautaire, qui rend impossible la recherche d'un compromis.

Ce document diffusé par les Actualités Françaises au commencement de la bataille d'Alger, le 23 janvier 1957, est très révélateur du traitement médiatique de la Guerre d'Algérie par la télévision française.

En effet, pendant le conflit, les seules images disponibles sont celles produites par l'Armée française. Alors que les illustrations sonores concourent à la dramatisation de l'événement, ce reportage constitue un véritable plaidoyer en faveur de la puissance de l'Armée française. La démonstration de force voulue par le général Massu est ainsi relayée sur les écrans. Les images montrent successivement le quadrillage de la ville par les parachutistes, la multiplication des contrôles, et l'utilisation des détecteurs anti-mines auprès des habitants.

La dimension nationaliste du combat opposant le FLN à l'Armée française est à l'inverse totalement occultée. Ainsi, la grève du 28 janvier, prévue par le FLN est considérée comme "politique", tandis que les membres du FLN sont désignés sous le vocable de "rebelles" ou de "suspects". L'action de l'Armée, quant à elle, est présentée comme destinée à "assurer la sécurité des Algérois".

Dès lors, la bataille d'Alger est présentée comme s'inscrivant dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre. En ce sens, ce document participe du refoulement de l'existence de la Guerre d'Algérie par l'Etat et la télévision française.

Julie Le Gac

Transcription

Journaliste
A Alger, en prévision de la grève politique ordonnée par les rebelles, un imposant dispositif militaire a été mis en place sous la direction du général Massu, chargé de maintenir l'ordre dans la ville. De multiples contrôles destinés à filtrer les suspects sont opérés dans les différents quartiers et dans la banlieue. Les trolleybus d'Alger sont soigneusement passés au crible. Plus de 5000 hommes, appuyés par de solides réserves, veillent ainsi à la sécurité des algérois.