Le Nouveau Roman et Nathalie Sarraute

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 15 mai 1957

Nathalie Sarraute présente la réédition de ses Tropismes aux éditions de Minuit.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Lectures pour tous
Date de diffusion du média :
15 mai 1957
Production :
INA
Page publiée le :
2006
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000518

Contexte historique

Par Vincent Casanova

Personne, ni écrivain, ni public, ne sait plus au juste à quoi s'en tenir, observe l'écrivain Julien Gracq en 1950. Il souligne ainsi le malaise que connaît le monde des lettres. En effet, les auteurs qui servaient de modèles sont morts (Paul Valéry en 1945), âgés (André Gide meurt en 1951) ou se sont compromis pendant la Seconde Guerre mondiale (Jean Giono, Louis-Ferdinand Céline).

Dans ce contexte troublé émerge chez des écrivains d'horizons et de générations divers le besoin de tourner la page, conscients de vivre dans L'Ère du soupçon (Nathalie Sarraute en 1953). En mars 1957, Emile Henriot, journaliste au Monde, utilise dans un compte-rendu critique de Tropismes de Sarraute et de La Jalousie d'Alain Robbe-Grillet l'expression de Nouveau Roman pour qualifier ce courant littéraire. L'année suivante, la revue intellectuelle Esprit assure la reconnaissance du mouvement en lui consacrant un numéro spécial.

Aussi, les Nouveaux Romanciers ne se sont-ils pas concertés pour élaborer un groupe et une école puisque c'est a posteriori et sur la base de quelques points communs, en particulier un même éditeur (les éditions de Minuit), qu'ils ont été définis. Cependant, tous ces écrivains, parmi lesquels il faut compter également Claude Simon, partagent la volonté de remettre en cause les formes de la fiction et les conventions romanesques telles qu'elles sont pratiquées depuis le XIXe siècle. À la différence du récit traditionnel attaché à la psychologie des héros et à la linéarité de l'intrigue, ils inventent de nouveaux procédés narratifs, identifiant par exemple le personnage au lecteur par l'usage du vous de narration comme Michel Butor dans La Modification (1957).

Nathalie Sarraute (1900-1999) a, parmi les premières, posé cette volonté de renouvellement. Elle publie dès 1938 un premier recueil de récits, Tropismes, où elle s'attache à la description minutieuse des mouvements qui effleurent notre conscience et manifestent nos sentiments. Elle éclate pour ce faire les techniques traditionnelles du dialogue. Passé inaperçu, l'ouvrage est réédité et augmenté de 6 récits en 1957, et impose le Nouveau Roman. Du Planétarium à Enfance où elle renoue avec l'autobiographie, toute l'œuvre de Sarraute, placée sous l'influence de James Joyce et de Virginia Woolf, ambitionne de révéler avec les armes du style les non-dits de l'existence.

Éclairage média

Par Vincent Casanova

Créée en 1953 par Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet, l'émission Lectures pour tous veut donner le goût des livres. La télévision est alors envisagée comme une invitation à la culture ; le spectateur est considéré comme un lecteur. Le petit écran a pour mission d'éduquer tout autant que de divertir. Souvent dirigée par des hommes issus de la Résistance qui font de l'art un instrument d'émancipation, la télévision donne la parole aux grands écrivains et intellectuels du temps. C'est ainsi que Dumayet entreprend de faire comprendre aux téléspectateurs le sens du travail littéraire de Nathalie Sarraute à travers l'explicitation du titre du recueil.

Proposant en introduction une définition d'ordre général, il cherche, tel un professeur, à l'illustrer par un exemple très concret pour faire saisir la subtilité et la complexité de l'objet. Il parvient à cerner la démarche littéraire de Sarraute en procédant à l'envers. D'un mauvais exemple (voir mais ne pas dire à son interlocuteur la présence d'un cheveu sur son épaule), il dégage les tropismes qui intéressent Sarraute. Puis, il lui pose une question totalement contraire à ce qu'elle recherche, ce qui permet d'autant mieux d'en distinguer la singularité et l'originalité.

Conçu comme l'instruction d'un dossier, l'entretien tente ainsi le plus fidèlement de reconstituer l'intention de l'auteur. En filmant en gros plan le visage de l'invité, il y a l'idée qu'en mettant à nu l'individu, on parviendra à comprendre l'œuvre, à percer le mystère de la création. Le dispositif et le style de l'émission ont posé les bases du « talk-show » ; celle-ci a accompagné les bouleversements qu'a connus le monde du livre, ces années correspondant en effet au succès des livres de poche et à l'apparition des listes de best-sellers. Peu à peu, pour les auteurs et leurs éditeurs, un passage à Lecture pour tous s'impose comme un rendez-vous essentiel dans la vie des lettres.

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