La mort de Staline

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 05 mars 1953

Diffusé au moment de sa mort, ce document des Actualités françaises proposait une rétrospective de l'itinéraire de Staline, mettant en avant son rôle dans la victoire de la Seconde Guerre mondiale, dans la construction du monde de l'après-guerre et sa réussite dans la construction de l'empire soviétique.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Les Actualités françaises
Date de diffusion du média :
05 mars 1953
Page publiée le :
2007
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000706

Contexte historique

Par Carole Robert

Staline est le premier secrétaire du Parti communiste d'URSS (PCUS) depuis 1928 : c'est lui le chef de l'État. Il dirige le Parti et contrôle le gouvernement. Dès les années 1930, Staline met en place une dictature en éliminant les hommes politiques prestigieux susceptibles de lui faire de l'ombre, en organisant des grands procès totalement manipulés débouchant sur l'envoi dans les goulags toute personne jugée dangereuse pour le régime : les vieux révolutionnaires accusés de trotskisme, les médecins juifs accusés de complot...

Après la victoire sur l'Allemagne, le culte de la personnalité de Staline prend davantage d'ampleur encore à travers une propagande sans faille : les défilés, les affiches, les livres, la reconstitution falsifiée de l'histoire de l'URSS lui accordent tous les rôles au détriment des autres révolutionnaires, ainsi que l'éducation à l'école, l'art, les organisations de jeunesse. À tous les niveaux de la société, l'image du petit père des peuples doit s'imposer. Le culte de la personnalité s'accompagne d'un régime de terreur où tout est contrôlé par le Parti et ses ramifications. Le système se nourrit de dénonciations et d'emprisonnements.

Peu de temps après la mort de Staline, son successeur, Nikita Khrouchtchev, dénonce la dictature stalinienne lors du XXe Congrès du Parti (1956). Personne en Occident ne mesurait jusqu'alors la réalité du régime stalinien et c'est un véritable choc dans l'opinion publique occidentale, notamment au sein des partis communistes qui se divisent.

Éclairage média

Par Carole Robert

Ce document est un éloge funèbre de Staline : loin de la guerre froide et des discours anti-communistes auxquels nous aurions pu nous attendre, force est de constater que, au moment de la mort d'un homme d'État, c'est l'hommage sur les qualités présumées qui prennent le dessus. Nous sentons d'abord bien dans le choix des images d'archives et dans le commentaire que c'est le chef victorieux de la Seconde Guerre mondiale qui est mis en avant, par le choix de séquences illustrant les conférences de Yalta et de Postdam. C'est bien au constructeur du monde d'après guerre que l'éloge est dédiée. La guerre n'est pas si loin. Mais le commentaire fait aussi l'éloge du chef d'État, du bâtisseur, de celui qui a réussi à relever un pays : il l'appelle le chef, une figure maîtresse, le vainqueur.

C'est l'hommage rendu au grand homme d'État qui est valorisé, au détriment de la remise en cause du régime communiste. Le lexique répétitif des termes associés à l'idée du constructeur est explicite : homme d'acier, extraordinaire bâtisseur, force soviétique créée par lui. L'idée du père du peuple est également reprise dans le reportage : Staline est présenté comme l'homme capable de diriger les destinées du monde soviétique. Bref, le reportage utilise tout le lexique qui est à la base du culte de la personnalité et de la création d'un mythe. La musique funèbre, dans un genre très pompier, accompagne les images et le discours. En plus de mettre l'accent sur le grand homme, le journaliste insiste sur la puissance de l'État qu'il a construit : le reportage rappelle dès le départ que 2 millions d'habitants l'acclamaient et évoque le plus vaste empire du monde. Le commentaire cherche même à mettre en avant l'être humain, en évoquant la vie de soucis, de combat et de drames, la charge écrasante. À propos des décès des anciens bolchéviques, dont on sait par ailleurs que Staline les a fait assassiner directement ou indirectement, le commentaire évoque seulement la tristesse du chef.

Il est vrai que les révélations sur les crimes de Staline ne seront vraiment connues qu'après le XXe Congrès. À sa mort, personne ne se doute encore de l'ampleur de sa dictature. Les images de rétrospective qui se succèdent sont en harmonie avec le discours idéal : plan large et en plongée sur un défilé de la Place rouge, conférences internationales, plan poitrine et contre-plongée sur le petit père du peuple qui salue la foule, insistance sur les images d'enfants, de personnes âgées et de militaires. On a là tout l'attirail de l'image d'épinal caractéristique de la propagande stalinienne.

Le ton du commentaire, celui de l'éloge funèbre, appelle quelques réflexions. D'abord, tout, dans ce reportage, aussi bien les images que le texte, est lié au discours d'éloge funèbre : c'est un moment d'hommage. Ensuite, il faut rappeler qu'en 1953, dans la presse française elle aussi, la mort de Staline n'est pas traitée comme la fin d'un tyran ou d'un dictateur. Enfin, une anecdote est significative du rayonnement hors de l'URSS de ce culte voué à Staline : au sein même du parti communiste français, un scandale éclate lors de la parution dans la revue Les Lettres françaises d'un portrait de Staline par Picasso. Ce portrait donne de Staline une image sympathique, légère, et dans un style bien loin des effigies réalistes socialistes. Sa parution provoque un scandale énorme, que l'on appellera vite l'affaire du portrait de Staline par Picasso. Il n'est alors en effet pas possible de représenter Staline dans un style non réaliste, non pompier : c'est le remettre à la place d'un être humain normal.

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