L'exposition américaine à Moscou

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 03 août 1959

Le document est un film qui montre la rencontre à Moscou entre Richard Nixon et Nikita Khrouchtchev. Leur dialogue est teinté d'humour et filmé par les caméras de télévision américaine. Ce film a été diffusé 17 fois aux Etats-Unis.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Cinq Colonnes à la une
Date de diffusion du média :
03 août 1959
Production :
INA
Page publiée le :
2007
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000708

Contexte historique

Par Carole Robert

A partir de 1959, la modalité des échanges culturels entre l'URSS et les pays occidentaux reflète le contexte politique et diplomatique de la détente. Parallèlement, les manifestations culturelles à l'étranger, comme l'exposition américaine à Moscou, sont issues d'une volonté de prestige ou de propagande des gouvernements. A la fin des années 1950, des protocoles d'échanges culturels sont signés entre l'URSS et les pays occidentaux, notamment avec les Etats-Unis, l'Italie et l'Angleterre.

En URSS, la politique culturelle est très centralisée : c'est le Comité d'Etat aux Affaires culturelles qui coordonne tout et délègue ensuite aux ministères la mise en place pratique, technique et financière des événements. Le Comité central du PCUS donne son accord avant tout lancement de projet et répartit les budgets. Ce sont bien évidemment des impératifs politiques et diplomatiques qui commandent les expositions du type de l'exposition américaine à Moscou. Ces enjeux diplomatiques débouchent même en mai 1957 sur la création en URSS d'une commission mixte pour les relations culturelles avec l'étranger, qui est inaugurée en février 1958. A l'occasion de l'exposition américaine en URSS, Richard Nixon, vice-président des Etats-Unis s'y rend en visite du 23 juillet au 2 août 1959. Le dialogue antre Nixon et Khrouchtchev porte sur la compétition entre l'URSS et les Etats-Unis. De nombreux thèmes y sont abordés (la Pologne, les médias, la conquête spatiale, leurs deux systèmes économiques, leur peur réciproque d'un conflit planétaire). En septembre 1959, ce sera au tour de Nikita Khrouchtchev d'aller faire une visite diplomatique cordiale aux Etats-Unis.

Éclairage média

Par Carole Robert

Ce document est rare et plein d'humour. Le commentaire d'introduction de Léon Zitrone - "scène vide, rideau minable" - est gentiment ironique en décrivant le cadre en plan fixe sur un micro devant des rideaux de scène. Léon Zitrone évoque ensuite "le spectacle politique" et ose même décrire la rencontre au sommet dans des termes étonnants : "la scène est prête, voici les deux acteurs". Si l'on s'interroge au départ sur les raisons pour lesquelles Léon Zitrone abuse du lexique théâtral pour présenter un événement diplomatique officiel, on comprend rapidement, en regardant avec plaisir et amusement le document, pourquoi le présentateur se permet un tel détachement et un tel recul pour annoncer cet événement diplomatique majeur.

Les deux chefs d'Etat rentrent dans le cadre fixe tels deux comédiens sur la scène. Et il s'avère que Khrouchtchev se comporte en véritable homme de scène : il accompagne ses propos provocateurs et teintés d'humour d'une gestuelle digne de la comedia dell'arte (gestes exagérés de la main, des bras et des doigts). En assistant à leur étonnant dialogue, on réalise à quel point le commentaire de Léon Zitrone est adapté à la rencontre extrêmement théâtrale qui se joue. Les deux chefs d'Etat se comportent comme un duo d'humoristes sur une scène de café concert. Les répliques fusent et ne volent parfois pas plus haut qu'une discussion entre enfants en compétition : "si c'est toi qui le dis, c'est toi qui l'es". A un moment donné, Khrouchtchev s'étonne même tout haut car il vient d'oublier sur quoi il était d'accord avec son rival américain... Il provoque régulièrement l'hilarité des spectateurs dont on entend les rires et les applaudissements en off.

Tous les thèmes sont abordés sans être analysés : Pologne, technologie, systèmes économiques et biens de consommation. Leur discours est très imagé, et chacun cherche à utiliser des images fortes pour habilement montrer sa puissance. Khrouchtchev en appelle ainsi à l'imagerie ouvrière soviétique et au peuple tout entier en mettant en avant ses origines de mineur de fond. Il taxe Nixon "d'avocat du capitalisme", et celui-ci réplique avec humour que Khrouchtchev ferait aussi un excellent avocat. C'est en insistant régulièrement sur la télévision et les caméras qui les filment que Nixon tente de son côté d'imposer la puissance technologique américaine et il va jusqu'à admettre la supériorité soviétique en matière d'aérospatiale. Le plus joueur des deux est sans doute Khrouchtchev, qui se comporte en véritable enfant en refusant d'admettre la moindre infériorité soviétique et en poussant systématiquement à la compétition. Avec son côté pince-sans-rire, Nixon lui rétorque : "Ne croyez pas que vous savez tout monsieur Khrouchtchev". Et la réponse vient : "C'est vous qui ne savez rien du communisme, seulement que vous en avez peur". Lorsque Nixon tente d'aborder la Pologne, Khrouchtchev refuse d'entrer dans un débat sérieux et se focalise sur les questions de traductions qui le désavantageraient.

L'historien peut se poser la question de la stratégie anticipée ou non dans l'attitude des deux hommes : la légèreté et le refus d'aborder des questions de façon sérieuse est certainement préparée à l'avance, mais elle reflète aussi les tempéraments des deux hommes. L'utilisation du média-télé comme outil de communication est en train d'être découverte par les chefs d'Etat, qui tâtonnent encore sur l'attitude à adopter devant la caméra. La poignée de main finale et le commentaire de Khrouchtchev concluent bien tout le dialogue sur une note d'humour.

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