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L'enterrement de Pablo Neruda

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 03 oct. 1973

Deux semaines après le putsch militaire qui renverse le président socialiste Salvador Allende, le poète chilien Pablo Neruda meurt à Santiago. Son enterrement donne lieu à une manifestation improvisée, premier acte de désobéissance civile face au nouveau pouvoir.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
03 oct. 1973
Production :
INA
Page publiée le :
2007
Modifiée le :
19 sept. 2023
Référence :
00000000774

Contexte historique

Par Emeline VanthuyneProfesseure agrégée d'histoire )

Né en 1904, le poète chilien Pablo Neruda meurt officiellement d'un cancer à l'hôpital de Santiago du Chili, le 23 septembre 1973. La nouvelle aurait pu être éclipsée par le coup d'État militaire du 11 septembre, qui a entraîné le suicide du président Salvador Allende dans son palais présidentiel de la Moneda en flammes et l'arrivée au pouvoir d'une junte militaire bientôt prise en mains par le général Augusto Pinochet. Mais la popularité du prix Nobel de littérature 1971 dans son pays et son militantisme communiste transforment ses obsèques en premier acte de résistance contre le nouveau régime.

Pablo Neruda était célèbre aussi bien pour son amour du pays, qui transparaît dans toute son oeuvre littéraire, que pour son engagement politique en faveur de la République espagnole ou au sein du parti communiste chilien. Son militantisme lui vaudra d'être exilé de son pays sous la présidence de Gonzales Videla, avant de devenir en 1970 l'un des principaux artisans de l'alliance entre socialistes et communistes au sein de l'Unité populaire. Après le 11 septembre 1973, il est placé en résidence surveillée par la junte militaire et sa maison est saccagée.

Bravant l'interdiction officielle, une foule d'anonymes prend alors le risque de suivre le cortège funèbre pour lui rendre un dernier hommage. Cette manifestation improvisée prend l'apparence d'un acte de défiance envers le pouvoir lorsque des slogans jaillissent de la foule et que résonnent les paroles du chant symbolique de la lutte ouvrière, l'Internationale. Ces scènes émouvantes et tragiques pour les participants ont été immortalisées par les caméras du monde entier. Si la junte annonce deux jours plus tard un deuil national, elle s'arrange pour que celui-ci prenne fin à la publication de son communiqué. Il faut attendre le retour de la démocratie pour que Pablo Neruda, célébré au-delà des frontières de son pays, soit inhumé selon ses vœux aux côtés de sa compagne près de sa maison à Isla Negra.

Éclairage média

Par Emeline VanthuyneProfesseure agrégée d'histoire )

Les scènes filmées dans ce reportage ont été immortalisées par les caméras du monde entier, très présentes à l'image au sein du cortège funèbre, et ont ému les populations au-delà des frontières chiliennes. En effet, les images suffisent à elles seules à traduire l'émotion qui traverse cette foule après une disparition qui, avant le putsch du 11 septembre, aurait certainement suscité un deuil national officiel. Or le prix Nobel de littérature 1971, fêté comme une légende vivante à son retour au pays un an plus tôt, est considéré par le nouveau pouvoir militaire comme un des chantres de l'idéologie communiste, que les soldats cherchent à anéantir en brûlant les ouvrages subversifs. L'autodafé, filmé en gros plan au début du reportage, est perçu dans la mémoire collective comme le symbole de l'installation des régimes dictatoriaux et répressifs.

Or le commentaire du journaliste vient étayer cette impression générale d'un pays vivant sous surveillance policière. Le reportage est particulièrement bien construit car le journaliste a su ménager des silences afin que le téléspectateur entende des Chiliens issus de toutes les générations scander des vers d'un poète qu'ils disent immortel : Pablo Neruda presente ! No muerto ! La caméra, plongée au milieu de la foule de manifestants, accompagne la triste marche, d'abord silencieuse, puis rythmée par l'Internationale, des admirateurs du poète jusqu'au cimetière où sa veuve, Mathilde Urrutia, reçoit de nouveaux témoignages de sympathie.

L'événement prend toute sa portée dramatique lorsque le reporter évoque les représailles auxquelles seront soumises les personnes qui ont eu le courage de manifester publiquement (leurs visages sont d'ailleurs cadrés en gros plan), leur tristesse, leur attachement au poète et à ses idées. À la fin du reportage, le commentaire se fait incisif : le journaliste rend hommage à sa manière à Pablo Neruda en citant, sur des images de militaires cadrés en plan serré, quelques vers les comparant à des prédateurs face à des victimes affaiblies.

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