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Le génocide des Tutsi au Rwanda

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 11 mai 1994

Une idéologie raciste, datant de la période coloniale, instrumentalisée après l’indépendance par la République rwandaise, a contribué à la diffusion d’un discours de haine et d’animalisation de la minorité tutsie au sein de la population hutu. Cela  a conduit à la mise en œuvre d’un processus d’extermination systématisé. Entre avril et mi-juillet 1994, les trois quarts de la population tutsie est victime du dernier génocide du XXe siècle.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
11 mai 1994
Production :
INA
Page publiée le :
2007
Modifiée le :
28 mars 2024
Référence :
00000000776

Contexte historique

Par Emeline VanthuyneProfesseure agrégée d'histoire )

À l'origine, la différence entre Hutus et Tutsis se base sur l’usage de la terre : les premiers sont majoritairement des agriculteurs et les seconds pratiquent davantage l’élevage. À partir de 1897, le Rwanda devient un protectorat allemand puis belge à partir de 1916. Les missionnaires et les colons européens vont alors promouvoir une vision raciale de la société rwandaise. Ils favorisent les Tutsis, considérés comme une ethnie d’ascendance européenne, destinée à dominer les Hutus. Dans les années 50, la Belgique et l’Eglise catholique, face à la contestation de l’ordre colonial, vont au contraire soutenir l’élite hutu et le discours qui vise à voir les Tutsis comme des étrangers.

En 1959, après la mort du roi Mutara Rudahigwa, les premiers pogroms ont lieu contre les Tutsis. Après l’indépendance en 1962, sous la Ière République du président Kayibanda, les Tutsis, victimes de nombreux massacres, sont contraints à l’exil et se réfugient dans les pays voisins. Le coup d’Etat de juillet 1973 porte au pouvoir le président Habyarimana qui institutionnalise la politique de discrimination contre les Tutsis à l’aide d’outils statistiques.

En octobre 1990, confronté au refus des autorités d’accueillir les 500 000 réfugiés tutsis, le Front patriotique rwandais (FPR), composé d’exilés tutsis et de dissidents hutus hostiles au président Habyarimana, passe à l’offensive depuis l’Ouganda voisin. Face à cette menace contre le régime, les Hutus sont encouragés à prendre les armes pour soutenir les Forces armées rwandaises (FAR). La population tutsie, considérée comme complices du FPR, est alors victime d’arrestations, de viols, de pillages et de massacres de masse.

Cette politique est dénoncée par la presse d’opposition et les associations de défense des droits de l’homme mais le régime dispose notamment du soutien politique et militaire de la France et de la Belgique. En août 1993, les accords signés à Arusha entendent mettre un terme au conflit et prévoient la mise en place d'instances nationales dans le but d'ouvrir la voie à une démocratisation du pays. La Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) est chargée de surveiller la mise en place de ces accords.

En octobre 1993, l’assassinat par des militaires tutsis du président burundais hutu conduit à une escalade de la violence et à une accélération de l’endoctrinement de la population : la radio Mille Collines joue un rôle majeur dans la diffusion de la haine des Tutsis. Le 6 avril 1994, le président Habyarimana meurt à son tour dans un attentat attribué au FPR par les extrémistes hutus. Cet événement est le point de bascule vers un processus d’extermination à grande échelle sur l’ensemble du territoire rwandais : ainsi, les contrôles d’identités aux barrages routiers mis en place à Kigali et sur l’ensemble du réseau routier entraînent l’exécution systématique des Tutsis, directement supervisée par les autorités. On estime aujourd’hui que 60% des victimes ont été massacrées au cours des trois premières semaines.

Au Rwanda, le génocide des Tutsis se caractérise par la forte implication des civils : l’historien Florent Piton évoque un “génocide de proximité” commis par des voisins ou au sein d’une même famille. Les lieux de massacres sont familiers et transgressent notamment la sanctuarité supposée des lieux de culte. Si les armes à feu sont utilisées par l’armée et les miliciens, 40% des victimes sont tuées à la machette et des objets d’usage domestique (maillets, pointes de lance…) sont détournés pour devenir des instruments de mort. Une très faible minorité de Tutsis parvient à se cacher, bénéficiant parfois de l'aide de certains Hutus opposés à l’idéologie de l’Etat.

Face à ce génocide, la communauté internationale tarde à réagir, voire se désengage, en évacuant des ressortissants étrangers puis la MINUAR. L'Opération "Turquoise", d’initiative française, ne se déploie qu’à la fin du mois de juin 1994 afin d’établir une zone humanitaire sûre au sud ouest du pays pour accueillir les civils.

Le 4 juillet 1994, le Front patriotique rwandais (FPR) entre dans la capitale Kigali et un gouvernement de transition est mis en place alors qu’on assiste à la fuite des Hutus vers le Zaïre. On estime aujourd’hui que le génocide a fait entre 800 000 et 1 million de victimes tutsies, soit 12% de la population totale du pays.

En 1996 commence le rapatriement des réfugiés des camps du Zaïre, mais la pacification du pays reste difficile. Il faut à la fois commémorer (érection de mémoriaux, commémoration nationale), juger les coupables et parvenir à faire cohabiter bourreaux et survivants. A partir de 2001, des tribunaux populaires instruisent près de 2 millions de dossiers et en 10 ans, 800 000 personnes sont condamnées pour leur participation à ces tueries de masse. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est chargé de juger les instigateurs du génocide : sur 93 personnes mises en accusation, 62 ont été condamnées.

25 ans après, des débats historiographiques sont encore à l’oeuvre, notamment sur le rôle de la France ou les mécanismes qui peuvent expliquer la diffusion de la haine au sein d’une même famille.

Éclairage média

Par Emeline VanthuyneProfesseure agrégée d'histoire )

Ce reportage est diffusé le 11 mai 1994, plus d’un mois après le début du génocide. Les journalistes qui arrivent sur le terrain découvrent alors des scènes difficilement soutenables : les corps en décomposition de familles entières, tuées à leur domicile. Ces scènes sont diffusées sans que le présentateur du journal prenne la peine de l’introduire avec les précautions d’usage, notamment en direction du jeune public.

La multiplication des conflits sur le continent africain au début des années 1990 (Ethiopie, Somalie) a contribué à la diffusion plus fréquente de ce type d’images au sein des journaux télévisés. Le reporter dénonce  un "safari de l'horreur" et semble se méfier d’une probable mise en scène macabre de la part des officiers du FPR ("sans doute pour prouver l’ampleur du massacre, ils ne sont toujours pas décidés à enterrer ces morts", "ils baladent les journalistes"). En effet, les médias constituent une arme de propagande utilisée dans les grands conflits contemporains (par exemple, lors de la première guerre du Golfe).

Les termes employés ("guerre oubliée", "bombardements", "exode des populations civiles") ainsi que l’extrait du discours de l’officier du FPR occultent le caractère génocidaire des massacres perpétrés par les Hutus contre les Tutsis. Alors que le génocide se poursuit (ne prenant fin qu’au début du mois de juillet), les déclarations de l'officier, le vocabulaire employé par le journaliste et la présence d'humanitaires sur place fournissent au public des éléments rassurants : le commentaire évoque ainsi "la fin des massacres", la sécurisation de la zone filmée et les appels aux retours des civils rwandais par le FPR.

L’opinion internationale ne perçoit pas alors le caractère de "génocide" des massacres perpétrés contre les Tutsis. Il serait très excessif d'imputer aux médias la responsabilité de l'aveuglement qui paralyse alors la communauté internationale face au génocide des Tutsis au Rwanda. Cependant ces événements ont permis, a posteriori, de relancer un débat sur le rôle des médias dans les conflits contemporains. Alors que certains dénoncent la banalisation de l'horreur dans les journaux télévisés, d'autres évoquent les drames humains oubliés par désintérêt médiatique (guerre au Darfour ou répression des Ouïghours).

 

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