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Les grèves de mai-juin 1936 en région parisienne et dans le Nord

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 01 mai 1936

Un important mouvement de grève se développe en France au lendemain de la victoire du Front populaire aux élections de mai 1936 : les ouvriers occupent leurs usines et s'organisent tandis que le pays est paralysé (fermeture de magasins).

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Gaumont
Date de diffusion du média :
01 mai 1936
Production :
Gaumont Pathé Archives
Page publiée le :
2007
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000881

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

Au lendemain de la victoire du Front populaire, un vaste mouvement de grève se développe dans toute la France, provoqué par les nombreuses années de frustrations sociales engendrées par la crise et les espoirs importants soulevés par l'arrivée de la gauche au pouvoir. Les grèves débutent vers la mi-mai en province, aux usines Bréguet du Havre, se propagent dans les entreprises aéronautiques (Latécoère à Toulouse) puis gagnent la région parisienne et les principales régions industrielles (Nord, Lyon) où elles paralysent les usines d'automobiles, les mines, la construction mécanique. En juin, de nouveaux secteurs sont atteints : bâtiments et grands magasins (Samaritaine, Galeries Lafayette à Paris). A son apogée, le mouvement représente plus de 12 000 grèves (dont 9 000 avec occupation d'usines) pour un total d'environ 2,5 millions de grévistes. Ces grèves paralysent tout le pays pendant plusieurs semaines : faute d'approvisionnement, de nombreux magasins sont obligés de fermer et ne peuvent plus servir leur clientèle. La France bourgeoise prend peur : "Paris a le sentiment très net qu'une révolution a commencé" titre le journal conservateur L'Echo de Paris. Pour le monde patronal, ces grèves sont présentées comme le début d'un mouvement insurrectionnel encouragé par le parti communiste. Le drapeau rouge flottant sur de nombreuses usines occupées constitue à leurs yeux le symbole de cette volonté révolutionnaire.

Les historiens ont cependant montré que ce mouvement social de mai-juin 1936 n'avait pas ce caractère révolutionnaire que leur a prêté la bourgeoisie de l'époque. Au contraire, les grèves sont apparues le plus souvent spontanées et les syndicats n'étaient pas toujours à l'origine des arrêts de travail. Ils eurent d'ailleurs beaucoup de mal à encadrer et canaliser le mouvement. Les grèves de mai-juin 1936 ont surtout marqué les esprits car elles se se sont accompagnées d'occupations d'usines par les ouvriers. C'est la "grève sur le tas" qui permet d'éviter toute tentative de "lock-out" de la part du patronat et de maintenir la cohésion et l'unité des grévistes. Pour le patronat, ces occupations d'usines constituent une véritable atteinte au droit de propriété et une remise en cause de leur autorité. Lors de ces occupations d'usines, les travailleurs se montrent toutefois particulièrement respectueux du matériel et des locaux, ce qui une fois encore, permet de nuancer le caractère insurrectionnel du mouvement. L'objectif pour les ouvriers n'est pas de tout détruire et de se révolter mais simplement de revendiquer une nouvelle place au sein de l'entreprise, de connaître une amélioration de leur représentation et de leurs conditions de travail, de montrer que l'usine n'appartenait pas qu'au patron. Cette occupation d'usine se déroule le plus souvent dans une atmosphère de fête, qui est restée dans la mémoire ouvrière, et dont la philosophe Simone Weil a laissé une bonne description dans son ouvrage La condition ouvrière : "indépendamment des revendications, cette grève en elle-même est une joie. Une joie pure". Des pique-niques prolongés sont improvisés dans les cours d'usines, des bals organisés au son de l'accordéon.

Ce mouvement de grève exerce une pression importante sur le nouveau gouvernement dirigé par Léon Blum, obligé d'adopter très rapidement un large volet de lois sociales afin de mettre un terme aux occupations d'usines et de permettre la remise en route économique du pays. Dès le 5 juin 1936, à l'Hôtel Matignon (siège de la Présidence du Conseil), Blum réunit ainsi les représentants du patronat (CGPF) et ceux du monde ouvrier (CGT). Jouant un rôle d'abitre entre les deux parties, le gouvernement permet l'adoption des "accords Matignon", signés le 7 juin 1936, prévoyant une augmentation générale des salaires, l'établissement de contrats collectifs de travail, l'institution de délégués du personnel dans les établissements employant plus de 10 salariés. Ces accords seront complétés par deux autres lois votées par le Parlement : la loi sur les congés payés et celle limitant la durée du travail à 40 heures par semaine. En contrepartie des accords Matignon, la CGT s' engage à faire cesser le mouvement de grève, ce qu'elle aura beaucoup de mal à mettre en oeuvre, malgré l'insistance de ses cadres et du dirigeant communiste Maurice Thorez ("il faut savoir finir une grève") : ce n'est que pendant la première quinzaine de juillet, soit plus d'un mois après les accords Matignon, que le mouvement de grève cesse définitivement.

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

Le reportage offre deux visions contrastées du mouvement social de mai-juin 1936 : en insistant tout d'abord sur les fermetures de magasins parisiens, il souligne l'importance de la paralysie économique provoquée par les grèves et les inévitables craintes des consommateurs face au mouvement et à ses conséquences. Les images des occupations d'usine ou de grands magasins (Galeries Lafayettes, Samaritaine) témoignent dans un second temps de l'union et la cohésion des ouvriers et surtout de l'esprit festif dans lequel se déroulent les grèves (bals, défilés).

A noter une image très intéressante, celle d'une usine parisienne où sont dressés à la fois le drapeau rouge mais également le drapeau national (bleu-blanc-rouge) témoignant du mélange des symboles révolutionnaires et patriotiques auquel se livre le parti communiste depuis 1934 dans le sens d'une intégration à la culture républicaine. Le discours prononcé par un dirigeant syndical ("nous lutterons jusqu'au bout mais dans le calme et la dignité pour nos revendications") témoigne également des motivations des grévistes et de l'absence de caractère insurrectionnel du mouvement.

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