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1917 : effondrement du tsarisme et révolution en Russie [muet]

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 1917

Les difficultés militaires (échec des offensives contre l'Allemagne) et économiques (crise du ravitaillement, crise financière) provoquèrent la montée d'une importante contestation sociale en Russie. La révolution met fin au tsarisme en 1917.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Collection :
Pathé
Date de diffusion du média :
1917
Production :
Gaumont Pathé Archives
Page publiée le :
2007
Modifiée le :
19 janv. 2024
Référence :
00000001039

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

La mobilisation et l'entrée en guerre de la Russie marquèrent un sursaut pour le pouvoir tsariste soumis à une forte contestation révolutionnaire depuis l'échec de la révolution de 1905. Les débuts de la guerre permirent en effet d'étouffer, au nom des exigences de la défense nationale, toute propagande révolutionnaire. Dans son ensemble, l'opinion a vu dans la guerre un acte nécessaire de défense contre l'impérialisme austro-allemand et un acte de solidarité avec le peuple serbe. La Douma accepta de voter les crédits de guerre et l'augmentation des impôts tandis que la majorité des députés proclamait son loyalisme à l'égard du tsar.

L'union sacrée qui caractérisa les débuts du conflit en Russie ne résista toutefois pas à l'accumulation des échecs militaires, aux difficultés économiques croissantes et aux scandales politiques. Considérée comme l'une des armées les plus puissantes d'Europe en raison de sa capacité à mobiliser un nombre considérable de soldats, l'armée russe était en fait très peu moderne, manquait de véhicules, d'artillerie lourde et de munitions. Dès les débuts de la guerre, l'échec de l'offensive menée contre l'Allemagne, arrêtée par le général Hindenburg à Tannenberg (fin août 1914) dégonfla le mythe du "rouleau compresseur russe". Les offensives austro-allemandes de 1915-1916 marquèrent un recul général des Russes, chassés de Pologne et de Lituanie. La tentative de contre-offensive menée par Broussilov en juin 1916 afin de récupérer les territoires perdus tourna rapidement à l'échec. Ces défaites militaires s'accompagnèrent d'un coût humain terrible : sur 15 millions de mobilisés, près de 55 % furent tués, blessés ou capturés entre 1914 et 1917. Sur le plan intérieur, la situation économique ne cessa de se dégrader à la faveur de la guerre. L'occupation des territoires occidentaux par les Allemands, la désorganisation des transports, le manque de main-d'oeuvre, l'importance des réquisitions pour l'armée, la difficulté de réaliser des échanges avec l'extérieur depuis l'entrée en guerre de la Turquie coupant la Russie de la Méditerranée... provoquèrent une importante crise industrielle et agricole. Pour la population russe, le problème le plus criant fut celui de l'insuffisance du ravitaillement : la situation était catastrophique dans les grandes villes (Moscou, Petrograd) au bord de la famine. Sur le plan politique enfin, le tsar Nicolas II perdit rapidement le crédit qu'il avait retrouvé au début de la guerre. Sa politique autoritaire créa un nouveau conflit avec la Douma, dont la majorité des députés (rassemblée au sein du "Bloc progressiste") souhaitait une modernisation des institutions. L'entourage de l'empereur était particulièrement impopulaire et l'opinion s'indignait de l'influence scandaleuse exercée par le moine Raspoutine, finalement assassiné par des membres de l'aristocratie en décembre 1916.

A partir de 1915-1916, l'agitation commença à se développer en Russie, témoignant d'un mécontentement croissant au sein de la société. A l'arrière, les grèves se multipliaient (au cours de l'année 1916, on dénombre 1400 grèves rassemblant plus d'un million d'ouvriers) tandis qu'au sein de l'armée des mutineries se développent ainsi que des mouvements de fraternisation avec l'ennemi (phénomène extrêmement rare au cours de la Première Guerre mondiale). Malgré tous ces signes de décomposition, malgré également certains avertissements lancés par les Alliés (notamment l'ambassadeur anglais à Moscou), le tsar continuait de refuser toutes réformes. Afin de réprimer les troubles, il prépara même un important plan de répression autour de Petrograd où 150 000 hommes furent rassemblés afin de balayer toutes émeutes. Au début du mois de mars 1917 éclata une première révolution, dite "révolution de février" en Russie en raison des treize jours de décalage du calendrier orthodoxe. Profitant de l'ouverture d'une nouvelle session de la Douma, d'importantes manifestations éclatèrent le 8 mars à Petrograd devant le siège de l'Assemblée. Le 9 mars, des manifestations de plus grande ampleur se développaient dans la capitale, provoquant les premiers heurts importants avec les forces de police. Un appel à la grève générale fut lancé alors que 200 000 travailleurs étaient déjà en grève dans la capitale. Le 12 mars fut une journée décisive car la garnison de la capitale passa du côté de l'insurrection : après avoir tué ou chassé leurs officiers, les soldats distribuèrent des armes à la foule, s'emparèrent de l'Arsenal, des bâtiments publics et du palais d'Hiver sur lequel le pavillon impérial fut remplacé par le drapeau rouge.

Tandis que les dirigeants de la veille étaient emprisonnés et les révolutionnaires libérés, deux pouvoirs nouveaux se constituaient dans la capitale : un soviet des délégués ouvriers se mit en place et la Douma se constituait en un Comité provisoire présidé par Rodzianko. Prévenu par télégramme de la révolution ayant éclaté à Pétrograd, le tsar Nicolas II, qui se trouvait à son état major de Mohilev, dut accepter l'idée d'une abdication à partir du moment où l'armée était au bord de l'implosion et ne lui apporterait pas son soutien contre les manifestants. La nouvelle de l'abdication (16 mars 1917) fut accueillie avec soulagement dans tout le pays. Porteur d'innombrables espérances, le nouveau gouvernement, issu du Comité de la Douma et comprenant les animateurs du "Bloc progressiste" (le prince Lvov, son président, Milioukov, ministre des Affaires étrangères, Kérenski ministre de la Justice), héritait d'une situation très difficile dans tous les domaines et dut partager la réalité du pouvoir avec le Soviet de Petrograd. L'oeuvre du Gouvernement provisoire (la réunion d'une Assemblée constituante était prévue une fois la guerre terminée) fut en fait assez limitée : loi d'amnistie, suppression de toute distinction de caste, religion et race, autonomie aux nationalités, journée de travail à 8 heures. Surtout, le Gouvernement provisoire souhaitait continuer la guerre jusqu'à sa fin victorieuse dans le respect de l'alliance conclue avec la France et la Grande Bretagne. Le fossé se creusa alors avec les Soviets, qui constituaient de fait un second pouvoir, et appelaient à des réformes économiques et sociales plus profondes (avec notamment la redistribution de la terre aux paysans) et surtout la négociation d'une paix sans indemnités ni annexion.

Les événements profitèrent alors aux bolcheviks, dont l'audience ne cessait d'augmenter. Le 16 avril, Lénine, réfugié en Suisse depuis les débuts de la guerre, fut accueilli à Pétrograd par une foule enthousiaste. Dès le 17 avril, il exposait aux bolcheviks les Thèses d'Avril : lutte contre la guerre, refus de tout soutien au Gouvernement Provisoire, édification d'une République des Soviets, distribution de la terre aux paysans, contrôle des ouvriers sur la production et la répartition des produits. Alors que le Gouvernement Provisoire reportait le règlement de tous les grands problèmes intérieurs au retour de la paix, Lénine souhaitait en fait conquérir les masses par un programme réclamant tout et tout de suite. Les idées de Lénine gagnèrent peu à peu du terrain car elles correspondaient aux voeux de nombreux ouvriers. Malgré les critiques de quelques responsables bolcheviks (Kamenev, Zinoniev), elles furent adoptées par la VIIème Conférence du parti en mai 1917.

Les divisions politiques, l'opposition des Soviets et la montée d'une importante contestation populaire provoquèrent une forte instabilité gouvernementale : un second gouvernement fut constitué le 18 mai, toujours dirigé par le prince Lvov, mais avec la participation de socialistes-révolutionnaires et de mencheviks. Un troisième gouvernement provisoire se constitua le 20 juillet sous la présidence de Kerenski. Kerenski dut faire face à une double menace : la montée de la contestation populaire tout d'abord, qui se manifesta notamment lors des journées des 16 et 17 juillet 1917, au cours desquelles la répression menée par l'armée fit plusieurs dizaines de morts, accentuant encore davantage le fossé entre le Gouvernement et le peuple. La seconde menace fut la tentative de coup d'Etat menée par le général Kornilov, qui tenta de faire marcher l'armée sur Pétrograd. Pour faire obstacle à cette tentative de putsch, Kerenski fut obligé de faire appel au prolétariat et soviets locaux ainsi qu'aux bolcheviks, dont les milices furent même réarmées pour l'occasion. En faisant obstacle au coup d'Etat de Kornilov, les bolcheviks sauvèrent certes -temporairement- le pouvoir de Kerenski mais surtout accrurent encore leur audience auprès des masses, en apparaissant comme les seuls défenseurs authentiques de la révolution. A partir de la fin septembre, Lénine et le Comité central commencèrent à mettre sur pied l'organisation d'une insurrection prochaine. La préparation technique fut notamment confiée à un Centre militaire révolutionnaire (créé officiellement le 25 octobre) tandis que Trotski organisait les "gardes rouges", créées en avril 1917, en vue de l'insurrection.

L'insurrection fut déclenchée dans la matinée du 6 novembre 1917 (24 octobre dans le calendrier russe) : les bolcheviks s'assurèrent le contrôle des édifices les plus vitaux et lancèrent des appels à toutes les formations révolutionnaires, en particulier les marins de Kronstadt qui dirigèrent sur la ville le croiseur Aurore. Kerenski prit la fuite dans la nuit et le 7 novembre les insurgés proclamaient la destitution du Gouvernement Provisoire. Lénine fut applaudi par le Soviet de Petrograd. Le même jour, l'assaut fut lancé contre le Palais d'Hiver, dont les défenseurs capitulèrent le soir même.

Le 8 novembre, l'Assemblée annonça au peuple que le pouvoir était maintenant entre les mains des Soviets, où les bolcheviks étaient majoritaires (390 députés sur 690). Un décret sur la paix et sur la terre fut immédiatement adopté. Avant de clore la séance, Lénine pouvait déclarer : "nous passons maintenant à l'édification de l'ordre socialiste".

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

Le reportage est en fait une suite d'images permettant de rappeler les principaux événements de l'histoire de la Russie depuis l'entrée en guerre et la mobilisation en août 1914 jusqu'à l'insurrection victorieuse des bolcheviks du mois de novembre 1917. Les images proposées permettent de montrer quelques uns des principaux acteurs de la période. La famille impériale tout d'abord, avec le tsar Nicolas II, l'impératrice Alice de Hesse-Darmstadt, particulièrement impopulaire en Russie car d'origine allemande, et leurs enfants (notamment le tsarévitch Alexis). Un portrait de Raspoutine permet de montrer l'un des conseillers du tsar les plus impopulaires. Ce moine jouissant d'une réputation de mystique et de thaumaturge, fut à l'origine des nombreux scandales politiques qui secouèrent les dernières années du tsarisme, jusqu'à ce qu'il soit assassiné en décembre 1916 à la suite d'un complot organisé par plusieurs membres de l'aristocratie russe. Raspoutine contribua dans une large mesure au discrédit de la monarchie des tsars.

Les images suivantes montrent les principaux événements de la révolution de "février" (manifestations populaires à Petrograd, destruction des symboles du tsarisme, drapeau rouge hissé sur le Palais d'Hiver, mutineries de soldats), la constitution du Gouvernement provisoire, issu du Comité exécutif de la Douma (avec notamment Lvov, Milioukov, Kerenski, Rodzjanko), le développement d'une importante contestation (mutinerie) au sein de l'armée alors que la guerre se poursuit, le retour de Lénine à Petrograd et son accueil par une foule enthousiaste, l'insurrection des 6 et 7 novembre 1917 menée par les bolcheviks (avec notamment la prise du Palais d'Hiver et des affiches annonçant la chute du gouvernement provisoire).

En commençant en 1914 et en remettant quelque peu en perspective les deux révolutions russes de 1917, ce reportage présente un intérêt indéniable car il permet de rappeler que la révolution russe de 1917 fut la fille de la Première Guerre mondiale. Ce sont en effet les défaites militaires de la Russie, la grave crise du ravitaillement et l'appauvrissement d'une large partie de la population (paysans notamment) à la faveur de la guerre qui furent directement à l'origine de la chute du tsarisme et poussèrent les masses populaires à se révolter. Plusieurs images de queues devant des commerces juste avant la révolution de février 1917 permettent notamment de rappeler combien les aspects matériels ont joué un rôle important dans le déclenchement de celle-ci.

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