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Fusillés pour l'exemple : les exécutions militaires pendant la Grande Guerre

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 11 nov. 1999 | Date d'évènement : 01 août 1914

Environ 500 soldats furent fusillés à titre d'exemple au cours de la Grande Guerre, souvent parce qu'ils s'étaient révoltés contre les conditions épouvantables dans lesquelles la hiérarchie militaire, obsédée par la discipline, les maintenait.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de l'évènement :
01 août 1914
Date de diffusion du média :
11 nov. 1999
Production :
INA
Page publiée le :
2007
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001052

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

Alors que la mobilisation et l'entrée en guerre s'étaient déroulées pratiquement sans aucun problème (très peu de cas d'insoumission furent constatés), les premières batailles particulièrement sanglantes et l'enlisement dans une guerre de position venaient démontrer au bout de quelques semaines que la réalité de la guerre n'avait pas grand chose à voir avec tout le discours officiel sur une guerre de courte durée et aux effets limités. Des armes nouvelles et terrifiantes faisaient leur apparition (gaz, mines, artillerie lourde) tandis que les "poilus" étaient confrontés à des conditions de vie particulièrement difficiles (boue, froid) dans les tranchées qui se mettaient en place le long d'un front désormais stabilisé. La moindre attaque contre les positions adverses, dans un système où la défensive était très largement avantagée sur l'offensive, se soldait par des massacres inutiles, les résultats recherchés n'étant quasiment jamais réalisés.

C'est dans ce contexte que, dès la fin de l'année 1914, le haut commandement paraît hanté par la nécessité de "tenir en main" ses troupes afin d'éviter une certaine dislocation de l'armée. Des conseils de guerre de l'armée française sont alors chargés de prononcer des sanctions exemplaires à l'égard de soldats coupables de désobéissance et de désertion. Entre septembre 1914 et septembre 1918, ces conseils de guerre auraient prononcé environ 2400 condamnations à mort dont 550 furent effectives. En 1914-1915, ces exécutions concernaient essentiellement des actes isolés et individuels (désertion, abandon de poste, recul pendant l'assaut, mutilations volontaires). Beaucoup de ces condamnations furent quelque peu aléatoires et injustes. Très vite, les médecins militaires eurent pour consignes d'être particulièrement vigilants avec les "épidémies de blessures suspectes". Mais on sait que de nombreux soldats ont été condamnés à tort, les médecins caractérisant de "mutilations volontaires" des blessures parfois réellement obtenues sur le champ de bataille. Des soldats victimes du "shell shock", chocs traumatiques provoqués par l'artillerie et paralysant entièrement celui qui en était atteint, ont été fusillés parce que les blessures psychiques n'étaient pas prises en compte par l'armée au début de la guerre.

Au-delà des actes individuels, il y eut également des phénomènes de désobéissance collective, que l'on qualifie généralement de mutinerie. Quelques "petites mutineries" ont été observées en 1915 (Artois) ou en 1916 (Verdun) mais elles n'impliquèrent que quelques dizaines de soldats et eurent une durée très limitée. En revanche, au lendemain de l'échec de l'offensive du Chemin des Dames (avril 1917), d'importantes vagues de mutineries se développent dans l'armée (entre 30 000 et 40 000 mutins) : les mutins refusent de continuer à servir de "chair à canon" et manifestent leur exaspération face à des offensives meurtrières, provoquant des sacrifices inutiles. Les conseils de guerre prononceront 554 condamnations à mort dont une cinquantaine seulement seront exécutées. Dans les faits, relativement peu de peines de mort prononcées ont été appliquées au lendemain des mutineries de 1917 (10%). Il fallait en effet trouver un juste équilibre entre des exécutions permettant le retour à l'ordre par leur exemplarité tout en évitant un trop grand nombre d'exécutions qui auraient pu entraîner des mutineries beaucoup plus générales et un risque de dislocation de l'armée. De fait, seuls des meneurs soigneusement sélectionnés furent exécutés.

Il faut noter enfin que d'autres sanctions que la peine de mort existaient, beaucoup plus difficiles à saisir car échappant pour le moment aux statistiques. Des sections spéciales disciplinaires ont été mises en place dans la plupart des armées : les soldats sanctionnés y exécutaient sous haute surveillance des tâches particulièrement nombreuses. Se pose également le problème ses soldats exécutés de façon sommaire sur le champ de bataille même, par des officiers chargés d'exécuter lors des assauts ceux qui retournaient en arrière ou refusaient d'avancer. Mais ces exécutions sommaires échappent à toutes mesures statistiques. Après la guerre, quelques fusillés seront rétablis dans leur honneur au cours des années 1920 et 1930. Le 5 novembre 1998, le Premier ministre Lionel Jospin déclara dans un discours à Craonne à propos des fusillés des mutineries de 1917 : "qu'ils réintègrent aujourd'hui pleinement notre mémoire collective nationale".

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

Le reportage montre le général et historien André Bach, qui a pu avoir accès aux archives du Service historique de l'armée de terre (SHAT) à Vincennes afin d'étudier la question des exécutions effectuées au sein de l'armée française au cours de la Première Guerre mondiale. André Bach est l'auteur d'un ouvrage sur la question, Fusillés pour l'exemple, 1914-1915, Editions Taillandier, 2003. Son mérite est notamment d'avoir élargi ses recherches au delà de la répression des mutineries de 1917, déjà largement connue. Ses recherches montrent ainsi que la grande majorité des 550 condamnations à mort exécutées l'a été au début de la guerre, entre l'automne 1914 et l'automne 1915, à une période où l'Etat-major était soucieux de multiplier les exemples afin de provoquer une forte impression auprès des soldats et d'éviter les phénomènes de désertion et de désobéissance.

Cette question des exécutions capitales au cours de la Première Guerre mondiale divise quelque peu les historiens de la période. Certains ont tendance à focaliser sur les phénomènes de mutineries, de désertion, et sur la répression qui s'ensuivit. D'autres au contraire, en remplaçant ces phénomènes dans un contexte plus général, ont tendance à dire qu'ils n'ont été que marginaux (au final, le nombre de mutins en 1917 apparaît infime au regard des 1,2 millions d'hommes mobilisés tandis que la répression n'a finalement concerné que très peu de soldats).

Une comparaison internationale permet enfin de montrer que globalement les armées les moins efficaces sont celles qui ont eu le plus recours aux exécutions. Il n'existe pas de statistiques globales fiables pour les armées de la Russie et de l'Autriche-Hongrie mais toutes deux sont supposées avoir largement fait usage de la peine capitale. L'armée italienne a exécuté 750 hommes, soit 150 de plus que l'armée française (beaucoup plus nombreuse). Selon les chiffres officiels (soumis toutefois à contestation), l'armée allemande n'aurait effectué que 48 exécutions capitales. On ne compte que 11 exécutions du côté américain (toutes pour meurtre ou viol) et aucune chez les Australiens malgré la pression exercée sur eux par les Britanniques.

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