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Juliette Gréco

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 24 mars 1966

Juliette Gréco interprète l'une de ses chansons fétiches, le grand classique de Jacques Prévert et Joseph Kosma Les Feuilles mortes.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
24 mars 1966
Production :
INA
Page publiée le :
23 sept. 2008
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001217

Contexte historique

Par Stéphane Ollivier

Chanteuse au timbre grave et sensuel, interprète exceptionnelle des plus grands noms de la chanson française, Juliette Gréco, décédée le 23 septembre 2020, demeurera à jamais, dans l'imaginaire collectif, l'incarnation juvénile, mystérieuse et rebelle du Paris existentialiste de l'immédiat après-guerre - l'égérie troublante de l'âge d'or de Saint-Germain-des-Prés, l'archétype même de la femme moderne et indépendante.

Née à Montpellier le 7 février 1927, la petite Juliette connaît une enfance mouvementée. Embarquée par sa mère dans l'aventure de la Résistance, elle est arrêtée par la Gestapo en 1943 et emprisonnée à Fresnes pendant de longs mois. A la Libération, seule et sans ressources, elle s'installe à Paris et fréquente alors le quartier de Saint-Germain-des-Prés, en pleine ébullition intellectuelle. Elle découvre le jazz, rencontre Sartre, Camus, qu'elle séduit par son insolence et son esprit d'indépendance. Toute habillée de noir, elle devient rapidement l'une des figures incontournables du club Le Tabou. Elle y gagne l'amitié de personnalités aussi diverses et talentueuses que Boris Vian, Jean Cocteau (qui lui offre un rôle dans son film Orphée ) ou encore Miles Davis.

En 1949, elle décide de se lancer dans la chanson à l'occasion de la réouverture du célèbre cabaret Le Bœuf sur le Toit. De nombreux écrivains et poètes lui écrivent à cette occasion des textes originaux (Queneau Si tu t'imagines, Prévert Les feuilles mortes, Desnos La fourmi), le plus souvent mis en musique par le grand compositeur Joseph Kosma. Juliette Gréco, avec une intelligence poétique aiguë des textes et de leur dramaturgie intime, se révèle alors une interprète de génie et invente tout bonnement le style rive gauche, littéraire et raffiné. Égérie sensuelle et mystérieuse du petit monde artistique et intellectuel de Saint-Germain-des-Prés, Juliette Gréco, à cet instant de sa carrière, demeure cependant en partie inconnue du grand public. En 1951, elle enregistre son premier disque crânement intitulé Je suis comme je suis et, en 1954, reçoit le Grand Prix de la SACEM pour la chanson Je hais les dimanches. Sa notoriété commençant à se diffuser, Juliette Gréco va alors multiplier les activités - passant de la chanson au théâtre pour finalement se tourner vers le cinéma en partant aux USA tourner avec Orson Welles et John Houston. De retour en France en 1959, Gréco découvre un jeune auteur compositeur talentueux du nom de Serge Gainsbourg qui, pendant plusieurs années, va lui confectionner une série de chansons sur mesure (La Javanaise, 1963). Choisissant son répertoire avec un goût très sûr (elle chante Brassens, Brel, Béart (Il n'y a plus d'après ), Ferré (Jolie môme), Gréco va, tout au long des années 1960, multiplier les récitals, en France et à l'étranger, s'imposant aux yeux du monde comme l'ambassadrice de charme et de distinction de la chanson d'auteur française.

Férocement indépendante et intransigeante sur ses choix artistiques, Juliette Gréco, dans le tournant des années 1970, continue de mener une carrière exigeante ponctuée d'œuvres parcimonieuses mais toujours de haute qualité (Les Voyous,1975, sur des poèmes de Pierre Seghers ; Gréco 83 ; Un jour d'été et quelques nuits, 1998) sur des textes de Jean-Claude Carrière ; ou encore le magnifique Le temps d'une chanson (2006), disque résolument jazz d'une grande ambition orchestrale. Elle est aujourd'hui l'un des dernier monstres sacrés de l'âge d'or de la chanson française littéraire.

Éclairage média

Par Stéphane Ollivier

Cette séquence, extraite d'une émission diffusée le 24 mars 1966, entièrement consacrée à l'univers de Juliette Gréco, nous plonge au cœur de la mythologie de la chanteuse. Silhouette frêle et élégante, toute de noir vêtue, Gréco y interprète une des chansons les plus emblématiques de son répertoire, le chef-d'œuvre de Jacques Prévert et Joseph Kosma, Les Feuilles mortes. Composée à l'origine pour servir de générique au film de Marcel Carné Les Portes de la nuit, sorti sur les écrans français en 1946, la chanson fut créée au préalable par deux grandes dames de la chanson française, Cora Vaucaire et Marianne Oswald, avant que Juliette Gréco, au tournant des années 1950, ne s'en empare et ne l'enregistre pour l'éternité.

Accompagnée du grand orchestre de Raymond Lefèvre, Gréco, sur un arrangement original d'un grand raffinement orchestral et dramaturgique, en offre ici une version toute de délicatesse et absolument envoûtante. Avec ce mélange si singulier de sobriété, de précision et d'expressivité, magnifiquement filmée par une réalisation au diapason, concentrée sur le visage de la chanteuse comme cette dernière l'est sur les mots qu'elle joue, dit, chante dans le même mouvement - Juliette Gréco se montre à la hauteur de sa légende, s'affirmant non seulement comme une interprète de génie dans l'art de faire « rendre l'âme » aux nuances les plus subtiles d'un texte, mais également comme une très grande musicienne maîtrisant le phrasé et le timbre grave de sa voix inimitable, dans ses moindres inflexions.

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