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Les séquestrations patronales

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 09 avr. 2009

Les premiers mois de l'année 2009 voient la multiplication de séquestrations de patrons ou de cadres par des salariés menacés de licenciement. Ce mode d'action se répand en France et s'exporte même au-delà des frontières.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
09 avr. 2009
Production :
INA
Page publiée le :
18 oct. 2011
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001291

Contexte historique

Par Victor Pereira

Le Krach boursier de l'automne 2008 et la crise économique et financière qu'il provoque entraînent une hausse du chômage dans de nombreux pays, dont la France. Rentrée en récession au début de l'année 2009, l'économie française perd de nombreux emplois. Entre avril 2008 et avril 2009, 324 000 emplois sont supprimés. Le chômage grimpe pour s'approcher de la barre symbolique des 10% de la population active. Les plans de licenciements collectifs se multiplient. L'administration en recense 223 pour le seul mois de mars 2009. Les inscriptions au pôle emploi à la suite d'un licenciement collectif augmentent significativement : + 46,1% en mars 2009 par rapport au mois de mars 2008.

C'est dans ce contexte économique que des mouvements sociaux éclatent dans plusieurs entreprises françaises : Caterpillar, 3M, Molex, Sony, Heuliez, Scapa, Faurecia. Les salariés de ces entreprises séquestrent leurs patrons ou des cadres de l'entreprise pour obtenir l'annulation des licenciements prévus ou de meilleures primes de licenciement. Ce sont donc des mouvements fondamentalement défensifs. Ces séquestrations sont très largement relayées dans les médias et bénéficient, selon les sondages, d'une compréhension de l'opinion publique. Le gouvernement, mais aussi une grande partie de l'opposition, exprime son opposition face à ce mode d'action mais admet comprendre les motivations – jugées légitimes – des salariés. De même, les syndicats récusent ce mode d'action mais le comprennent. Dans les entreprises, si ce ne sont pas les militants syndicalistes qui initient ces mouvements, les syndicats les suivent et les encadrent pour tenter de contrôler la situation. Les représentants du patronat craignent une diffusion des séquestrations patronales. Ils rappellent d'une part que les séquestreurs sont passibles de prison et d'autre part que les accords signés dans ce cadre sont illégaux car obtenus par la contrainte.

Ce mode d'action spectaculaire pose la question du dialogue social, de la mondialisation et de la place des syndicats. En effet, les séquestrations semblent être provoquées par la méfiance que suscitent les employeurs parmi les salariés et par le manque de dialogue au sein de l'entreprise. Cette méfiance est d'autant plus forte qu'une partie de ces entreprises appartiennent à des groupes étrangers (Molex, Caterpillar et 3 M appartiennent à des groupes américains par exemple) sur lesquels les salariés semblent avoir aucune prise. Des décisions vitales pour ces travailleurs sont prises à l'étranger, sans concertation. La séquestration apparaît comme un moyen de garder sur place des cadres cosmopolites, déracinés des contextes locaux dans lesquels s'inscrivent ces lieux de production. Enfin, la faiblesse des syndicats français est régulièrement pointée comme l'une des causes de ces gestes qualifiés de désespérés. Depuis les années 1980, les syndicats français comptent peu d'affiliés. Le taux de syndicalisation des travailleurs français du secteur privé est l'un des plus bas des démocraties occidentales. Il n'est que d'environ 5% alors qu'il est de près de 14% aux Etats-Unis.

Cependant, le reportage suggère que la prétendue spécificité française dans le domaine syndical et du dialogue social ne suffit pas à expliquer le phénomène des séquestrations. Il suit en effet une rapide séquestration menée dans une filiale belge du groupe FIAT. Les salariés avouent l'influence française.

Éclairage média

Par Victor Pereira

Pour de nombreuses catégories professionnelles en lutte, la médiatisation de leur cause est une condition fondamentale pour espérer obtenir un succès. La séquestration de chefs d'entreprise ou de cadres s'inscrit en grande partie dans cette logique. Spectaculaire, ce mode d'action attire les caméras. C'est ce que montre ce reportage : les journalistes se bousculent et de nombreuses caméras et micros filment les salariés tant dans l'entreprise Fiat en Belgique que dans l'entreprise Caterpillar en France. La médiatisation peut inciter les entreprises, soucieuses de leur image auprès de l'opinion publique et donc auprès de leurs clients, à faire marche arrière. Il peut également amener les autorités publiques à intervenir rapidement en leur faveur pour ne pas que le mouvement fasse tache d'huile. La médiatisation renforce donc la position de salariés qui se sentent démunis et essaient d'instaurer un rapport de force avec leur direction en l'empêchant de se déplacer.

Les médias sont donc à la fois des observateurs de ces mouvements sociaux singuliers mais aussi une de leurs causes. Ils ne sont en aucun cas des agents neutres, sans effets sur les mobilisations sociales. Ils contribuent à leur donner des formes transposables sur les écrans de télévision, prenant à partie l'opinion publique et le gouvernement. Ainsi, outre les séquestrations, certains salariés ont, ces dernières années, utilisé la menace à l'explosion de sites industriels ou de pollution de rivières. De leurs côtés, les paysans font régulièrement des actions spectaculaires pour attirer le regard des médias et, à travers eux, de l'Etat et de l'opinion publique.

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